Présentée à la Fac. des sciences religieuses de l'Univ. St-Joseph
de Beyrouth, cette thèse rend justice à la très haute figure de
l'abbé Youakim Moubarak (1924-1995) et à sa pensée « complexe
et globale » : sa période islamologique (en tant que
disciple de Louis Massignon) jusqu'en 1972, sa période
« maronitologique » (où il rappelle à temps et à
contretemps la vocation universelle de sa communauté locale) et sa
période spirituelle finale, à partir de 1992 et de son retour
définitif en France. Homme de tous les combats (le dialogue
islamo-chrétien, l'unité antiochienne…), soutien indéfectible de la
cause palestinienne, il travailla sans relâche à ce que la
communauté maronite, se renouvelant spirituellement, se réapproprie
son arabité pour continuer à être le pont entre l'Orient et
l'Occident. Centré sur l'identité maronite et son rôle dans la
construction du Liban d'après la guerre de 1975-1990, l'ouvrage
progresse thématiquement. Dans une 1re partie, il
examine et critique ce que Moubarak pensait de l'identité
historique des maronites, qu'elle soit ecclésiale (Rome, la
France), culturelle (le syriaque, l'arabe), nationale (la terre),
spirituelle (la syrianité, l'anachorétisme), temporelle (face aux
communautés chiite et druze). La 2e partie porte
sur la confrontation avec l'État d'Israël et la question
palestinienne (« l'État juif au fondement du problème
libano-palestinien », « la culture de l'Europe n'est pas
judéo-chrétienne ») et parcourt les solutions à la crise
prônées par Moubarak (un Liban démocratique, souverain et
indépendant, uni sous la gouverne d'un chef d'État fort, avec
l'appui de la France et de Rome, où les maronites seraient au
service d'un oecuménisme antiochien et d'une arabité ou hospitalité
laïque universelle). La 3e partie s'attache à
l'identité maronite comme pont pour le Liban de demain :
Moubarak qui travailla des années durant à la tenue du Synode
libanais le vit précédé par celui que
Jean-Paul ii convoqua pour le Liban (1991) ; les
résultats du Synode local tenu après sa mort (2003) n'auraient pu
que le décevoir, en particulier par leur trop timide
restructuration du patriarcat. On retiendra de cet exposé parfois
circulaire bien des vues prophétiques appelant les trois
monothéismes à se guérir l'un par l'autre de leurs démons. Une
bibliographie soignée des écrits publiés et non publiés (mais
disponibles au Fonds Moubarak de Beyrouth) permet aux chercheurs de
poursuivre leurs travaux. - N. Hausman s.c.m.