Laurent Lemoine est prêtre, dominicain et psychanalyste (proche du
courant lacanien). Il est donc bien équipé pour écrire sur les
rapports entre psychanalyse et religion (catholique, ici,
essentiellement). Après un bref résumé des liens historiques
- souvent houleux - entre catholicisme et freudisme (et
non sans avoir rappelé l'aveu récent du pape François d'avoir été
un temps en analyse), il tente de définir les ressemblances et les
différences essentielles entre les deux pensées. Suivant Lacan, il
veut montrer que les deux sont parallèles mais jamais confondues.
Et surtout qu'elles peuvent se renforcer l'une l'autre. Mais pour
cela, il choisit de parler d'un aspect à chaque fois : la
psychanalyse, c'est un « voyage », une méthode pour
remonter dans le passé de la personne afin de « dégeler »
les éléments figés du psychisme et de rendre celui-ci plus fluide,
plus tourné vers le désir (libido) sans cesse actif. Pas
de mention, ou si peu, de la doctrine freudienne et de ses grands
concepts. De même, dans le catholicisme, c'est surtout la mystique
- celle d'Eckhart, p. ex. - qui veut sans cesse
reprendre la quête de Dieu sans espoir de jamais l'atteindre
vraiment. Et non les dogmes ou le catéchisme.
Mais l'A. aborde aussi les mutations actuelles de la spiritualité
et de la psychologie. Ainsi, la mystique s'oppose aux violences du
fondamentalisme de Daech, comme au retour de « l'ordre
moral ». La cure analytique (qui n'a pas pour but fondamental
de guérir, suivant les déclarations de Lacan) s'oppose, elle, aux
psychothérapies à la mode, tant au courant
comportementalo-cognitif, matérialiste, qu'aux
psycho-spiritualités, souvent à base de méditation, spiritualistes.
Les deux, nous dit-il, sont surtout des supports efficaces de
l'individualisme et du capitalisme contemporains.
Au final, un essai subtil, bien construit et d'une lecture
agréable, qui prend parti d'un accord que l'A. veut croire possible
entre psychanalyse et religion chrétienne. Mais subsiste pour nous
la question : faut-il, pour rendre cet accord possible dans
les faits, mettre de côté les synthèses que sont la doctrine
freudienne et les dogmes catholiques ? - G.K.