Comme le rappelle Gw. Aubry, chargée de recherche au CNRS, Pophyre
a placé le traité 53 en tête des Énnéades, alors que c'était
pourtant l'avant-dernier à avoir été composé. Il faut donc partir
de ces «ultimes soliloques» à travers lesquels Pierre Hadot pense
que le vieux Plotin cherchait à atteindre la sérénité. Mais sa
place, dans l'édition de l'oeuvre plotinienne voulue par Porphyre,
s'explique par le fait que ce traité est régi par le précepte
delphique, comme le Premier Alcibiade qui jouait un rôle
d'introduction à Platon dans le cursus des études des
néoplatoniciens. Il introduit ainsi à la totalité des Énnéades; sa
tâche est de convertir à la philosophie et de transformer son
lecteur. Mais c'est l'un des traités des plus difficiles et des
plus complexes de Plotin, avec la dualité de son contenu: d'abord
la question aristotélicienne posée par le De anima, de l'unité du
vivant, ensuite la question platonicienne de l'essence de l'homme.
Cependant, cette structure scolaire du traité en cache une autre,
plus profonde, celle de la conciliation des thèses d'Aristote et de
Platon, où se révèle l'originalité novatrice de Plotin lui-même.
Car la véritable question du traité 53 n'est pas tant celle de
l'homme que celle du sujet, c.-à-d. celle d'une conscience
réflexive capable de s'interroger sur son activité et son identité.
Au terme du cheminement, il apparaîtra que le sujet n'est pas
substance, ni aristotélicienne, ni platonicienne, mais capacité de
devenir l'une ou l'autre, et donc sujet sans identité, pure
puissance, quête d'identification. L'itinéraire est ainsi celui du
moi vers le soi, non celui d'une identité que nous n'avons pas,
mais de notre identification à un Autre, de la multiplicité du moi
immédiat à la simplicité du soi essentiel. La traduction, le
commentaire, les index aident le lecteur à faire ce cheminement où
le moi apprend à se connaître pour se déterminer en profondeur: ce
qui sera le mouvement même des Énnéades. - H. Jacobs sj