La mort du Messie. Encyclopédie de la Passion du Christ, de Gethsémani au tombeau. Un commentaire des récits de la Passion dans les quatre évangiles, préf. D. Marguerat, tr. J. Mignon

R.E. Brown
Sacra Scrittura - reviewer : Jean Radermakers s.j.
«La croix est pour le christianisme l'événement fondateur par excellence. Ce livre, qui lui est consacré, est un monument. Oui, le livre de Raymond Brown sur la mort du Messie est un chef-d'oeuvre monumental de l'exégèse historique». Ainsi s'exprime D. Marguerat dans la préface élogieuse qui introduit ce remarquable ouvrage du grand exégète américain trop tôt disparu, le 8 août 1998, après une vie de labeur au service de la Parole de Dieu et de son interprétation (cf. NRT 115 [1993] 785; 117 [1995] 894; 119 [1997] 573; 128 [2005]…). Traduit de l'anglais par J. Mignon, The Death of the Messiah fait pendant à The Birth of the Messiah (1977) non traduit en français, montrant que le mystère de l'incarnation est enserré entre ces deux événements.
Compte tenu de l'abondance de la matière et de l'acribie de la recherche, l'éditeur nous avertit qu'il s'agit d'une «Encyclopédie de la Passion du Christ», afin de nous éviter une lecture suivie qui deviendrait fastidieuse. L'A. s'explique sur son propos dans son 1er chap.: examiner de près le témoignage des évangélistes en articulant le rôle de l'histoire avec celui de la théologie. Dans un 2e chap., il traite des problèmes généraux concernant les récits de la Passion et il aligne une bibliographie choisie impressionnante qui sera progressivement complétée au fil des chapitres par des travaux plus spécifiques aux péricopes évangéliques. Il groupe les 34 séquences de la Passion en quatre actes, divisés eux-mêmes en quelques scènes. Pour chacun des épisodes, il suit les récits évangéliques de manière horizontale et synoptique en relevant chaque fois les particularités propres aux évangélistes. Par moments, il s'interrompt pour développer les données historiques nécessaires pour comprendre le déroulement des scènes ou le fonctionnement des institutions juives -notamment le sanhédrin -ou celui des instances du gouvernement romain, avec ses préfets et ses procédures juridiques. Nous trouvons aussi, après un ensemble de scènes, une reprise synthétique faisant le point de la recherche, car l'A. a compilé la plupart des grands exégètes, surtout américains, et il discute avec eux, singulièrement avec J. Crossan et les représentants du Jesus Seminar, dont il stigmatise les positions outrancières.
L'analyse de R.E. Brown est toujours respectueuse du texte, précise, minutieuse; son interprétation brille par son exactitude et sa mesure et les conclusions qu'il tire apparaissent toujours judicieuses, probes, équilibrées, traditionnelles sans conservatisme, libres sans engouement novateur. Sur le plan de la construction des évangiles, il postule plutôt une tradition commune à la source des quatre récits de la Passion. S'il n'a pas opté pour une lecture verticale de chacun des évangiles, comme d'autres l'ont fait, ou la plupart des commentaires, c'est afin de considérer en eux-mêmes chacun des épisodes dans la trame générale de la tradition préévangélique, privilégiant ainsi la dimension historique des faits sur la narrativité théologique des textes. Cette manière de procéder l'amène à mettre en doute l'historicité de certains faits narrés, tandis que sur d'autres points, son avis est positif, ou laissé en suspens. C'est que l'A. connaît les limites de l'historien qui nécessairement recompose la texture et l'enchaînement des faits passés: toute historiographie est une reconstruction, comportant une marge hypothétique. Comme l'écrit le préfacier: «Il n'est donc pas possible d'écrire la Passion « comme Jésus l'a vécue". Ce que Raymond Brown offre à ses lecteurs et lectrices est une vision plausible, historiquement vérifiée, d'événements qui ont conduit à la mort de l'homme de Nazareth. Fixer cette vision comme la seule légitime, ou se targuer de reconstruire « la seule histoire authentique de Jésus » est une prétention qu'il a la sagesse de ne pas revendiquer» (p. VIII) Ainsi, cette étude monumentale nous permet de réfléchir sur l'exactitude historique au sein d'une lecture croyante, nous donnant de rejoindre la vérité de l'histoire dans le mystère qui l'exprime. Merci aux éditions Bayard de mettre à la dispositions des lecteurs français ce merveilleux instrument de travail qui nous fera accéder à une meilleure compréhension de la passion de Jésus dans la sobriété évangélique, loin de tout éclat médiatique. Les spécialistes consulteront ce livre avec joie; ceux ou celles qui ont été choqués ou séduits par le film de Mel Gibson y trouveront sérénité et réconfort. - J. Radermakers sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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