L'ouvrage progresse en allant d'une analyse de la «parole» pour en dégager les strates de profondeur jusqu'à s'approcher de la théologie du Verbe. Chaque chapitre de l'ouvrage se met à la suite d'un auteur. Maria Zambrano souligne l'importance provocatrice de la parole échangée, autre que des mots neutralisés par notre quotidien distrait; le Verbe dans le jardin de Gethsémani a fait cruellement l'expérience d'une parole authentique et abandonnée précisément parce qu'authentique. La parole a cependant par nature à être échangée; Ferdinand Ebner a mis l'accent précisément sur les risques, de folie par exemple, que court le solipsisme et son enfermement sur soi. Avec Eugen Rosenstock-Huessy, c'est l'originalité du nom qui est mise en évidence. Un nom n'est pas un simple mot; il appelle la présence vivante de l'interlocuteur. La parole peut se contenter de peu, mais l'entrée d'un nom dans une phrase impose toujours d'en tendre la portée bien au-delà des réductions conceptuelles dont les sciences ont besoin
. Romano Guardini met en garde contre l'affadissement de l'intersubjectivité dans la pure relation des personnes ou, au contraire, dans l'absoluité de l'individu; la parole échangée effectivement appelle chaque interlocuteur à prendre ses responsabilités en présence d'autrui, en sorte que l'on ne puisse pas opposer personne relationnelle et individu au principe de soi. Nous abordons ainsi une réflexion proche de la théologie trinitaire. C'est dans ce contexte que Hans Urs von Balthasar a critiqué Ebner dont les réticences envers la théologie risquent de faire perdre jusqu'à la rationalité qui appartient de droit à la Parole. La dernier chapitre traite de la liturgie; l'A. s'écarte ci du projet global de son ouvrage, pour interpréter l'acte liturgique à la lumière d'une philosophie de l'étonnement et du jeu. - P. Gilbert sj