L'Église et sa mission dans le monde. Réflexions sur l’orthodoxie en Occident, trad. par les Moniales de la Résurrection, Monastère Buisson Ardent

Alexander Schmemann
Storia del pensiero - reviewer : Charles Scrive f.m.j.

Ce recueil initialement publié en anglais en 1979 est d’une actualité étonnante. Dans cette série de conférences, le père Alexander Schmemann aborde plusieurs questions brûlantes pour le monde orthodoxe et pour l’Église en général. Il nous livre des clés de compréhension de la crise qui traverse les institutions ecclésiales. Il nomme également les racines du clivage et des malentendus qui opposent durablement l’Orient et l’Occident. À la base de cette pensée, et dès les premières pages de l’ouvrage, nous retrouvons cette idée des Pères de l’Église selon laquelle le christianisme était avant tout une expérience. Considérer « l’Église en tant qu’expérience » (p. 26) permet de l’envisager comme sujet (et non objet) et source de la théologie. Aussi l’A. ne craint pas de dénoncer le nominalisme qui semble atteindre la tradition, la liturgie, la pastorale et la mission.

Cette approche spécifique de l’Église comme expérience permet à l’A. de différencier deux perspectives : l’une juridique plus occidentale et l’autre eschatologique plus orientale. Cette distinction importante traverse l’histoire et permet d’éclairer plusieurs thématiques, comme la sécularisation. Selon lui, le rapport au monde doit s’enraciner dans une perspective eschatologique authentique ; il s’agit d’intégrer l’histoire et les réalités du monde présent à partir de l’eschaton. Aussi l’A. désapprouve et nous met en garde contre une forme d’eschatologie sécularisée.

Ce renouvellement de perspective permet de mieux saisir les tempêtes internes à l’orthodoxie comme la rivalité qui oppose Moscou et Constantinople, les difficultés du dialogue oecuménique ou encore l’ambiguïté des relations Église-État pour plusieurs patriarcats. Sous cet angle, l’A. invite chacun à vivre une conversion ecclésiale afin de retrouver l’élan missionnaire des premiers temps de l’Église. Selon lui, la théologie devrait être davantage pastorale, missionnaire et prophétique, autrement dit elle devrait se rapprocher davantage de l’expérience réelle de l’Église et pour cela retrouver dans la liturgie la source de la théologie : « restituer à la liturgie son sens théologique et à la théologie sa dimension liturgique » (p. 173). La vie liturgique et la prière apparaissent comme les sources principales du renouveau tant attendu de l’Église. L’A. aborde ensuite la question de l’ecclésiologie sous l’angle de la théologie des Conciles ou de la conciliarité de l’Église. Il rappelle par là la valeur et la force traditionnelle du monachisme au sein de l’Église. Il évoque enfin la question de l’impératif missionnaire qu’il résume en ces termes : « la proclamation et la communication de l’eschaton qui est déjà l’être de l’Église » (p. 253).

Tout au long de l’ouvrage, le père Schmemann semble vouloir réveiller les consciences endormies par la sécularisation en cours. À l’heure où les crises ne manquent pas en Occident, ces réflexions viennent raviver l’amour de l’Église en la proposant comme une expérience vivante et toujours actuelle. — C. Scrive f.m.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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