Le yiddish (de l'allemand jüdisch) est une langue étrange:
parlée dès le Moyen Âge par les juifs ashkénazes, d'abord dans le
cadre religieux, elle s'est peu à peu étendue à de nombreuses
communautés juives, en Bohème comme en Ukraine, en Hollande comme
en Pologne, en Alsace et en Italie, en Amérique du nord et du sud.
L'A., directeur de recherche au CNRS a déjà consacré plusieurs
publications à la littérature et à la culture yiddish. Il tente,
dans cette nouvelle étude, de retracer l'histoire de la formation
de cette langue, souvent considérée à tort comme un jargon de
ghetto ou un patois vulgaire. Il nous la fait d'abord découvrir
comme la langue d'Ashkénaz transcrite en lettres hébraïques. Elle
s'approvisionne à l'hébreu rabbinique et à l'araméen, dont elle
conserve des expressions typiques, mais aussi aux civilisations
ambiantes, d'où la difficulté de se l'approprier si on n'y a pas
été éduqué. Il parcourt alors les étapes de son évolution et
s'efforce d'en dégager les composantes dans ses divers milieux
d'accueil; sa capacité d'intégration apparaît ainsi en pleine
lumière. Un chapitre est consacré au yiddish moderne, vrai parler
culturel particulièrement créatif sur le plan littéraire, comme en
témoignent de nombreux écrits et la place occupée par le théâtre
yiddish dans la société juive moderne. Si la deuxième guerre
mondiale a stoppé son expansion, le hassidisme lui a donné un
nouvel essor en tant que «langue de la mémoire». Des perspectives
d'avenir se dessinent dans la mesure où se développent les
mouvements hassidiques. Bref une étude passionnante, bourrée
d'indications linguistiques, géographiques, sociologiques du plus
haut intérêt. Les lecteurs curieux du monde juif et de ses moyens
d'expression y trouveront une information précieuse sur un langage
hors du commun.- J.R.