L'histoire philosophique et religieuse de l'Inde a été marquée, de longs siècles durant, par les débats entre penseurs bouddhistes et hindous à propos de l'(in)existence et de la nature du «soi» (âtman). Les lignes de front semblent nettement dessinées: tandis que les hindous s'attachent à démontrer l'existence d'un principe substantiel immuable, fait de pure conscience, les bouddhistes font valoir que l'analyse des «agrégats» qui constituent l'individu phénoménal permet de conclure à l'absence de tout principe permanent et autonome qui transcenderait en quelque manière les opérations ponctuelles du psychisme. Pour n'être pas complètement fausse, cette présentation pèche par simplisme. Du côté bouddhiste, et davantage encore du côté hindou, l'éventail des écoles est largement ouvert, ce qui a contribué à la complexité mais aussi à la richesse et la profondeur des débats. De part et d'autre, il est fréquemment fait appel à l'observation, l'introspection et l'analyse pour ainsi dire phénoménologique des processus du psychisme: mémoire, reconnaissance, rêve, imagination, émotions…
La douzaine d'études rassemblées dans cet ouvrage homogène et bien construit abordent surtout les réponses de différentes écoles hindoues aux critiques bouddhistes; en s'attachant à des moments particuliers de l'histoire de leurs controverses, elles permettent une lecture plus précise et nuancée des arguments échangés ainsi qu'une intelligence plus profonde des enjeux. Un second intérêt de l'ouvrage est de lancer, à plusieurs reprises, des passerelles en direction de la philosophie occidentale (Hume, Locke, Kant, Husserl, Parfit…): il est heureux qu'à propos de thèmes tels que la conscience, la réflexivité ou l'identité personnelle commence à s'imposer, dans certains milieux d'Occident, la conviction que l'immense patrimoine hindou et bouddhique de réflexion et de débat est de nature à intéresser, au-delà des milieux orientalistes spécialisés, les psychologues et les phénoménologues, les philosophes et - pourquoi pas? - les théologiens. Notons et déplorons une fois de plus les clivages de langues: la bibliographie (p. 234-246) est, pour l'allemand, limitée; les références en langue française sont quasi absentes (un article). - J. Scheuer sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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