Le rôle de la papauté au troisième millénaire. Une relecture de Vatican I et de Vatican II

H.J. Pottmeyer
Teologia - reviewer : Paul Lebeau s.j.
Cet ouvrage se situe dans la ligne d'une série de travaux récents qui examinent la pertinence d'une autre forme d'exercice de la papauté que celle qui prévaut depuis Vatican I (rappelons notamment l'ensemble des études publiées en 2000 au Cerf, Changer la papauté?, par la section belge francophone de l'Association européenne de théologie catholique; voir l'article de J.-L. Leuba consacré à ce livre, dans ce numéro, p. xxx supra). Ainsi que le précise expressément l'A., professeur de théologie fondamentale à la Faculté de théologie catholique de l'Université de Bochum, il s'agissait pour lui, comme pour ses devanciers, de répondre à l'invitation adressée par le pape Jean-Paul II à tous les chrétiens dans son encyclique Ut unum sint (1995) d'engager avec lui un dialogue sur un avenir oecuménique possible du ministère de Pierre.
Il est d'ailleurs remarquable, note l'A., que le pape adressait cette invitation en tout premier lieu aux dirigeants des Églises et des théologiens non-catholiques. Un dialogue n'est toutefois pensable que si, du côté catholique, on s'écarte d'une interprétation maximaliste et non contextuelle des dogmes formulés par Vatican I. L'A. le note avec raison: «C'est la persistance tenace de cette conception (maximaliste) qui a fait échouer le projet de réforme de Vatican II qui visait à rendre à l'Église sa forme originelle de communion d'Églises». Contrairement à la perspective où se situe une théologie abstraite et intemporelle, «la réduction du centralisme papal ne représente pas un affaiblissement du ministère pétrinien, mais correspond à sa mission qui est de promouvoir la collégialité». En s'appuyant sur les meilleurs travaux historiques consacrés à l'évolution de la papauté, l'A. identifie deux paradigmes concernant la conscience que l'Église a d'elle-même, et qui caractérisent respectivement le premier et le deuxième millénaire. Avec Grégoire VII, et sous l'influence de facteurs théologico-politiques et du souci de sauvegarder la liberté de l'Église, «l'Église communauté de témoins devint toujours davantage une monarchie du pape, lequel donne sa forme à l'Église en déterminant la tradition avec autorité, et en réglant sa vie par des lois» - d'où le rôle de plus en plus prédominant des canonistes. Cette évolution s'affirma de façon décisive à la suite de ce que l'A. appelle «le triple traumatisme» de l'Église de Rome à la veille du Ier Concile du Vatican: le premier, de nature ecclésiale (conciliarisme, Réforme et gallicanisme); le deuxième, de nature politique (système des Églises d'État et Révolution française); le troisième, de nature intellectuelle (rationalisme, libéralisme et sécularisme).
Les pages les plus éclairantes de ce livre sont celles où l'A. établit de façon indiscutable, à partir d'une exégèse précise des Actes du Concile, que les Pères de Vatican I n'ont pas souscrit aux thèses absolutistes du moine camaldule Mauro Capellari (élu pape en 1831 sous le nom de Grégoire XVI) et de Joseph de Maistre, malgré le prestige dont elles bénéficiaient, en ce qui concerne la juridiction pontificale. En effet, si le Canon qui suit le troisième chapitre de la Constitution Pater aeternus peut donner l'impression que le Concile a dogmatisé la monarchie absolue du pape, une telle interprétation est démentie par le fait qu'à plusieurs reprises, le Concile se réfère à «l'usage perpétuel des Églises […] et (aux) conciles oecuméniques, tout particulièrement ceux où l'Orient se rencontrait avec l'Occident dans l'union de la foi et de la charité» (Dz 3065).
Si, cependant, le texte de la Constitution a pu être interprété par la suite dans un sens maximaliste, c'est parce que le Concile avait évité de formuler les critères d'un exercice approprié de la primauté, respectueux des droits des évêques et des Églises locales. En ce qui concerne l'infaillibilité pontificale, le Concile s'est également bien gardé de définir une infaillibilité absolue du pape, comme le demandaient les infaillibilistes extrêmes, même si, dans l'opinion publique et chez beaucoup de catholiques, elle a déterminé souvent la façon de comprendre le dogme de l'infaillibilité», contrairement à des explicitations épiscopales approuvées par Pie IX. L'important chapitre que l'A. consacre à Vatican II est intitulé de manière significative: «La réforme inachevée». Il signale à ce propos l'importance de la réflexion post-conciliaire, distincte et complémentaire, élaborée respectivement par deux de ses compatriotes: Karl Rahner et Joseph Ratzinger, et conclut en évoquant «des pas en direction d'une primauté de la communion». On l'aura compris: ce livre constitue un jalon important dans l'élaboration d'une réponse authentiquement traditionnelle et conforme tant à l'invitation de Jean-Paul II qu'au témoignage que ce troisième millénaire attend de l'Église du Christ. - P. Lebeau, S.J.

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