Nouvelle approche du quatrième évangile. L’enjeu inter-ecclésial de son édition et les implications pour tout dialogue

Benoît Standaert o.s.b.
Sacra Scrittura - reviewer : Gonzague de Longcamp c.s.j.

Benoît Standaert n’offre pas un simple commentaire du 4e évangile. Il le met à l’épreuve, pour ainsi dire, dans une perspective qui lui semble essentielle : celle du dialogue. Un dialogue constructeur de paix qui doit être porteur d’une certaine « autocritique ». Il veut ainsi, selon ses propres mots, « étudier de près ce grand texte fondateur pour en scruter à la fois la force et la faiblesse ». Pour ce faire, l’A. se pose trois questions. D’abord celle de savoir comment le texte est organisé et le but qu’il poursuit. Une deuxième consiste ensuite à interroger l’historicité de l’évangile, eu égard à l’originalité avec laquelle le texte fait parler Jésus de manière très originale. Au-delà du texte lui-même et, appuyé sur lui et les limites qu’il repère, l’A. se pose une troisième question : celle du dialogue interreligieux.

Selon lui, la pensée chrétienne a pu faire preuve d’enfermement et d’autoréférencement. Pourtant, nous nous trouvons aujourd’hui devant une urgente nécessité de dialoguer. Il faut prévenir ce qui pourrait empêcher le dialogue. Il est donc nécessaire de retrouver « un christianisme humble et capable de dialogue ». Or, selon l’A., le chapitre 21 serait à regarder comme une apologia pro vita sua de la communauté johannique s’adressant aux autres communautés chrétiennes cherchant à être accueillie par elles. Tout au long de son commentaire, l’A. va montrer comment le quatrième évangile retravaille les données des synoptiques, opère un certain nombre de déplacements au service de son propre projet, tout en montrant comment sa pensée s’insère dans l’entièreté de la Tradition en train de se constituer. Le texte resterait marqué, au dire de l’A., par les tensions internes entre la communauté johannique et la « grande Église », montrant par là même les difficultés du dialogue intraecclésial.

L’A. lit l’évangile en partant des récits de la résurrection aux chapitres 20 et 21, puis reprend sa lecture à partir du chapitre 1. Il fait ainsi droit au processus de relecture et à la perspective pascale déterminante dans la structure et la théologie du quatrième évangile. L’analyse du texte qui se déploie au long de ses chapitres est non seulement précise et pertinente, mais aussi extrêmement facile à lire, presque comme un roman. L’A. sait relever des détails significatifs et parfois « croustillants », comme le fait que la profession de foi de Pierre en Jn 6,68 se trouve en Mc 1,34 dans la bouche d’un démon !

Mais à la fin de la lecture, une question demeure : l’A. a-t-il réussi dans son entreprise de dialogue avec l’évangile lui-même ? On peut en douter. Il part, en effet, du principe que le quatrième évangile reflète les tensions entre la communauté johannique et la grande Église et lit tout à travers ce prisme unique. Il est indéniable que des tensions transparaissent au fil des pages. C’est une hypothèse de travail plus que crédible. Mais ici, l’hypothèse devient une évidence que l’on impose au lecteur. Par ailleurs, les tensions dont il est question ne sont-elles pas plutôt internes à la communauté johannique, comme le laissent penser les épîtres, plutôt qu’avec d’autres communautés ? Il nous semble que l’A., ce faisant, s’empêche de dialoguer vraiment avec le texte, le forçant à dire ce qu’il veut entendre.

Malgré cette étroitesse, cet ouvrage est riche de l’expérience et de la perspicacité de son auteur qui permettra à chacun de faire son miel. — G. de Longcamp c.s.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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