Grand connaisseur de Michel de Certeau, P.-A. Fabre propose ici la traduction d’un essai de 2014. Universitaire mexicain, A. Mendiola propose un authentique guide de lecture pour s’orienter dans l’œuvre certalienne. Il ne s’agit pas d’une introduction panoramique, mais plutôt d’un itinéraire, qui repart des années de formation, souvent mal connues, de Michel de Certeau (chap. I). Il donne ensuite des clés de compréhension des grands tournants qui donnent forme à la pensée de Certeau. En travaillant les auteurs spirituels des xvi^e et xvii^e s., en œuvrant pour la revue Christus puis en s’affrontant à la crise de mai 68, Certeau constate la perte de sens du langage proprement religieux et l’analyse comme une forme d’exil (chap. II). Ainsi se détermine le tournant « épistémologique » de sa réflexion, qui donne à l’ouvrage de Mendiola son véritable thème (chap. III). La nouvelle réflexion de Certeau sur le sens peut se lire comme un véritable adieu à l’idée d’un lien immuable entre la « réalité » et le langage, pour devenir un décryptage des constructions successives du sens – la notion de « rupture instauratrice » joue ici un grand rôle (p. 112-116).

Enfin, les chap. iv et v montrent comment Certeau en vient à publier des ouvrages qui feront date : L’écriture de l’histoire, L’invention du quotidien, La fable mystique. Le chap. iv résume avec une grande finesse les apports de Certeau à l’historiographie et, plus largement, à la philosophie du langage et du récit. Le chap. v montre comment Certeau, toujours habité par sa connaissance de la mystique du xvii^e s., a réfléchi jusqu’au bout sur la croyance et son énonciation. C’est donc à un véritable compagnonnage avec une pensée toujours en recherche qu’invite ce passionnant volume. — F. Odinet