L'A. nous avertit d'emblée: O. Clément n'est ni un maître ni un
prophète. Son oeuvre, constituée d'articles, de conférences,
d'ouvrages écrits à la demande, n'a rien de systématique, mais elle
nous offre le témoignage d'un parcours au coeur de notre temps: de
l'athéisme à la reconnaissance du spirituel dans l'histoire, et au
dialogue Orient-Occident. Cet itinéraire suit la trace de
l'historien Alphonse Dupront, du philosophe Berdiaev et des
théologiens Lossky et Evdokimov. Pour O. Clément, le monde est
divisé en deux hémisphères: l'hémisphère asiatique de
l'omni-présence du divin où se résorbe l'univers; l'hémisphère
sémitique, où l'homme ne rencontre Dieu que dans l'obéissance à la
loi révélée. Le christianisme, qui se trouve entre les deux, est
lui-même scindé: l'Occident chrétien cultive plutôt la dualité
créatrice; l'Orient chrétien appelle à une transfiguration de
l'homme par le divin, rappel d'une unité perdue. L'un pousse
l'histoire vers les questions ultimes, l'eschaton; l'autre porte le
témoignage inébranlable de l'originel, de l'archè. L'union de ces
deux poumons de l'Église commande tous les autres dialogues du
christianisme avec le monde: judaïsme et islam, hindouisme et
modernité, cette modernité, fille du christianisme, à laquelle l'A.
a consacré deux chapitres centraux de son livre: Penser l'histoire,
Dépasser la modernité. La dernière partie de l'ouvrage étudie la
théologie d'O. Clément, une théologie de Résurrection, présentée
autour de trois pôles: le sens de la terre; le corps spirituel; la
beauté comme révélation. Parmi les thèmes riches d'harmoniques
relevons: le jeûne, l'ascèse, la mort, l'icône, le dialogue. Les
citations sont nombreuses, éclairantes, et souvent percutantes: La
contemplation de la nature transforme la nature; si l'histoire
n'est pas nourrie d'éternité, elle devient zoologie; chaque instant
est potentiellement eschatologique. - P. Detienne, S.J.