Fasciné par la construction logique et la force rhétorique d’œuvres comme la Somme Théologique, on a trop longtemps oublié que le commentaire de l’Écriture était au fondement de toute la réflexion théologique de Thomas d’Aquin. Cette période est aujourd’hui révolue, et cela grâce notamment au magnifique travail de traduction entrepris par les éd. du Cerf (Commentaires : sur les Psaumes, 1996 ; sur l’évangile de Jean, 2006 ; sur l’épître aux Éphésiens, 2012 ; etc.). Dans cet ouvrage, Serge-Thomas Bonino, dominicain, actuel secrétaire de la Commission théologique internationale, donne une nouvelle preuve de ce renouveau en scrutant l’usage que l’Aquinate fait du Cantique des Cantiques dans son œuvre. Bien que ce dernier n’ait probablement jamais écrit de commentaire Super Cantica, on ne recense pas moins de 312 citations de ce livre biblique (dont 80 % dans ses commentaires scripturaires) dans le corpus thomasien, sans compter les passages qui sont insérés chez des auteurs que cite Thomas. Il valait donc la peine – même si Thomas recueille davantage une tradition d’interprétation plus qu’il n’atteste une originalité excessive – d’étudier ce riche pan de son œuvre, en distinguant – comme le fait Bonino – entre les citations dans les commentaires et celles insérées dans les œuvres de synthèse théologique, comme la Somme. Les conclusions de cette enquête savante concernent au moins trois registres. Tout d’abord, cette étude renouvelle l’approche du « thomisme biblique » en s’intéressant aux citations des livres bibliques que Thomas n’a pas commentés. Ensuite, elle impacte la façon de comprendre la doctrine spirituelle du docteur de l’Église. Enfin, une telle recherche fait découvrir la spiritualité de Thomas qui se déploie ainsi selon l’A. : « l’attention à la dimension affective, amoureuse de la vie spirituelle, plus marquée qu’on ne le pense chez un théologien parfois jugé trop “intellectuel” ; le lien intime entre charité parfaite, contemplation et prédication, et une tension omniprésente vers la pleine communion du Ciel ». — D. Luciani