La question de Dieu revient à l'ordre du jour. Le monothéisme juif,
pris en relais par l'Islam au-delà du monothéisme trinitaire
chrétien, est remis en cause par nos contemporains, notamment en
raison de l'anthropologie culturelle et des sciences de la
religion: un Dieu unique n'est-il pas totalitaire, et donc
générateur de violence? - la multiplicité des énergies naturelles
ne serait-elle pas le signe d'un pluralisme en Dieu, en tout cas
dans la représentation que nous avons de lui? Par ailleurs, nous
découvrons davantage aujourd'hui la richesse de la multiplicité et
de la différence. Il nous faut prendre en compte cette nouvelle
donne. Que penser dès lors de l'unicité de Dieu? Ne faut-il pas
reprendre la question à nouveaux frais, à la fois sur le plan de
l'histoire et dans une réflexion systématique plus rigoureuse?
C'est à ce labeur que se sont attelés les professeurs et étudiants
du troisième cycle des Facultés suisses de théologie (Fribourg,
Genève, Lausanne, Neuchâtel) sous la direction compétente de G.
Emery (Fribourg) et P. Gisel (Lausanne). Quinze collaborateurs nous
offrent ainsi le fruit de leur travail. Après une présentation du
thème: Dieu - Trinité? par les deux éditeurs, s'ouvre le débat en
quatre chapitres. D'abord une «mise en perspective», avec un éloge
du polythéisme, une question sur l'Ancien Testament, un discours
missionnaire, une critique féministe d'un Dieu solitaire. En
deuxième lieu, des relectures de la tradition, du monothéisme
chrétien classique d'avant et d'après Nicée, des apories de l'Un
dans le néo-platonisme, puis vient le thème de la trinité et de
l'unité de Dieu dans la patristique, avec le point de vue de
Calvin. La troisième partie s'interroge: face à la modernité,
comment se représenter Dieu? Devant l'athéisme et les panthéismes,
le christianisme se présente comme «monothéisme de la
réconciliation». Les idéalistes allemands et la sophiologie de
Boulgakov sont alors passés en revue, puis les doctrines
trinitaires de la fin du XXe siècle. Il revient à Ch. Theobald de
conclure brillamment avec «Dieu en postmodernité: une manière de
désigner la sainteté comme mystère du monde»; prospectant les lieux
de l'expérience trinitaire, il se demande comment le christianisme
est un monothéisme. La quatrième partie développe les conclusions
et propositions des deux éditeurs: G. Emery cherche un nouveau
point de départ dans une théologie trinitaire de la création et P.
Gisel suppute les chances du monothéisme chrétien aujourd'hui. Une
réflexion dense qui manifeste sa profondeur et sa richesse dans la
collaboration interdisciplinaire de ces contributions centrées sur
un dire Dieu aujourd'hui avec la complexité de la recherche
théologique actuelle. Impossible de parler de Dieu sans faire
l'histoire de cette parole sur Dieu. Se profile aussi la nécessité
de parler autrement du Dieu créateur en donnant leur place aux
trois personnes. Bref, le monothéisme trinitaire chrétien continue
de défier la raison humaine. Il était utile de le redire.
Remercions les auteurs et les éditeurs de l'ouvrage d'avoir osé
s'attaquer à cette problématique. Certes, il s'agit de haute
voltige théologique qu'apprécieront les lecteurs avertis et les
théologiens chevronnés. - J. Radermakers, S.J.