Le projet même de toute théologie des religions est soumis à une
interrogation préalable: est-il possible de porter un jugement de
valeur sur une autre religion? Deux auteurs peuvent illustrer ici
les positions «pluralistes» (P. Knitter) et «exclusivistes» (H.
Netland). De telles divergences théologiques tiennent à différentes
conceptions du langage et de sa validité; elles vont du pôle de la
«mobilité» à celui de la «stabilité». Cette dissertation
philosophique présentée à la Faculté de théologie et de sciences
des religions de Lund entend montrer que la «mobilité»,
c'est-à-dire le caractère approximatif, provisoire, toujours
révisable, de notre saisie du réel par des signifiants
linguistiques interdit tout jugement absolu et définitif. Nous
n'atteignons pas le réel (le religieux, en l'occurrence) de manière
stable et dans son essence. L'A. se réfère notamment à Austin, de
Saussure, Lindbeck, Joseph O'Leary, mais aussi à la critique de la
métaphysique occidentale par Derrida: il n'y a pas de centre fixe
ni de fondation absolue. Nos connaissances sont des constructions
révisables, ouvertes au débat et à de nouvelles lectures. En outre,
étant donné la nature particulière de nos désirs, intérêts et
projets, il n'y a pas de passage obligé d'une connaissance exacte à
un juste choix. Si ce caractère «indécidable» fait problème, il est
aussi ce qui rend «possibles» d'une part le jeu du langage et de
notre connaissance et, à un autre niveau, des prises de décision
responsables. Nous n'avons donc pas les moyens de porter des
jugements de valeur sur une autre religion et cependant nous ne
pouvons pas ne pas émettre de jugements ni opérer des choix. L'A.
ne plaide pas pour un relativisme extrême ni pour des choix
arbitraires. On se trouve donc au seuil du travail de
(re)construction qu'il estime incontournable. Il ne s'y engage pas,
ayant choisi de s'en tenir ici au plan formel de l'analyse. - J.
Scheuer