L’ouvrage vient combler une lacune dans les études historiques à propos d’Antoine Arnauld puisqu’il retrace la vie intellectuelle du théologien en partant de situations polémiques très précises (des « affaires ») qui permettent d’entrer de plain-pied dans l’histoire religieuse du siècle. Une lacune car malgré l’étendue des documents qui forment ses Œuvres complètes, malgré les nombreux récits biographiques qui lui ont été consacrés, la matière semble toujours évanescente dès lors que, comme le dit J.-R. Armogathe, « Antoine Arnauld (…) n’est pas un individu : c’est d’abord un nom, une famille, une cause et un parti, c’est un théologien et un philosophe, c’est l’ensemble des problèmes que l’âge moderne connaît en philosophie, en théologie, et à l’interface des deux disciplines » (p. 13). Après une introduction qui précise cela, un 1er chap. établit les origines familiales et la formation intellectuelle du philosophe-théologien. La suite de l’ouvrage est composée de différents chap. dont quelques-uns ont déjà fait l’objet d’une édition dans des revues. La discontinuité des sujets abordés ne nuit pas à la cohérence de l’ensemble puisqu’il s’agit pour l’auteur de se livrer à un exercice de micro-histoire abouti, du fait de son érudition. Des aspects ou des ouvrages moins commentés de l’œuvre d’Arnauld – son activité de traducteur de saint Augustin, sa relation avec Dom Hilarion Rancati ou encore ses écrits thomistes – sont ici discutés et permettent de préciser les contours du « fantôme du jansénisme » – d’après Le Phantôme du jansénisme, publié par Arnauld en 1686 – c.-à-d. cette identité janséniste fluctuante qui n’existe que par et pour ses opposants. Jean-René Armogathe met également à notre disposition une série de documents qu’il contextualise et commente avec précision, nous permettant de saisir la vie intellectuelle du Grand Arnaud. Loin des grandes synthèses sur le système de pensée d’Arnauld, on trouve là une présentation par touches impressionnistes d’une pensée élaborée par période en situation de conflit. — S. Gonzalez
