Texte original et première traduction française (partielle, car il
n'est question ici que du prologue) du plus ancien commentaire
connu de la règle de saint Benoît. C'est la dernière oeuvre, et la
plus personnelle, de Smaragde (c.750-c.830), abbé bénédictin à
Saint-Michel-sur-Meuse, conseiller de Charlemagne. L'ouvrage peut
être considéré comme un instrument de propagande en faveur de la
réforme monastique initiée par l'empereur: désormais, dans tous les
monastères bénédictins, la regula mixta (Colomban-Benoît), source
d'anarchie, sera abandonnée au profit de l'unique règle de saint
Benoît. Le commentaire se présente comme une instruction morale,
étayée de nombreuses citations bibliques, implicites et explicites,
tant bibliques que patristiques. S. centre son propos autour de la
recherche de Dieu. Il s'adresse non seulement aux moines mais à
tous les baptisés. Sa langue est souple et harmonieuse. Notons
l'allégorie du bon Samaritain: la descente de Jérusalem à Jéricho
symbolise l'incarnation du Christ; l'huile et le vin représentent
l'austérité de la pénitence et le réconfort du pardon; les deux
deniers offerts à l'aubergiste évoquent les deux testaments. S.,
auteur lui-même d'une grammaire chrétienne (Liber in partibus
Donati) qui a connu un grand succès au cours du haut Moyen Âge, se
plaît à justifier certains usages stylistiques de saint Benoît:
obsculta pour ausculta; mihi sermo pour meus sermo. Et que penser
de son étymologie isidorienne, qui réfère magister à maior in
statione (du grec steron!)? - P. Detienne sj