Huit auteures d'origines diverses (chinoise, iroquoise, turque,
juive, afroaméricaine…) étudient les répercussions religieuses et
éthiques de l'émergence du féminisme dans l'ère et l'aire
post-coloniales. Parmi les sujets abordés, notons l'accès des
femmes indiennes (même intouchables) à l'étude et à l'enseignement
du sanscrit, traditionnellement conçus comme l'apanage des
brahmanes mâles; les négociations complexes des féministes
islamiques (deux termes apparemment contradictoires) s'efforçant de
préserver une double identité; l'émancipation napoléonienne
(individuelle, non collective) des Juifs en France, comparée à la
libération ambiguë des colonisés: Tuez l'Indien, mais sauvez
l'homme; l'oppression des femmes afro-américaines dans leur
propre Église, et la force libératrice du «sermon noir». Un
chapitre concernant le bandage des pieds en Chine (cf. aussi
l'immolation des veuves en Inde et les mutilations génitales en
Afrique) critique la théorie transculturelle, universalisante, du
patriarcat phallocrate, (proposée par Mary Daly dans son
Gyn/Ecology, 1978). Une étude consacrée aux femmes
musulmanes relève la présomption fallacieuse, exprimée par les
féministes coloniaux, du caractère naturel du corps non voilé. Pour
les stratèges féministes de la décolonisation, seule une hybridité
est capable d'éroder les exigences patriarcales oppressives tant de
l'impérialisme chrétien colonial que du nationalisme postcolonial.
- P. Detienne, S.J.