L'A., théologien laïque, échange avec un journaliste quelques
propos au sujet du mal. Extrayons-en quelques bribes. Il y a de
plus en plus de mal parce que les normes sont de plus en plus
exigeantes: nous n'acceptons plus ce qui était, pour nos ancêtres,
dans l'ordre des choses. L'homme a renoncé à imputer le mal aux
divinités, il se reconnaît cause de son malheur: chacun a le
bonheur qu'il mérite. Mais cette stratégie de la rétribution ne
fonctionne pas: il y a un mal dont à la fois le monde et les hommes
sont innocents. Il n'y a pas de désordre dans la nature, sauf par
rapport à nos désirs. Ce n'est pas le monde qui a changé (il n'est
ni bon ni mauvais) mais notre regard sur le monde. Nous devons
faire le deuil d'une justice qui serait dans les choses et dans les
événements. On ne doit pas compter sur Dieu pour expliquer le mal.
Ce n'est plus la désobéissance aux règles qui cause le malheur, ce
sont les règles elles-mêmes qui sont en tort: on accuse le
'système'. La souffrance est une réalité dont nous ne pouvons pas
faire l'économie. Nous ne lui trouvons pas de justification, mais
nous devons pouvoir la vivre humainement. Le sens n'est pas donné à
l'avance, il est à faire… Le dernier mot est à l'espérance. Et au
pardon. - P. Detienne sj