C'est une étude fouillée de la notion de fiction en droit canonique
que nous livre l'A., professeur de droit canonique à la Faculté de
Théologie Notre-Dame, à Paris, dans cette reprise de la thèse qu'il
a défendue à l'Université Grégorienne. Déjà connue par le droit
romain, la fiction a parfois mauvaise presse lorsqu'on l'assimile à
de la simulation. Elle pose effectivement la question du rapport du
droit à la vérité ou à la réalité des faits, et donc des limites du
droit. Cependant, en droit canonique, particulièrement dans le
domaine du mariage, elle poursuit toujours un but de «guérison»,
visant à rendre légitime l'union et la filiation. En ce sens, elle
est étroitement liée à la dimension guérissante de l'amour conjugal
et du mariage. Telle est la thèse fondamentale qui traverse
l'ouvrage. L'A. adopte d'abord une démarche historique, en
retraçant l'évolution de la fiction depuis sa redécouverte à fin du
Moyen Âge. Bartole, professeur à l'université de Pérouse
(1314-1357), joua un rôle déterminant dans cette renaissance. Mais
le droit canon a vu l'apparition de fictions dès les Décrétales de
Grégoire IX au xiiie siècle. Dans les deuxième et troisième parties
de l'ouvrage, l'A. étudie particulièrement quatre fictions
actuelles dans le droit canonique du mariage. Les deux premières
sont dites «translatives de rétroactivité». Il s'agit de la
légitimation par mariage subséquent, régie par les canons 1139 et
1140, en vertu de laquelle les enfants illégitimes sont légitimés
par le mariage subséquent de leurs parents, et de la sanatio in
radice, objet des canons 1161 à 1165, qui permet à l'autorité
compétente de convalider un mariage nul sans renouvellement du
consentement. Les deux autres fictions examinées sont dites
«positives de putativité». Il s'agit du mariage putatif, mariage
nul célébré de bonne foi au moins par une des parties (canon 1061
§3), qui produit certains effets dans le domaine du droit (canon
1137) et de la suppléance de juridiction, mieux connue sous
l'expression fameuse Ecclesia supplet (canon 144), qui permet, à
certaines conditions, de reconnaître comme valide un mariage
célébré sans respecter la forme canonique. Chacune de ces
institutions canoniques fait l'objet d'une étude historique
approfondie dans la législation, la jurisprudence et la doctrine
canoniques.L'ouvrage a la technicité d'une thèse et demande une
culture juridique et canonique solide pour pouvoir être lu avec
fruit. Il montre bien le fondement d'une institution qui, au-delà
d'une simple dimension technique, a correspondu à une
christianisation de la doctrine juridique. - B. Malvaux sj