Traité de l'Incarnation contre Nestorius, éd. M.-A. Vannier

Jean Cassien
Storia del pensiero - reviewer : Benoît Gain
Sans doute le De Incarnatione est-il moins célèbre que les Institutions cénobitiques et les Conférences, qui ont largement fait connaître en Occident le monachisme oriental, égyptien surtout, et c'est le mérite de M.-A. Vannier de rendre accessible au public francophone ce traité de christologie.
Une ample introduction (p. 9-82) procure au lecteur tous les renseignements utiles. D'ordre biographique d'abord. L'A. expose très clairement les données historiquement avérées et les hypothèses qui ont été formulées pour rendre compte de certaines obscurités ou difficultés. Sans l'affirmer péremptoirement, on sent que M.-A.V. est favorable, à la suite de K. Zelzer (1991) et contre H.-I. Marrou (1945), à la thèse de l'origine provençale de Cassien. Puis elle retrace les «circonstances et motif de rédaction» du traité (p. 27-33), à la demande du pape Célestin (vers juin 429), ce qui revient à traiter des préliminaires du concile d'Éphèse.
L'A. est particulièrement à l'aise dans la masse des documents envoyés ou échangés, cités d'après les premiers mots latins du texte. Il me semble que le numéro de la Clavis Graeca eût été utile, ainsi que, le cas échéant, la mention systématique des traductions récentes (je pense à celles du P. Festugière pour les Actes d'Éphèse et Chalcédoine). Quelques précisions sur certains personnages eussent été les bienvenues (cf. p. 31: Posidonius, «les amis de Constantinople»). Cassien a été sollicité avant tout pour sa connaissance du grec et du latin, comme vingt-cinq ans plus tard Julien de Cos le sera par S. Léon (ep. 113; PL 1656 et PG 9046).
La «structure de l'ouvrage» (p. 33-37), qui ne s'embarrasse guère de répétitions, est du type cinq plus deux entendons - bien que Cassien ne l'explicite guère - les cinq livres composés par Moïse (le Pentateuque) et les deux natures du Christ. Le symbole de foi, d'origine baptismale, contenu dans le livre VI, est l'objet d'une analyse approfondie (p. 37-47). Il en est de même du florilège patristique, partiellement tiré de Jean Chrysostome, qui constitue le VIIe et dernier livre du traité et qui, en tant que l'un des premiers exemples de ce type d'argumentation, a eu une postérité considérable. Enfin M.-A.V. s'efforce de déterminer quels étaient les écrits de Nestorius connus de Cassien et étudie la présentation - pas très objective - qu'il donne de l'archevêque de Constantinople. Sa réfutation de Nestorius conditionne entièrement sa christologie, qui n'entre pas dans des perspectives nouvelles.
La traduction du De Incarnatione est faite sur l'édition procurée par M. Petschenig (CSEL 17, 1888; les pages en sont judicieusement indiquées entre crochets), qui reposait sur trois manuscrits principalement (manquent cependant les sigles; cf. note ad I, 3,4). D'autres témoins, fussent-ils fragmentaires, ont-ils été identifiés depuis un siècle? M.-A. Vannier ne le dit pas. Sa traduction, claire et précise, semble la première, complète, en français (cf. p. 74). Des extraits en avaient été publiés (le Répertoire du Frère Marcotte, de l'abbaye Saint-Wandrille, aurait sûrement fourni d'utiles indications), notamment par l'abbé J.-M.-S. Gorini (Mélanges littéraires extraits des Pères latins, t. 2, Avignon 1865, p. 376-385 = III, 6 … 15) qui relève l'importance, à sa date, de l'affirmation de Cassien sur la primauté de Pierre «qui Romanae Ecclesiae gubernaculum regens, sicut fidei habuit, ita et sacerdotii principatum» (III, 12, 1).
La bibliographie abondante et classée (p. 73-82) permet presque toujours de tirer parti d'une riche annotation. On n'y trouve pas la mention du mémoire dactylographié (1954) - ou la thèse - de Mgr Ch.-A. Brand (cf. p. 10, n. 2), sur l'ampleur duquel on aimerait avoir quelques précisions. Avec l'index scripturaire et celui des auteurs anciens, cet ouvrage rendra grand service et contribuera à faire connaître, du point de vue occidental, les débats théologiques qui devaient aboutir à la convocation du concile d'Éphèse. - B. Gain.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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