Ce gros ouvrage collectif vaut déjà par la pétillante préface de
Catherine Labrusse-Riou qui donne tout de suite une teinte
impertinente et un caractère de race aux propos du livre. Voilà
donc un travail de recherche approfondi qui entend faire le point
sur la genèse et le contexte d'apparition du concept de droit
naturel. S'agirait-il, dans la foulée de l'intérêt actuel pour C.
Schmidt, de remettre à l'honneur une fondation du droit réputée
désuète, voire dangereusement conservatrice? La réponse à cette
question n'est pas aisée, bien que l'on puisse rapidement évacuer,
sous l'autorité de M. Ruol ou J.M. Longneaux, toute intention
passéiste. Les prestations de P. Favraux et de X. Dijon en
particulier nous invitent cependant à ne pas trop vite éluder le
caractère d'idéal que peut, aujourd'hui encore, conserver un
concept de droit naturel devant les diverses apories du droit
positif. Voilà pourquoi cet ouvrage se présente essentiellement,
avant toute décision relative à la pertinence d'une notion de droit
naturel, comme une recherche sur l'histoire de ce concept: la
partie intitulée « Grand angle » qui ouvre cet ouvrage en
narre les aléas depuis l'Antiquité, tandis qu'une seconde et grande
section de l'ouvrage s'attarde sur des contributions singulièrement
importantes comme celles de Platon, d'Aristote (article à signaler
de G. Fiasse) ou de Cicéron. On notera en particulier le chapitre
consacré à saint Thomas (D.J. Klassen) et celui portant sur Hegel
par Ph. Soual. C'est dans la partie intitulée
« Contre-jours » que commence seulement le débat entre
« scepticisme de bon aloi » (F. Coppens) et les partisans
d'une normativité qui ne soit pas purement procédurale mais aussi
métaphysique. L'évocation du P. Fessard dans l'article de P.
Favraux apparaît ici bienvenue, tant elle permet de hausser le
propos à un niveau proprement spéculatif. Comme le note avec raison
J.-M. Ferry dans sa postface, l'on n'a pas abouti, à la fin de
cette discussion, à une notion claire et distincte de droit
naturel. On ne pourra cependant que féliciter les contributeurs de
cet ouvrage solide et imposant pour le courage qu'ils ont eu à
désenclaver la voie d'une telle recherche. - E. Tourpe