Cet ouvrage est la version développée de deux articles parus sous
le même titre en 2001 dans la revue Nova et Vetera (2001/1, p.
45-89 et 2001/2, p. 53-88), également publiés dans l'ouvrage
collectif, Aimer et protéger la vie. Pour comprendre les vrais
enjeux de la bioéthique, Paris, éditions de l'Emmanuel, 2003, p.
85-178. L'A. aborde la question du zygote dans une perspective
strictement rationnelle. Dans un premier temps il nous offre un
panorama complet et bien documenté de l'état de la discussion. À la
manière d'un article de la Somme Théologique, il expose tout
d'abord les arguments avancés contre l'idée selon laquelle, dès la
conception, l'embryon est une personne (chap. 1). Sont passés
ensuite en revue les arguments des partisans de l'animation
immédiate (chap. 2), puis les raisons en faveur de l'indécidabilité
du problème (chap. 3). Ces objections et ces raisons recevront leur
solution dans les deux derniers chapitres (chap. 7 et 8). Au coeur
de l'ouvrage, l'A. - qui est à la fois docteur en médecine et en
philosophie - développe sa propre réponse en s'efforçant de
conjoindre l'approche scientifique (chap. 5) et l'approche
philosophique de la génération humaine dans la ligne d'Aristote et
de saint Thomas. Un important chapitre épistémologique (chap. 4)
rend compte de la nécessité de dépasser l'exclusion réciproque ou
le cloisonnement entre les démarches scientifique et philosophique.
La philosophie du vivant d'inspiration aristotélicienne doit
intégrer les découvertes de la biologie contemporaine. Empruntant
cette voie, l'A. établit la thèse centrale de l'ouvrage (chap. 6):
au vu des acquis de la biologie, principalement la génétique, les
principes de la philosophie du vivant (la définition
aristotélicienne de l'âme) conduisent à trancher en faveur de
l'animation immédiate (au sens d'instantanée) de l'embryon,
contrairement à Aristote et à saint Thomas. L'A. s'oppose aux
néothomistes qui, à la suite de J. Maritain, soutiennent
l'animation différée. L'argument central porte sur la notion de
«corps organisé». Les partisans de l'animation différée font valoir
que le zygote et l'embryon précoce ne sont pas dotés des organes
nécessaires pour les opérations de l'âme rationnelle. Au contraire,
répond P. Ide, les moyens d'observation dont nous disposons ont mis
en évidence un degré de complexité et d'organisation interne du
zygote du même ordre, sinon supérieur, à celui exigé par Aristote
pour que l'embryon soit informé par une âme rationnelle. Le génome
spécifiquement humain, constitué dès la fécondation, comprend
l'information nécessaire pour la formation des organes des sens et
du cerveau, indispensables à l'opération d'intellection (elle-même
purement spirituelle). L'A. en conclut que ces organes sont en acte
dans le zygote, mais en acte premier. Ils sont en acte second dans
l'expression phénotypique du génotype. Autrement dit, le passage du
zygote au foetus ne s'opère pas par changement de substance, mais
par devenir accidentel. Toutefois, pour échapper à l'écueil du
préformationnisme, il faut penser un devenir accidentel discontinu
avec saut qualitatif (p. 158-160). Enfin, nous savons désormais
que, dès le début, l'embryon possède en lui-même un principe
interne de développement et d'action. C'est une raison
supplémentaire, selon l'A., pour reconnaître que l'âme rationnelle
informe le zygote dès la conception. Elle est cause efficiente de
l'ontogenèse en même temps que cause formelle et cause finale. Il
n'est pas juste d'affirmer, avec le Comité Consultatif National
d'Éthique, que l'embryon est une personne potentielle: il est «une
personne avec un potentiel» (p. 135).
Précis et rigoureux, parfois très technique, mobilisant des
connaissances étendues, cet ouvrage conjoint les ressources de la
pensée d'Aristote et les données scientifiques les plus récentes
pour penser, au plan ontologique, l'être humain en formation. La
démonstration de P. Ide n'emportera sans doute pas une adhésion
unanime. L'argument central sur le zygote comme corps organisé
offre matière à discussion. Mais cette prise de position rend au
moins probable l'opinion selon laquelle l'embryon humain, dès la
conception, est une personne humaine. Or cette probabilité suffit,
sur le plan moral, pour affirmer de façon certaine qu'il doit être
respecté comme une personne. - J. de Longeaux