La vulnérabilité au prisme du monde technologique. Enjeux éthiques

(dir.) Talitha Cooreman-Guittin (dir.) Marie-Jo Thiel
Morale e diritto - reviewer : Xavier Dijon s.j.

Talitha Cooreman-Guittin et Marie-Jo Thiel, les deux directrices de l’ouvrage, reconnaissent d’emblée la prolifération actuelle de livres consacrés à la vulnérabilité. N’est-ce pas parce que cette dimension fondamentale de l’existence humaine – sa porosité ontologique – se trouve trop facilement oubliée par nos contemporains, lesquels se trouvent alors d’autant plus démunis lorsque cette vulnérabilité de nature se redouble dans ses formes particulières que sont, p. ex., l’âge, la maladie ou le handicap ? Or puisqu’une des grandes tentations qui se présentent pour échapper à cette faiblesse intrinsèque s’appelle la technologie, les éditrices ont convoqué vingt-et-un auteurs pour confronter l’une à l’autre cette fragilité humaine et cette solution apparente. La première partie aborde ainsi tour à tour le transhumanisme de l’homme augmenté, les failles des technologies elles-mêmes (avec l’exemple des psychostimulants et des implants mammaires), le défi écologique de l’homme qui oublie, dans l’Anthropocène, son propre lien avec les autres vivants. En cette partie-là, les théologiens de la pastorale retiendront la contribution de Talitha Cooreman-Guittin sur une expérience d’enseignement religieux visant à recevoir la vulnérabilité comme une bénédiction. La deuxième partie de l’ouvrage aborde des questions plus dispersées mais toutes ciblées sur le monde de la santé : la concentration au même endroit des personnes âgées dépendantes, l’autonomie de la personne âgée face au traitement proposé, la dépression en toute sa complexité, la fente labio-palatale qui défigure le visage ; le management néo-libéral de l’hôpital. Cette deuxième partie s’achève sur la contribution d’un promoteur du transhumanisme, Marc Roux, qui soutient la légitimité de la demande d’augmentation humaine formulée par des non-patients, mais sans adopter les fantasmes médiatiques souvent colportés à ce propos et sans nier, lui non plus, que les augmentations elles-mêmes peuvent receler des failles. La troisième et dernière partie reprend plus spécifiquement la question des technologies en évoquant d’abord la robuste autant que discrète figure du théologien protestant Jacques Ellul, puis deux questions particulières : le retentissement de l’obsolescence programmée des machines sur celle de l’homme lui-même et la prétendue « fin du travail » provoquée par la robotisation. Cette partie s’achève sur une contribution remarquable de Marie-des-Neiges Ruffo de Calabre montrant très finement en quoi la spécificité sacrificielle de l’éthique militaire invite à ne pas remplacer trop facilement la vulnérabilité du soldat par des technologies qui ne feraient que relancer le cercle vicieux de la violence. Dernier signe de multidisciplinarité : le médecin Roger Gil signe la préface de l’ouvrage, le sociologue Jean-Christophe Parisot de Bayard, sa postface. Le lecteur trouvera en fin de parcours un résumé des diverses contributions, ce qui lui permettra de choisir celles qui l’intéressent davantage. — X. Dijon s.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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