Mutations religieuses de la modernité tardive: Actes du XIVe Colloque International Paul Tillich, Marseille, 2001, éd. M. Boss, D. Lax, J. Richard

Col.
Teologia - reviewer : Jacques Scheuer s.j.
Le XIVe colloque de l'Association Paul Tillich d'Expression Française proposait à son programme deux thématiques principales: la théologie de la culture et celle des religions. Les onze communications de la première section, «Théologie de la culture: la modernité fragilisée?», étudient les évolutions sociales et culturelles marquantes de l'époque de Tillich (T.), commentent les développements de sa pensée théologique ou encore s'en inspirent pour la prolonger. Citons: la critique tillichienne du mythe comme exigence proprement théologique, par-delà la philosophie de la mythologie de Schelling et la démythologisation de type rationaliste (M. Leiner); la notion de kairos a permis à T. d'articuler éthique et religion, mais il faut aujourd'hui aller plus avant sur la voie qu'il a tracée (D. Müller); cette notion de kairos aide aussi à dépasser l'opposition entre l'idéologie du progrès et celle de la «fin de l'histoire» (A. Gounelle); T. et le «vertige du moderne» (P. Brunel); les réactions de T. et de E. Hirsch aux apories de la modernité révélées par la guerre de 14-18 (P. Gisel); l'expérience de la migration dans la vie et l'oeuvre de T. (A.M. Reijnen); discours sur le diable et modernité, de Luther à Barth et T. (B. Hort); la «quasi-religion» du marché (Chr. Boureux); l'expression du sacré en postmodernité (J. Maraschin); l'homologie de structure entre les théories tillichiennes de la religion, de la société et de la culture (I. Wetshay); l'utilité des catégories de T. pour interpréter les évolutions récentes du catholicisme brésilien.
Intitulée «Théologie des religions: l'épreuve du pluralisme religieux», la seconde section comprend sept exposés, dont cinq ont paru dans Laval théologique et philosophique 58 (2002) 5-115. Bien que la problématique du pluralisme religieux n'apparaisse qu'assez tard chez T., ses réflexions de jeunesse sur la foi peuvent encore être éclairantes (D. Lax); T. aurait-il pu faire sienne l'affirmation de Simone Weil «chaque religion est seule vraie»? (H.-Chr. Askani); l'étude en parallèle de T. et de Paul Knitter fait apparaître que, contrairement à certaines positions dites «pluralistes», «ce qui est requis, ce n'est pas la globalisation, mais la régionalisation du dialogue interreligieux», sous peine d'aboutir à un nivellement des religions (J. Eickhoff); les catégories exclusiviste, inclusiviste et pluraliste introduites en théologie des religions ne se comprennent correctement que mises en corrélation avec les trois niveaux que T. proposait de distinguer dans l'expérience de connaissance (R.B. James); si Troeltsch représente une nette prise de conscience chrétienne face au pluralisme religieux, c'est plutôt à T. que nous pouvons demander les moyens d'ouvrir, en faveur d'une option résolument pluraliste, des voies d'accès à la foi et la tradition chrétiennes (J. Richard); la fréquentation des deux mêmes théologiens invite à reprendre aujourd'hui la question du statut épistémologique de la théologie et de son rapport aux sciences des religions ainsi qu'à une philosophie de la religion trop souvent absente des débats (J.-M. Aveline); c'est enfin à une «lecture tillichienne» de l'islam religieux et politique à la mémoire de Romano Guardini et publié tout d'abord chez Herder en 1994.
L'ensemble comporte huit causeries: la situation présente du christianisme entre sécularité et «religiosité»; la transition de l'Europe chrétienne des Temps Modernes à une modernité post-chrétienne; le panorama actuel du religieux; le judaïsme et notamment le rapport du christianisme à ses racines juives; l'islam, le sceau de la prophétie et l'imitation du Prophète; l'hindouisme et le bouddhisme comme formes de spiritualité? Si la Bible ne répond pas directement aux questions d'aujourd'hui, elle propose l'éclairage de l'épisode de Babel (Gn 11, lu en conjonction avec la bénédiction d'Abraham, Gn 12) et du récit de la Pentecôte (Ac 2). Cet éclairage permet une première orientation dans l'éventail actuel des théologies chrétiennes des religions. Une compréhension équilibrée et cohérente passe toutefois par la personne du Christ dont l'unicité et l'universalité sont inséparables. C'est à partir de cet axe que les religions trouvent place et sens dans l'histoire du salut de Dieu et que le chrétien peut s'engager avec audace dans le dialogue interreligieux. S'il se réclame volontiers des travaux théologiques de Cl. Geffré et de J. Dupuis, l'A. sait aussi parler concrètement du dialogue à partir notamment de son expérience au sein de la «Conférence Mondiale des Religions pour la Paix». Une réserve mineure: lorsqu'il évoque, par allusions souvent brèves, des traditions telles que l'hindouisme ou le bouddhisme, l'A. n'évite pas toujours des raccourcis un peu rapides ou des à peu près. - J. Sch.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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