Le successeur de Pierre. L'institution divine du souverain pontificat de l'évêque de Rome, tr. J.-M. Gleize

Thomas de Vio Cajetan
Storia del pensiero - reviewer : Bruno Clarot s.j.
Cajetan (1469-1534) est un des plus grands commentateurs de saint Thomas. Cet opuscule a une histoire et un but précis. Né à Gaëte, d'où son surnom de Cajetan, Th. de Vio entre à 15 ans chez les dominicains, enseigne la théologie, devient Maître Général des dominicains, est créé cardinal en 1517 et chargé d'amener Luther à résipiscence. Lors de leur 4e rencontre, Luther apporte une justification écrite de ses positions, que le Légat refuse de lire; mais il lui expose la doctrine thomiste et refuse de voir le moine augustin sinon pour recevoir sa rétractation. Luther ne revint pas, mais en 1519 il nie l'institution divine de la papauté; en 1520 il traite le Pape d'antéchrist et appelle les princes à lutter contre lui; il ne reconnaît qu'une règle absolue: l'Écriture. Cette même année, le Pape excommunie Luther. Pour répondre au révolté, Cajetan compose ce livre-ci sur «L'institution divine de la papauté» en s'appuyant sur les textes de l'Écriture interprétée littéralement, surtout Mt 16 et Jn 21. Les idées de Cajetan prévaudront à Trente et à Vatican I.
L'éditeur-traducteur J.M. Gleize fait remarquer que cet ouvrage a fondé la théologie de l'Église, alors qu'auparavant seul le droit canon s'occupait de l'Église comme telle. Il part des données de la foi et les fonde en raison. Ce type de théologie de l'Église va se développer les siècles suivants et préparer la définition de l'infaillibilité pontificale à Vatican I. Selon J.M.Gl., «Cajetan a montré comment la lettre de l'Évangile n'autorise dans l'Église q'une forme unique d'institution politique: celle du gouvernement suprême d'un seul», c'est-à-dire la monarchie, et il ajoute dans sa note 20 que la collégialité n'a aucun fondement dans l'Évangile. On voit ici que J.M.Gl. est de tendance lefévriste, opposé aux «innovations» de Vatican II et à la collégialité en particulier. Il n'entend nullement se cacher et, si thèse n'avait pas suffi, un mot glissé dans son livre déclare clairement qu'il est prêtre d'Écône.
Cajetan est un grand théologien, certes, mais sa démonstration est surtout polémique et il ne s'est pratiquement basé que sur deux textes. Après sa mort, l'Esprit Saint a continué à inspirer l'Église pour la mener à la vérité tout entière. Vatican II a complété les lacunes de Vatican I sur les évêques par rapport au Pape, en partant de «tout» le NT. C'est ainsi qu'il a pu insister sur la collégialité des évêques avec le Pape, en y mettant toutes les nuances voulues. Il est bon de se rappeler qu'à Vatican I, on n'avait pas prévu de définir l'infaillibilité et qu'on n'avait donc préparé aucun texte de base dans ce sens. La majorité des Pères l'a réclamée après 3 mois (mars 1870) et le texte a donc été composé dans une certaine hâte. Le texte final précise qu'il n'y a qu'une infaillibilité, celle de «toute» l'Église, exercée par le Pape quand il proclame ex cathedra la foi de toute l'Église. Ceci laissait la porte ouverte pour la collégialité. Rappelons aussi que Vatican I a dû se séparer en 70 en septembre, suite à la guerre franco-allemande et à la prise de Rome par les troupes italiennes. Son oeuvre est donc restée inachevée et a favorisé une centralisation de plus en plus poussée du pouvoir papal au détriment du pouvoir des évêques, dont on n'avait pas précisé l'origine ni l'étendue. - B. Clarot sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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