Pierre Gibert a enseigné l'exégèse de l'Ancien Testament à la
faculté de théologie de Lyon et il est aujourd'hui professeur au
Centre Sèvres à Paris. Il dirige également la revue Recherches de
Sciences Religieuses. Le volume de mélanges qui lui est offert se
subdivise en quatre parties correspondant chacune à l'un de ses
principaux intérêts. La première traite du Pentateuque auquel P.G.
a consacré de nombreux ouvrages et articles. O. Artus exemplifie la
pluralité des lectures auxquelles se prêtent les textes du
Pentateuque à partir d'une analyse d'Ex 20,22-26 (la loi sur
l'autel). Th. Römer examine les deux versions du décalogue (Ex 20
et Dt 5) qu'il date toutes deux de l'époque perse. Il y voit une
sorte de résumé des grands principes du judaïsme naissant, résumé
acceptable et par l'école deutéronomiste et par l'école
sacerdotale. Ses auteurs sont proches de ceux qui ont composé la
loi de sainteté (Lv 17-26). Ph. Mercier voit dans les plaies
d'Égypte davantage des signes et prodiges que des châtiments. Dans
la seconde partie a pour thème le problème de la vérité historique
et de l'esprit historien sur lequel P.G. a écrit un ouvrage
remarqué en 1990. A.-M. Pelletier plaide pour une exégèse de la
durée. Elle critique l'exégèse historicisante qui voit dans les
textes bibliques des écrits de circonstance dont il s'agit avant
tout de déterminer la date, mais qui ne s'interroge assez sur leur
sens. A.-M. Pelletier a certainement raison, mais la «durée» dont
elle parle ne doit-elle pas aussi tenir compte des aspérités d'un
texte qui porte les cicatrices de sa propre histoire ? D. Noël
offre une série de considérations sur le cadre rédactionnel de Jg
3,7 - 16,31. L'article se termine par quelques réflexions
intéressantes de P. Veyne sur les événements qui, pour l'historien,
ne sont jamais des objets en soi. Ph. Abadie nous entraîne dans la
«légende noire» du roi Achab, un récit qui «construit une histoire
où la vérité est moins à chercher dans le factuel que dans le
jugement théologique qu'Israël porte sur son passé» (p. 134). Avec
P. de Martin de Vivès nous abordons une historiographie
particulière de la période hellénistique en relisant l'apocalypse
animalière d'Hénoch. Le jugement dernier, dans cet écrit, a pour
but de réunifier l'humanité autour d'une figure qui symbolise sa
commune origine. La troisième partie intitulée «La Bible dans
l'histoire» contient quelques articles sur l'histoire de l'exégèse.
P.G. a en effet écrit une Petite histoire de l'exégèse biblique
(1992). M.-Fr. Baslez, à partir d'une lecture des Actes de Pionos,
martyr chrétien de Smyrne au 3e siècle, met en évidence la
subtilité des relectures actualisantes de textes bibliques tels que
Gn 19 (Sodome et Gomorrhe) et 1 S 28 (la sorcière d'En Dor). Elle y
retrouve des traces du judaïsme hellénisé, des enseignements des
rabbins et de la première littérature chrétienne. Y. Krumenacker
évoque la figure de Richard Simon à travers la lecture qu'en fait
Pierre Bayle dans les Nouvelles de la République des Lettres. P.
Bayle défend R. Simon contre ses détracteurs, mais il ne partage
pas vraiment sa démarche exégétique. J.-L. Ska resitue dans leur
contexte historique trois grandes figures de l'exégèse
contemporaine, J. Wellhausen, H. Gunkel et G. von Rad. L'oeuvre du
premier est à comprendre dans le contexte de l'unification de
l'Allemagne. Le second écrit au moment où l'Allemagne
industrialisée devient une puissance internationale. Le troisième
lit l'Écriture alors que les idéologies séculières (marxisme et
surtout national-socialisme) dominent la scène politique
européenne. R. Virgoulay choisit la figure de F. von Hügel pour
analyser le problème de l'histoire durant la crise moderniste. Von
Hügel est en effet en rapport avec les protagonistes du débat
moderniste, A. Loisy, M. Blondel et J. Wehrlé. L'article souligne
avec bonheur les mérites et les limites des diverses positions.
La quatrième partie fait entrer dans le champ des lectures
culturelles de la Bible. P. Gire réfléchit sur le problème de la
représentation de Dieu. Dans la même ligne, Ch. Leroy nous invite à
nous arrêter devant quelques oeuvres d'art inspirées par des scènes
bibliques (Rembrandt, Le Caravage, Lydie Arickx) et nous convainc
de n'édulcorer ni le texte biblique ni les oeuvres d'art. Les trois
derniers articles suivent les sentiers de la lecture synchronique
et littéraire de la Bible. A. Wénin analyse les rêves de Joseph en
Gn 40. Dans le sillage de R. Alter (et M. Sternberg), il s'attache
surtout à la fonction de certaines répétitions dans ce chapitre.
J.-P. Sonnet se pose la question de la cohérence narrative de
l'histoire de David (1 S 16 - 1 R 2). Il trouve cette cohérence
dans une série de procédés stylistiques et dans «l'art accompli de
la composition» (p. 295). J.-M. Carrière met en rapport le péché de
David (1 S 12) avec le Ps 51 dans une perspective pastorale.
L'ouvrage contient une bibliographie complète de P. Gibert et se
termine par un index des citations bibliques et des auteurs
anciens, un index des auteurs cités, une liste des contributeurs et
une tabula gratularia. Un digne hommage au talent chamarré de notre
ami P. Gibert. - J.-L. Ska sj