Fils adoptifs de Dieu par Jésus Christ. La filiation divine par adoption dans la théologie de saint Thomas d'Aquin

L.-Th. Somme
Teologia - reviewer : René Lafontaine s.j.
Le mystère de notre divinisation n'a pas seulement été célébré et réfléchi par la patristique et la scolastique grecque, mais également et à sa manière par la tradition latine et occidentale jusqu'à nos jours. L'étude ici proposée entend rendre hommage à l'équilibre de la synthèse exposée par saint Thomas à ce sujet.
Elle présente, dans la Ie Partie, en latin comme en traduction, tous les textes tirés des oeuvres de synthèse comme des Lectures scripturaires, qui abordent ce thème par le biais de notre filiation adoptive. Un dossier impressionnant, rigoureusement introduit et commenté, cependant délimité par la citation explicite des termes signifiant l'adoption. Dans la IIe Partie, le lecteur est invité à cheminer à travers un vaste parcours informatif. Comment les théologiens médiévaux, scolastiques, positifs et finalement néo-thomistes ont-ils traité à leur tour de cette filiation? Du XIIIe au XXe siècle, l'A. caractérise critiquement les positions de 43 théologiens, en mettant heureusement en évidence les tournants et les ruptures de cette longue tradition. On voit ainsi émerger la prédominance de la grâce créée, due à la dérive de la polémique anti-protestante chez Suarez; celle de l'inhabitation du Saint-Esprit chez Lessius et Petau; celle de l'actuation créée par l'Acte incréé et de la causalité quasi-formelle à l'occasion de la dispute entre Granderath et Scheeben, celle de l'incorporation au Christ chez Dorsaz. Survint enfin le débat portant sur l'interprétation de l'appropriation à telle ou telle personne divine de l'inhabitation trinitaire. Alors que Galtier la réduit à la présence de Dieu attestée par ses effets de grâce, Mersch souligne au contraire son fondement réel en chaque personne de sorte que la filiation adoptive puisse être pensée comme «une participation à la filiation stricte du Fils»: «Filii in Filio». Parmi les auteurs non étudiés, on regrettera surtout l'absence de Maître Eckhart.
Pour justifier le retour à la pensée de Thomas (IIIe Partie), l'A. souligne le fait que le parcours historique mentionné ci-dessus déstabilise et démembre l'équilibre de la synthèse du Docteur de l'Église. En effet, l'émergence de ces courants de pensée «apparaît souvent prometteuse et s'avère généralement décevante dans la mesure où le point de vue donné comme le plus explicatif se révèle non moins limité que les autres. En outre, il est de plus en plus difficile de savoir ce qui appartient authentiquement à la doctrine de saint Thomas et ce que l'on prétend déduire de ses principes en les prolongeant» (p. 313). Cette nouvelle reprise de la théologie thomasienne devrait porter, selon l'A., «sur les différents aspects controversés de la grâce relatifs à l'inhabitation trinitaire et aux missions divines, à l'essence de la grâce, à la dérivation de la grâce capitale du Christ» (ibid.). En fait, notre chercheur n'élargira pas à ce point sa reprise. Mais il portera son attention sur l'analyse du sens de l'expression, déjà maintes fois répertoriée dans un premier dossier, et qui caractérise, selon Thomas, notre filiation adoptive: similitudo participata. Une recherche lexicologique fouillée permet d'en cerner la portée complexe: «la perspective est d'opposition et différence, mais en même temps de dérivation car ce qui est par soi est cause de ce qui en participe» (p. 335). L'auteur approfondit ensuite la doctrine de la filiation divine par nature, puis celle de la régénération spirituelle, enfin celle de la crainte filiale. On souhaiterait vivement que L.-Th. Somme puisse intégrer cette reprise dans une plus vaste synthèse. - R. Lafontaine, S.J

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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