Liberté et vérité. Une lecture philosophique de «Personne et acte» de Karol Wojtyla

Antoine Guggenheim
Filosofía - reviewer : Albert Chapelle s.j.
Cette recherche d'anthropologie philosophique débute par une présentation générale de Personne et acte et de ses thèmes: conscience, efficience, transcendance, intégration et participation. Elle y met en valeur le rapport entre conscience et être, «qui prend en compte les apports de la modernité en vue d'unifier la cause de la vérité et celle de la liberté de l'homme» (p. 25). La connaissance de la personne «à partir de l'homme» (p. 36) conjugue l'étude de la conscience et son élucidation métaphysique, si bien que la phénoménologie est ici «entrée dans l'ontologie» (J.-Y. Lacoste) et initiation à l'interprétation de la vie morale.
L'expérience révèle «la corrélation intrinsèque de la transcendance et de l'intégration qui permet d'affirmer l'unité différenciée de la nature et de la personne» (cf. p. 49). L'A. affirme par ailleurs la «préséance métaphysique de la personne humaine» (p. 58). Cette conjonction donne à reconnaître dans «l'homme intérieur» (p. 64) la subsistance spirituelle de l'âme. La conscience reflète et réfléchit la connaissance: «elle confère sa dimension subjective à l'incommunicabilité ontologique de la personne» (p. 69). «L'utilisation conjointe de la phénoménologie et de la métaphysique (cf. p. 143) et la conception unifiante de la personne et de la nature (cf. p. 147) donnent un appui solide à l'étude du lien entre la vérité et la liberté» (p. 78).
Ni le formalisme éthique de Kant, ni le primat de l'émotivité de Scheler ne fournissent de moyen terme entre liberté du vouloir et vérité de la connaissance. K.W. en revanche montre dans l'émotivité le matériau et le support de la liberté humaine. Certes la rationalité demeure chez lui comme chez S. Thomas le principe de la liberté et de l'acte moral (p. 100-109). Mais l'accomplissement personnel de soi dans la dépendance de la vérité implique l'intégration de l'émotivité et la mise en oeuvre des valeurs personnalistes et morales qui l'affectent. La conception kantienne de l'autonomie et de la vérité impose la dissociation du devoir et du bonheur. L'émotionnalisme de M. Scheler ne peut rendre compte de la transcendance ni de la vérité ni de la liberté. Mais l'amour, l'acte par excellence de la personne, est la «clé de la pleine liberté» (J. Maritain). Il est l'intériorisation de la loi. Il est le noeud de la liberté et de la vérité.
Par sa rigueur et sa libéralité, ce commentaire fait goûter la nouveauté lumineuse de Personne et acte. Il expose la rationalité impliquée dans le débat noué par Veritatis splendor. La lecture ici proposée est mémoire historique des éléments dont se nourrit l'ouvrage étudié. Elle est aussi philosophique en sympathie avec la genèse et le déploiement de la pensée méditée. - A. Chapelle, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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