Alors qu'il se trouvait démuni dans le cachot conventuel de Tolède, isolé par ses Frères réfractaires à la réforme du Carmel, Jean de la Croix a composé ces dix «romances» sur l'incarnation. C'était au temps de l'Avent et de Noël. - Un «romance» (au masculin) est un poème de vers assonancés de huit syllabes -. Dans pareilles pénibles circonstances ces «cantilènes de l'Origine» revêtent un caractère poignant: au coeur de sa détresse, le mystique se tourne vers Marie enceinte de son Bien-Aimé, l'Enfant qu'elle porte, pour contempler la venue en extrême pauvreté du Sauveur, Époux de l'humanité.Le Fr. Dominique Poirot les traduit pour nous en vers rythmés et nous les commente avec une ferveur toute carmélitaine, qui enchante le coeur et qui pénètre à l'intime de l'être «pour vivre un nouveau millénaire avec l'histoire simple et amoureuse de Dieu», comme l'exprime le sous-titre. Pourquoi Dieu s'est-il fait homme? Est-ce en vertu de son élan d'amour qui crée l'homme et le garde bon malgré le péché, ou bien pour répondre à l'impératif de la rédemption à cause du péché de l'homme? Jean de la Croix suit la tradition franciscaine qui souligne la force de l'amour divin de préférence à celle qui remonte à Augustin, accentuant la nécessité de réparer la faute.
Le Romance 1 chante la sainte Trinité, Dieu de bonheur et d'amour, en faisant mémoire du prologue johannique où le Père et le Fils «chacun dans l'autre résidait», résumé sublime de la révélation chrétienne: relation du Père et du Fils dans l'Esprit qui est Amour, dont naît la création, au Principe: «Trois personnes, et un Bien-Aimé entre tous trois il y avait». «L'Amour est ainsi clef de la divinité» et «la vie humaine est une quête de l'amour». Le Romance 2 parle «de la communication des Trois personnes»; c'est le partage du dialogue éternel entre le Père et le Fils, auquel le «rêve» de Dieu nous invite à participer, dans la joie de la filiation. Le Romance 3 s'intitule «De la création»: expansion de l'amour divin; la filiation est assimilée aux épousailles, et l'humanité entière est convoquée au banquet de l'Amour, comme l'Épouse appuyée au bras de son Aimé, dans une infinie tendresse. Le Romance 4 passe «du rêve à la réalité»: Dieu dévoile son être d'Amour dans le Corps mystique; l'univers est «l'Épouse créée et désirée, donnée au Fils». Le Romance 5, inspiré d'Is 45,8, décrit l'expérience spirituelle comme un long désir, une quête jamais assouvie, puis le Romance 6 évoque le vieillard Siméon, poussé par l'Esprit saint enfin nommé, accueillant Dieu en l'enfant de Marie. Vient le temps de l'accomplissement, avec le Romance 7: le Verbe se fait chair en son épouse, «ajusté à notre race», et l'humanité est sauvée par la venue du Fils en son histoire, car la filiation et les épousailles sont «ces deux formes de relation qui constituent la personne humaine». Porter l'épreuve de l'épouse, assumer sa faute et proclamer l'amour au monde entier, telle est la mission du Fils. Lui est conjoint le oui de Marie, mue par l'Esprit saint, acquiesçant pour nous à l'humanité de Dieu. C'est le Romance 8 auquel fait suite le neuvième qui évoque la Nativité, dans l'humilité et la souffrance assumées dans l'Amour divin. Le Romance 10 reprend le Ps 136 (137): Au bord des fleuves de Babylone que Jean de la Croix relit en paroles d'amour, lesquelles, dans le Christ, le purifient de la haine, car il se dit «frère» des Carmes qui le tiennent emprisonné.
Cette relecture dans l'amour de la nativité du Fils de Dieu en nos prisons et nos épreuves peut habiter notre prière et notre contemplation et nous faire découvrir l'actualité de Noël au seuil de notre troisième millénaire. Tel est le cadeau que nous offre le Fr. Dominique en laissant chanter en nos coeurs les Romances de Jean de la Croix. Nous l'en remercions avec joie. - J. Radermakers, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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