Le livre biblique d'Esther est souvent mal connu des chrétiens,
sauf peut-être de ceux qui ont lu la tragédie de Jean Racine. Par
contre, il accompagne les Juifs dans une de leurs fêtes populaires,
celle de Pourim (ou des Sorts) à
l'occasion de laquelle enfants et adultes se costument pour une
mascarade: on chasse le vilain Haman et on exalte le généreux
Mardochée qui sauva ses frères de la destruction. Ph. Abadie,
bibliste, professeur à l'Inst. catholique de Lyon, vient d'écrire
cette monographie sur Esther où nous apprenons à lire ce livre pour
ce qu'il est: un roman.Le style vivant et alerte de l'A. nous
entraîne à la cour de Perse où se déroule au milieu du faste des
banquets royaux le drame de la belle Esther, la juive protectrice
de son peuple persécuté. Après une brève introduction à
l'historiographie juive tardive, nous lisons une version originale
du livre, puis un aperçu de la complexité de sa tradition. L'A.
présente une structure du texte et jette pour nous un coup d'oeil
sur l'histoire de l'occupation perse où puise le romancier
biblique. Le livre apparaît alors comme une présentation imagée de
la diaspora juive dans le monde de son temps. La date de la
rédaction est située à l'époque grecque (iii-iie siècles
av. J.-C.) et sa canonicité ressort de sa publication en hébreu et
en grec. Une rapide histoire de la fête traditionnelle de
Pourim est esquissée et, munis
de toutes ces informations, nous pouvons lire le livre avec fruit
et découvrir «la reine masquée». Enfin, nous passons du roman
biblique à la tragédie classique.Ce modeste ouvrage est un petit
chef-d'oeuvre où les informations scientifiques deviennent
accessibles à un grand nombre de lecteurs. Riche et passionnant, il
nous fera découvrir comment la violence se trouve subvertie par la
grâce, dans tous les sens du terme. - J. Radermakers sj