L'A nous plonge dans la vision irénéenne des profondeurs du mystère chrétien: Trinité, Incarnation, Église, relation entre les deux testaments. Nous sommés invités à voir dans le Christ, en tant que Verbe et nouvel Adam, le père spirituel du genre humain (AH IV. 31.2; 335). Le point de vue anti-gnostique est souvent, avec raison, souligné. Sur la mission des prophètes, Irénée les présente comme configurés au Fils par l'action de l'Esprit Saint (256): la prophétie est opération du Verbe et de l'Esprit, les deux mains du Père (261). La prophétie prépare le Verbe Incarné et est déjà présence du Verbe dans l'A.T. (335). Alors que la gnose valentinienne voyait dans le prophète un être orienté vers le service, caractérisé par miracles et guérisons, le Paraclet était pour elle supérieur, répandu sur Jésus lors du Baptême dans le Jourdain, seulement pour le bien des spirituels. Les deux Esprits, prophétique et Paraclet, coexistaient en Jésus sans se confondre, chacun pour le bien de sa propre Église (psychique ou pneumatique). Pour Irénée, au contraire, le Paraclet s'identifie avec l'Esprit prophétique de l'A.T. (352-353).
Dans le volume ici présenté, analyse et synthèse des points de vue irénéens sont souvent et brillamment élaborées. L'étude très systématique et précise, extraordinairement riche au point de vue bibliographique, aboutit à une meilleure intelligence des complexités du gnosticisme.
Quelques limites se manifestent. Sauf erreur, l'A. ne souligne pas que le charisme suprême de l'amour, dans la pensée d'Irénée, peut être perdu. Certes ce point résulte de l'ensemble de l'attitude d'Irénée vis-à-vis des gnostiques. Mais il mérite d'être précisé explicitement. D'autre part, bien que la question de la vision irénéenne du salut des païens ne fasse pas directement partie du thème de l'A., le lecteur de la p. 316 apprécierait une précision sur ce point. L'A. pense-t-il que le salut éternel des nonbaptisés aux yeux d'Irénée résulte des Alliances avec Adam et Noé (AH III. 11.8; p. 327)? Nous ne le savons pas.
Malgré ces rares limites, l'étude de Rodrigo Polanco Fermandois présente le très grand avantage d'être systématique sur un point précis. Il en résulte que l'A. s'est déjà classé parmi les meilleurs connaisseurs d'Irénée; et le travail qu'il nous a présenté nous promet d'autres contributions importantes. Nous aimerions savoir son opinion sur la possibilité pour Irénée de la justification dans le cadre de l'Ancienne Alliance: d'autres Pères l'ont admis. Irénée pensait-il retrouver dans le Royaume ses ancêtres qui n'avaient pas connu le Mystère du Christ? - B. de Margerie, S.J.