Magie de la comparaison. Et autres études d'histoire des religions, trad. et éd. D. Barbu et N. Meylan

Jonathan Z. Smith
Filosofía - reviewer : Jean Radermakers s.j.
Ce recueil de six articles préfacés par P. Bourgeaud, prof. émérite d'histoire des religions à Genève, nous fait connaître le plus renommé actuellement des anthropologues américains, le juif Jonathan Z. Smith qui enseigna en Californie, à Yale et à Chicago, dont l'oeuvre n'a pas encore été traduite en français. Cet anthropologue subversif exerce une critique systématique de toutes les religions, prenant distance par rapport à Mircea Eliade. Il accorda un entretien aux deux chercheurs (de Berne, Genève et Lausanne) qui se sont chargés de la trad. et de la publication de cet ouvrage. Les documents choisis sont significatifs de la pensée de J.Z. Smith et résument un enseignement qu'il a dispensé pendant 40 ans. En bref, il aborde le phénomène religieux dans une perspective purement scientifique, rationaliste et donc absolument critique par rapport à la religion et au sacré ; il s'oppose radicalement à ce que les ethnologues comme Durkheim ou Otto appellent des faits religieux et il refuse tout rapport avec la théologie.
Un 1er article « Imaginer la religion » est un manifeste : la religion est une catégorie de l'esprit et non un phénomène empirique susceptible de devenir objet de connaissance. L'article suivant examine la catégorie générique « Religion, religions, religieux », la réduisant à des réalités simplement culturelles sans les rattacher à un quelconque développement de la recherche d'une transcendance. Dans « Magie de la comparaison », l'A. montre les aléas de la méthode comparative, dénonçant les préjugés de l'enquête qui se propose d'y découvrir une intentionnalité. Un 4e article intitulé « Ici, là, où que ce soit » s'efforce de constituer une topographie des formes religieuses qui crève nos catégories traditionnelles, d'où l'exposé suivant, « La topographie du sacré », dans lequel l'A. ne discerne aucune transcendance. Alors, faut-il abandonner toute classification dans le domaine dit religieux ? « Une question de classe » revient sur le projet scientifique qui compare, classe, inventorie et interprète les phénomènes humains ; l'A. critique ce procédé idéologique et peu rigoureux. Dès lors, on peut élaborer une « histoire des religions », mais son caractère est loin du réel : « Une carte n'est pas le territoire » ; l'A nous demande d'abandonner nos schémas pour nous pencher sur les expressions particulières multiformes des cultures en tentant d'appréhender les manières dont les hommes ont pensé leur monde en lui donnant du sens. Dans l'entretien final avec les traducteurs, J.Z. Smith dévoile lucidement son hypercriticisme de principe ; ces dernières pages sont de fait éclairantes. Il se situe par rapport à ses prédécesseurs et ses contemporains avec une souveraineté déconcertante et une ignorance de ce qui se pense en Europe. Il refuse le terme d'« explication » qu'il remplace par « comparaison » et il parle de « traduction » plutôt que d' « interprétation ». Il considère le christianisme comme fondé sur la dernière mythologie qui garde encore quelque succès, à savoir la Bible.
Évidemment, si l'on dénie à Dieu l'existence et si le phénomène religieux est inconsistant, l'histoire des religions devient la présentation d'une multiplicité de folklores culturels. Il convient d'affronter cette perspective séculière si nous voulons maintenir la réalité et la solidité de notre foi. Nous pouvons aussi relireLes origines des religions de Julien Ries (Cerf, 2012 ; cf. NRT. 134, 2012, p. 522) qui demeure un antidote efficace. - J. Radermakers s.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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