Un des derniers missionnaires jésuites français en Chine, le P.
Amiot (1718-1793) séjourna plus de 40 ans, même après la
dissolution de son ordre, à proximité de la cour impériale. S'étant
passionné pour les traditions, les sciences et les arts de la
Chine, traducteur notamment de L'Art de la guerre de Sunzi, il fit
parvenir à ses correspondants européens nombre de documents et de
travaux. On lui doit notamment, sur les danses rituelles de
tradition confucéenne, deux mémoires agrémentés de centaines de
planches conservées à Madrid et Paris. Ayant accès à bien des
sources et commentaires chinois traditionnels, il ne se contente
pas de décrire les aspects techniques de la musique et de la
chorégraphie, mais expose la symbolique cosmologique ainsi que les
significations éthiques, sociales et politiques de ces danses «en
l'honneur du Ciel, des Esprits et des Ancêtres». La danse rituelle
est «une représentation du ciel, de la terre et des principales
opérations de l'un et l'autre relativement aux besoins et au
bien-être de l'homme». Cet effort de description précise et
d'interprétation globale en fait un précurseur de
l'ethnochorégraphie qui se développera au 20e s., alors même qu'il
se basait pour l'essentiel, comme le démontre N. Standaert, sur des
traités d'un musicographe chinois du 16e s. Reconnaissant «le peu
d'importance que je mettais tout d'abord à traiter un pareil
sujet», le P. Amiot, lors de la rédaction de ses Mémoires, parlera
du peuple chinois comme «du doyen des Peuples… et… du plus sage, si
je ne craignais pas de choquer nos Français…» Le présent ouvrage,
qui comporte quelque 70 pages de reproductions d'un choix de
planches, propose, outre le texte des deux Mémoires d'Amiot, un
ensemble d'études érudites sur la vie et l'oeuvre de ce jésuite du
siècle des Lumières, les sources chinoises sur lesquelles il se
fonde, la description minutieuse de ses manuscrits aujourd'hui
dispersés, une mise en perspective de sa contribution pionnière à
l'étude scientifique de la danse. - J. Scheuer sj