Saint Éphrem (306-373) nous a laissé, outre les Hymnes sur la
Nativité (SC 459), quelque 35 Hymnes pascales (sur les Azymes, sur
la Crucifixion, sur la Résurrection), qui étaient chantées par des
vierges au cours de la liturgie. Il y est moins question de
sotériologie paulinienne que de symbolisme johannique: le Christ
est médecin, remède, pasteur… Polémique, propagande, catéchèse et
méditation s'y entremêlent. Y abondent les parallélismes
scripturaires (sur le modèle des contrastes typiques des
impropères) et les macarismes relatifs aux lieux, aux instruments,
aux personnages de la Passion: Bienheureux cénacle, bienheureux
roseau, bienheureux larron! La célébration qu'elles reflètent,
quoique du type postnicéen (les trois jours), véhicule des éléments
antérieurs, judéo-chrétiens: ayant lieu au temps de la Pâque juive
(la vigile du 14 au 15 Nisan), elle se présente comme une
anti-pâque. Notons la richesse du matériau vétérotestamentaire
(spécialement les références multiples au chap. 12 de l'Exode) et
le peu de références directes aux évangiles de la résurrection (à
l'exception du soleil obscurci et du voile déchiré).
La Passion, présentée comme un drame conjugal, rappelle les
mystères du Moyen Âge. Quant à la Résurrection, elle est symbolisée
par le renouveau de la nature; elle se présente sous l'aspect d'une
fête printanière, associée au mois de Nisan, qui est également le
mois de la création, de la théophanie du Sinaï, de l'Annonciation.
L'anti-judaïsme est omniprésent.
La présente traduction, dont la publication suit de peu celles de
G.A.M. Rowhorst (1989) et de D. Cerbelaud (1995), est de la plume
d'un moine de Ligugé: l'originalité de son travail, délibérément
littéraire, consiste, nous dit-il, en une attention particulière à
la donnée métrico-rythmique: En cette fête-là / Les loups se sont
rués / Sur le Berger de tous / Qui s'était fait brebis. C'est à lui
également que nous devons les précieuses notes qui précèdent chaque
hymne. - P.-G.D.