Anthony Saldarini, prof. à l’Univ. de Boston, décédé en 2001, a publié ce livre en 1994 sous le titre Matthew’s Christian Jewish community. Dan Jaffé, le directeur de la collection Judaïsme ancien et christianisme primitif, rend ce qu’il considère comme un ouvrage pionnier à un public francophone. Qu’il en soit remercié.

L’évangile selon Matthieu semble être le plus juif des évangiles mais aussi le plus violent dans sa critique du judaïsme. Une lecture traditionnelle y trouve la preuve d’une rupture consommée entre la synagogue et l’Église avant la fin du 1^er siècle de l’ère commune et la justification de la théologie de la substitution. À partir d’une lecture attentive de l’évangile, aidé par des outils sociologiques, Saldarini offre une autre lecture : « le document final forme un tout cohérent et reflète un groupe judéo-chrétien qui conserve entièrement la loi, interprétée suivant la tradition de Jésus » (p. 25).

Après une introduction, où il présente sa méthodologie, l’A. procède en sept étapes. Il situe Matthieu dans le judaïsme polymorphe du premier siècle (chap. 1) puis montre comment c’est Israël qui est le « peuple » de Matthieu (chap. 2). Il s’intéresse aux adversaires de Matthieu (chap. 3) puis à sa vision des nations (chap. 4). Ensuite, il aborde sa communauté, qu’il qualifie comme un groupe de juifs adeptes de Jésus (chap. 5) et la Torah de Matthieu (chap. 6). Au chap. 7, il montre comment Matthieu comprenait Jésus et son importance dans le contexte du judaïsme de la fin du i^er siècle. Dans la conclusion, l’A., fin pédagogue, reprend ses thèses, reprécise ses outils sociologiques, et tire des conséquences pour des relations entre juifs et chrétiens de notre époque. Son style est limpide, la traduction admirable. Seul regret : il nous a fallu vingt-cinq ans pour l’avoir ! — M. Moscow r.a.