Ce texte vient compléter les huit ouvrages du même auteur déjà parus aux éditions Arfuyen avec le soin qu’on leur connaît. Il s’agit ici d’extraits de lettres ou de carnets datant généralement de la première moitié du siècle dernier, qui font écho aux grands désordres auxquels l’Église d’aujourd’hui s’efforce de réfléchir et de répondre. Autant dire que par l’acuité de son regard, la force de son expérience mystique, sa vérité humaine, Marie de la Trinité (1903-1980), dominicaine missionnaire des campagnes, a devancé l’institution en matière de discernement et de réflexion sur les abus qui défigurent l’Église, qu’elle n’a pourtant jamais cessé d’aimer, comme elle a devancé les considérations de Vatican ii sur les rapports entre le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel. Ses propos sont enracinés dans une expérience personnelle douloureuse marquée par une « direction » spirituelle (selon la terminologie de l’époque) abusive et mortifère, jusqu’à la laisser dans un état de dépression grave. Ce qui la conduira à approfondir le sacerdoce des baptisés et à repenser la place du sacerdoce ministériel appelé à cesser « avec la condition terrestre » (Carnets, 18 mai 1942). À maintes reprises, elle reviendra sur cette parole du Christ de n’appeler personne père sur cette terre, puisque nous n’avons qu’un Père qui est aux cieux (Mt 23,9). Et elle insistera sur le fait que « les prêtres n’ont pas le monopole du sacerdoce du Christ », car « ce sacerdoce déborde et dépasse à l’infini la prêtrise » (Carnets, 12 mai 1942). Elle invite par là-même les baptisés à prendre en compte les dons dont ils sont porteurs et à vivre pleinement leur relation à Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, ainsi qu’à l’Église. « Le prodige, c’est que le don de Filiation soit fait à la nature humaine ! » (Carnets, 14 mars 1943), don « qui est participation créée à la génération éternelle du Verbe » (Carnets, 13 mars 1943). Et de développer le sacerdoce « personnel », celui de tout baptisé en lien avec ce don de la filiation : « Le sacerdoce personnel », écrit-elle, « étreint le Père avec toute la liberté, l’étendue, l’amplitude, l’infinité et la force de la Filiation… » (Carnets, 2 avril 1943).

La personnalité de Marie de la Trinité et son histoire personnelle dont elle a su faire un tremplin vers une sainteté non pas désincarnée, mais lestée d’humanité ajoutent un « plus » à la profondeur de sa pensée, laquelle n’a jamais abdiqué devant les obstacles. — E. Billoteau