Paul Tihon est jésuite et théologien; il fut longtemps professeur à l'Institut d'Études Théologiques (IÉT) puis à l'Institut International de Pastorale et Catéchèse Lumen Vitae et à l'Université des aînés à Bruxelles. Il s'est investi dans la recherche christologique contemporaine, l'ecclésiologie et l'engagement chrétien dans des communautés fraternelles de vie. La démarche qu'il nous propose est sérieuse et sans concession; elle appelle à être entendue avec un présupposé favorable. Après une introduction incisive, loyale, il nous trace «un bilan en demi-teinte» du catholicisme actuel. Il le prolonge par un «diagnostic plus précis» découvrant un christianisme frileux d'appartenance occidentale au milieu d'une culture moderne à dimension planétaire où il fait figure de souffreteux, cible facile des médias. Notre Église se trouve ainsi en double décalage par rapport au monde: face à l'autonomie de la raison humaine et en raison d'un langage devenu progressivement incompréhensible, voire inaudible. L'A. nous invite alors à distinguer fermement «le mouvement Jésus» de la religion instituée, qui en est issue à partir d'un judaïsme profondément modifié, réellement renouvelé. Il pose dès lors la question-piège: «Est-il possible d'innover dans l'Église?». Et l'A. de nous remémorer l'action souvent déstabilisante de l'Esprit saint dans les premières communautés chrétiennes, puis l'histoire difficile et douloureuse de la réception des réformes dans l'Église pour s'interroger sur la légitimité des transgressions qui apparaissent naturellement et inévitablement sous la poussée de la vie, et qui réclament discernement. Il nous découvre ensuite la manière de «dire la simplicité chrétienne» en retournant à la source évangélique. C'est l'Évangile, en fait, qu'il faut libérer dans notre comportement, et c'est nous qui avons à nous laisser à nouveau libérer par la puissance subversive de la Parole de Dieu si souvent énervée ou domestiquée qu'elle y a perdu sa vigueur.
Une réflexion courageuse, lucide, généreuse, constructive autant que fraternellement critique. Osons espérer que la plupart des responsables d'Église, des plus humbles aux plus influents auront à coeur de lire cet ouvrage d'un bout à l'autre et d'en tirer les conclusions pour eux-mêmes et pour ceux dont ils ont la charge, et remercions l'A. ainsi que les chercheurs auxquels il se réfère, qui valent le détour. - J. Radermakers sj