Troisième et dernier tome de l’édition des Lettres d’Isidore de Péluse (355-440) par Pierre Évieux (1937-2007) – achevée ici par Nicolas Vinel – ce volume nous propose 300 lettres, typiques de l’auteur par leur brièveté et leur densité.

Isidore, né sans doute à Péluse (au nord-est de l’Égypte), était un moine installé non loin de sa ville natale, dans un monastère inspiré par la règle de saint Basile. Il avait fait de longues études auparavant, passant par Alexandrie pour obtenir une charge de « sophiste », c.-à-d. de professeur de rhétorique, l’équivalent d’études supérieures littéraires dans l’Antiquité. Chrétien convaincu, déjà actif dans la catéchèse de son diocèse, il abandonnera sa profession pour entrer dans la vie monastique, en passant probablement par le désert de Nitrie et sa pépinière de religieux teintés d’origénisme et de culture grecque (il y aurait croisé Évagre le Pontique).

Implanté finalement près de sa ville de Péluse, Isidore, en disciple des Cappadociens, concevra sa vocation comme une poursuite de sa mission d’éducateur, intervenant dans la vie de l’Église et recevant des visiteurs, et surtout en répondant à un abondant courrier.

Ces lettres, ciselées par une pratique assidue de la rhétorique, resteront un modèle pour les écrivains futurs, grâce à la compilation réalisée manifestement par les moines de son établissement.

Isidore se révèle un témoin très précieux de la vie de l’Égypte chrétienne du v^e s., mais c’est d’abord un exégète et un ascète expérimenté. Son style, malgré son perfectionnement formel, répugne aux envolées trop longues : sa force est dans la concision et le désir d’en venir directement au fait, ainsi que dans une liberté de parole quasi-totale, en tant qu’observateur extérieur de la société civile. C’est aussi un enseignant : il entre souvent dans le détail des textes de l’Écriture pour être sûr de renseigner précisément son correspondant. C’est enfin un accompagnateur spirituel consciencieux et attentif.

L’ensemble en fait aussi un auteur agréable à lire à notre époque, ce qui est désormais possible, en grec et en français, grâce aux Sources chrétiennes… — G. Kirsch