Si l'on comprend l'ascèse comme un mode de vie religieux, le
monachisme apparaît, en régime catholique, comme son lieu
privilégié. Paradoxalement, l'A. de cette enquête sociologique
entend les moines et moniales qu'elle interroge reconnaître
qu'ils/elles ne sont plus des ascètes. De fait, bien des exercices
ascétiques traditionnels semblent avoir disparu. Il faut alors
pousser plus loin l'investigation, et c'est ce qui fait de cet
ouvrage non seulement une lecture de grand intérêt, mais aussi une
source de réflexion pour une remise en jeu théologique de l'ascèse.
Comprendre ce qu'on appelle ascèse, c'est interroger l'évolution de
la place du corps dans le monachisme et, plus largement, dans le
mode de vie chrétien ; c'est aussi reconnaître la fonction de
différenciation de l'ascèse (l'ascète se distinguant du
« monde »). C'est pourquoi les formes ascétiques évoluent
avec l'époque, dont les moines et les moniales sont simultanément
les enfants et les contre-modèles.
Dès lors, quelques traits se détachent quant à la manière
contemporaine de vivre l'ascèse en milieu monastique : une
individualisation plus grande, qui fait écho à l'injonction moderne
à être « entrepreneur de soi » ; une identification
entre ascèse et cohérence de la vie, l'ascèse étant la manière
d'assumer authentiquement son choix de vie ; l'apparition du
renoncement comme étant en lui-même une ascèse, dans la société
européenne d'hyperconsommation ; le lien nouveau entre ascèse
et équilibre de vie, en protestation contre une existence
déséquilibrée par des stimuli sans cesse renouvelés. - F. Odinet