De celle-ci, il ressort que la gnose « au nom menteur » (Irénée) est exactement ce que le christianisme « orthodoxe » n'est pas : sa copie non conforme, au sens où Simon est l'antithèse du Christ. Et de fait, le terme grec gnosis signifie proprement la connaissance que procure la Révélation, chez Paul notamment, comme chez Ignace d'Antioche cité par l'A. : « La gnose de Dieu c'est Jésus-Christ. » Antithèse à l'échelle du NT : le salut de l'âme (et non du corps) se passe de la miséricorde divine : ni Incarnation, ni Passion (principe du docétisme), ni Résurrection de la chair, le Christ activant le salut comme initié, et non par un don gratuit dans l'amour.
Antithèse à l'échelle de la Bible hébraïque, dont le Dieu créateur est réduit à une figure du mal et la Loi, porteuse d'un intérêt pendable à un monde condamné, abrogée purement et simplement. Suivant ses multiples formes (valentinisme, marcionisme, manichéisme, catharisme, pauliciens et bogomiles, pour ne citer que les principales), la gnose présente une unité dont l'A. isole avec méthode les invariants (rejet du monde, création délétère, supériorité de l'esprit, salut par l'initiation, récusation de la Loi de Moïse), dispositif qui lui permet de mesurer les doctrines, courants de pensée et mouvements sociaux, jusqu'à l'époque post-moderne, à leur perméabilité à l'endroit d'un phénomène mouvant dont il est pourtant capital de définir les frontières et sonder la nature.
Ce livre clairvoyant donne ainsi des clés indispensables pour comprendre notre histoire et ses enjeux de vérité… tant il est vrai que le critère du vrai et du faux en matière de religions est une « invention » judéo-chrétienne ! - A. Ruelle