Avec ce volume, les éditions Arfuyen, familières des oeuvres des
spirituels rhénans, nous offrent un des textes les plus importants
du mouvement des «Amis de Dieu», connus dans le sillage de Maître
Eckhart. L'introduction et les notes indispensables d'E.-P. Noël,
op, (rédigées en 1913) et la préface de R. Vallejo, op, préparent à
la méditation de ces pages audacieuses où la sequela
Christi est proposée dans sa radicalité la plus pure, la plus
«nue». Celle non seulement de l'«ami de l'époux» mais encore celle
du «disciple bien-aimé». Deux parties se distribuent les 24 chap.
de cette initiation à la «pauvreté spirituelle». Il s'agira d'en
préciser la nature et de décrire les voies de son accueil. De sa
nature, on apprendra qu'elle est «essentiellement» cette grâce qui
nous rend «semblables à Dieu» dans son indépendance, sa liberté et
son acte pur. Pure grâce qui permet, moyennant la nature purifiée,
l'agir en nous de Dieu lui-même qui est «ce qu'il y a de plus pur»
(I, 4, du triple principe d'opération dans l'homme, p.91). La
deuxième partie va alors déployer l'ascétique, finalement
«classique», telle que nous la fera aussi connaître la filiation
carmélitaine, également «dénudée», de Jean de la Croix. À lire les
intitulés des onze chapitres de cette ascétique, nous retrouvons un
vocabulaire connu du même nom. Pourtant, à la mesure radicale du «à
l'image de Dieu» initial et dernier, le «mourir à nous-mêmes pour
vivre en Dieu» au coeur de la proposition taulérienne est in
fine le «simplement évangélique» des Béatitudes. Nous étions
avertis: «la pauvreté d'esprit est une manière d'être qui,
ultimement, trouve sa vérité dans l'expérience de l'agir divin au
fond de soi (…). Dieu demeure et ne se révèle qu'au plus intime de
l'être, là où l'homme s'éprouve lui-même dans sa totale nudité
intérieure» (p. 11). Nous serons toujours au «jour» d'un nouvel
Avent où la «figure» du Pauvre en notre chair nous perce le coeur.
Il ose encore nous dire «mon joug est léger», en moi vous trouverez
votre repos. - J. Burton sj