Se nourrir corps et âme. La Bible et la table

Martine Henao de Legge
Judaismo - reviewer : Pierre Gervais s.j.

Le livre traite de l’acte de manger dans toutes ses dimensions physiologiques, anthropologiques et spirituelles. La nourriture est tout à la fois une réalité biologique et symbolique. Son partage signe une convivialité. Toutes les traditions religieuses l’attestent dans leur attention à l’alimentation, aussi bien l’hindouisme, le bouddhisme et le taoïsme que le judaïsme et l’islam avec leurs prescriptions et leurs interdits alimentaires. C’est sur cet arrière-fond que l’ouvrage fait appel à l’expertise d’une nutritionniste en la personne de Teresa Fernandez-Gil et d’une psychomotricienne en celle de Monique Coltelloni-Lehmann pour montrer à la fois la complexité de l’acte de manger dans sa portée anthropologique et son impact sur la santé physique, psychique et spirituelle.

Dans un chapitre intitulé « Quand la Parole se fait nourriture », l’A. aborde enfin pour elle-même la tradition judéo-chrétienne, la manducation de la Parole de Dieu y étant précisément assimilée à un processus d’éveil spirituel en celui qui la garde dans son cœur. Familière de l’exégèse juive, l’A. livre ici des pages fort suggestives sur le récit de la création et son don d’une nourriture végétarienne, celui de la chute où « don et interdit sont donnés ensemble dans une même parole », et enfin celui de l’alliance noachique où le don de la viande carnée va de pair avec l’interdit de la consommation du principe de vie qu’est le sang, l’interdit battant chaque fois en brèche une appropriation purement fusionnelle du don qu’est la nourriture. Ainsi en est-il d’ailleurs du pain venu du ciel qu’est la manne dans l’Exode, lui-même assorti d’une limite, celle d’une conservation qui ferait écran entre lui et son donateur.

Certes, dans son rapport avec les pagano-chrétiens, le christianisme abandonnera les prescriptions et interdits alimentaires de la loi mosaïque, tout en restant fidèle à l’exigence du jeûne qu’il héritait du judaïsme. De fait, tout comme l’AT, il accorde une place prépondérante à la nourriture et au repas. Dans les quatre évangiles, pain et vin sont omniprésents. Le « prenez et mangez » de la cène forme un arc de cercle avec « vous ne mangerez pas » du récit de la chute.

Après avoir évoqué la transformation de l’eau en vin à Cana et le don de l’eau vive à la samaritaine, l’A. conclut son parcours par le discours sur le pain de vie de Jean 6. Son intention n’est pas alors de développer toute une théologie du mystère eucharistique. Encore que l’A. montre qu’il y va bien du rapport du Christ à son Père dans le don d’une vie en nourriture, don qui en appelle à un acte de foi et de confiance. Son propos, et c’est là son apport majeur, aura été de mettre en lumière que, sous ce que nous appelons espèces eucharistiques, il y va bien du pain et du vin qui ne font signe qu’en gardant toutes leurs qualités nutritives aussi bien sur le plan physiologique qu’anthropologique, pain et vin donnés pour « se nourrir corps et âme ». — P. Gervais s.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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