Dignità e fraternità. L’eutopia cattolica tra islamismo et transumanesimo
Carlo Lorenzo RossettiMorale e diritto - reviewer : Pascal Ide
Prêtre polygraphe du diocèse de Rome, Carlo Lorenzo Rossetti a écrit dans presque tous les domaines de la théologie catholique, en dogmatique comme en morale, sur la théologie trinitaire comme sur l’eschatologie. Son dernier livre, qui adopte une perspective plus pastorale, propose une vision de l’avenir que l’A. appelle « utopie catholique ». En effet, de l’empereur Théodose i (380) à la Révolution française, le modèle socio-politique fut celui de la chrétienté, avec ses « immenses mérites » (p. 6). Mais « nous ne sommes plus en régime de chrétienté » (François, 21 décembre 2019). Il nous faut donc inventer un nouveau modèle. Paul vi l’a défini : « la civilisation de l’amour ». Et il doit aujourd’hui s’incarner dans une « utopie catholique ». Celle-ci, bien présente dans l’encyclique Fratelli tutti qui parle aussi volontiers de « songe », est un « idéal positif et concret » (p. 8), qui stimule l’espérance (1re part.) tout en conjurant les illusions (2de part.).
Cette utopie se décline en trois composantes : la filialité ou plutôt la dignité filiale, la fraternité et le respect de la nature. La filialité se définit comme l’engendrement par une autorité bonne : tel est le cas de la filiation naturelle dans le cadre de la famille ; tel est aussi le cas de la filiation surnaturelle qu’est la filiation dans le Christ, vrai Fils de Dieu. Et, pour l’A., c’est la filiation (et non pas la liberté) qui fonde la dignité (chap. 1). Autant la filiation est une relation verticale, autant la fraternité introduit une relation horizontale (chap. 2). Enfin, la nature doit se prendre en un double sens : la nature physique du monde, qui appelle à la responsabilité écologique pour la « maison commune » et la nature humaine, qui s’incarne dans la loi naturelle, fondatrice de la morale (chap. 3).
Face à cette utopie lumineuse se dressent deux dystopies ténébreuses : l’islamisme et le transhumanisme. Le 1er, qu’il faut distinguer de l’islam, est une tentation à la fois théocratique et conservatrice (chap. 4). Le 2d, qui travaille le capitalisme de contrôle, est une tentation à la fois technocratique et progressiste (chap. 5).
L’ouvrage se lit aisément de par le style fluide typique de l’A. et son organisation très structurée. Nous poserons seulement une question à propos du choix des deux dystopies. Puisque, implicitement, le volet positif est structuré à partir des trois ontologies régionales (ou les trois pôles de Rosenzweig), Dieu (filialité), l’homme (fraternité) et le monde (nature), le volet négatif des illusions ne devrait-il pas, symétriquement, parcourir non pas deux, mais trois hypertrophies exclusivistes, celles de Dieu (islamisme), de l’homme (transhumanisme) et de la nature (les monismes néo-orientalistes qui font aujourd’hui florès) ? — P. Ide