Libéralisme et modernisme. Mgr Lacroix (1855-1922). Enquête sur un suspect

Christian Sorrel
Storia - reviewer : Bernard Joassart s.j.
Voici un livre qui est un «cas», au moins à deux titres.
Et tout d'abord à cause du destin du personnage qui en est le héros. Il ne fait pas partie des «grands» de la période: mais enfin, il connut un parcours peu commun, qui l'amena à tisser des liens avec toute espèce de personnages de premier plan et à être mêlé à toutes les problématiques de la vie de l'Église de son temps. Né en 1855, dans une famille où la religion n'était pas la préoccupation première, Lucien Lacroix suit une vocation religieuse et entre chez les Dominicains du tiers ordre enseignant. Professeur dans divers établissements, il poursuit des études qui le mèneront au doctorat ès lettres (1891), après d'ailleurs qu'il ait quitté sa famille religieuse (1884). Il sera entre autres précepteur privé, vicaire à Saint-Joseph, à Paris, aumônier du lycée Michelet, à Vanves, avant de fonder la Revue du clergé français qu'il dirigera de 1894 à 1898 et qui répondait à son souci de rehausser le niveau culturel du clergé français.
En 1901, le voilà nommé évêque de Tarentaise. Mais dans le cadre des grands débats qui secouent alors l'Église de France, en particulier la marche vers la séparation de l'Église et de l'État, en 1905, tout autant que le modernisme, ils ne se fait pas que des amis, dans son propre diocèse, comme dans l'épiscopat français et à Rome, d'autant plus qu'il fréquente des infréquentables, tels Mgr Mignot, Loisy, Albert Houtin, Paul Sabatier, Waldeck Rousseau et bien d'autres encore (ce qui ne veut pas dire qu'il ne prend pas parfois ses distances) et qu'en fin de compte il se montre trop loyal à l'égard de la République en 1905. Finalement il démissionne de son évêché en 1907 et l'ancien évêque (qui ne recevra le titre d'un siège titulaire qu'en… 1921) est nommé professeur d'histoire près (la nuance est d'importance car il était difficile, tant pour les autorités civiles que pour le Saint-Siège de «recaser» un évêque…) l'École pratique des hautes études, où, jusqu'en 1919, il enseignera l'histoire religieuse de la Révolution française. Mais ce livre est également un «cas» pour une autre raison, d'ailleurs toute positive: l'art déployé par l'A., qui a su rassembler une documentation impressionnante et plus encore en tirer un parti de première qualité, servi en outre par un talent d'écriture qui captive le lecteur d'un bout à l'autre: Lacroix est au premier plan, certes - biographie oblige -, mais, en suivant le prélat à la trace, c'est tout un monde que Chr.S. nous recrée, avec les nuances qu'exigent les problématiques évoquées plus haut. À lire, sans la moindre hésitation. - B.J.

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