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Evangelisation and human promotion. Pastoral conversion according to Pope Francis

Celestino Migliore Mgr
On the occasion of a meeting with the clergy of Rennes, Mgr Celestino Migliore, Apostolic Nuncio in France, outlined Pope Francis’ vision of the Church in the changing times in which we live. The challenges of our time are anthropological, societal, environmental, but also ecclesial. They impose a pastoral conversion where it is a question of combining evangelisation and human development but also of better understanding the need for intra-ecclesial synodality.

C’est un fait qui est sous les yeux de tous et sur lequel le pape François insiste depuis quelques temps : nous vivons non une époque de changement, mais un changement d’époque2. Un profond changement qui bouleverse de nombreux aspects des sociétés, pas seulement les sociétés occidentales mais toutes les sociétés, et qui implique les religions et l’Église.

I Certains défis de nos sociétés

L’atmosphère dans laquelle nous vivons aujourd’hui présente certains défis.

Le premier est le défi que nous pouvons appeler anthropologique. L’interprétation et la gestion de l’humain sont arrivées à un point de rupture, même si nous ne le réalisons probablement pas assez. Ce qui est en jeu, c’est de savoir qui est l’être humain : d’où vient-il et où va-t-il ? Je pense aussi à la question du féminin et du masculin, de l’identité de chacun et de la relation entre les deux, la question du genre, la transmigration d’un genre à l’autre.

Le second défi, pour le dire avec les mots de Benoît xvi, est que le projet créateur de Dieu est remis en cause, c’est-à-dire que l’on veut intervenir avec agressivité sur l’ADN de la création, sur le début et la fin de la vie : l’ingénierie génétique, les organes cybernétiques et bioniques, la robotique, l’intelligence artificielle…

Je ne m’arrête pas sur ce sujet que vous connaissez bien, grâce au travail efficace de clarification des données et des consciences fourni par votre archevêque sur ces questions3.

Un autre défi est celui du pluralisme culturel, de l’unité dans la différence qui, en soi, marque la civilisation humaine au niveau personnel, socio-culturel, socio-politique, religieux. Défi qui à son tour est lié à celui ouvert par le brassage des peuples et des sociétés résultant des proportions énormes prises par le phénomène migratoire que le pape François discerne comme « le signe de l’époque » de la transition en cours. Défi culturel et religieux sous le signe de l’indifférence éthique. Pensons à ce que signifie, par exemple, la diffusion de ce que l’on appelle « apathéisme », c’est-à-dire apathie, indifférence envers l’existence d’un dieu ; la croyance que la question de l’existence de Dieu est sans importance.

Enfin, le défi social et environnemental. Le pape François avoue qu’à Aparecida4, lorsque les évêques brésiliens parlaient de la question de l’Amazonie, il se demandait en quoi cela pouvait bien concerner l’évangélisation et la promotion humaine. Depuis – confesse-t-il – il l’a compris ! La question sociale est effectivement liée à la question environnementale : deux points de rupture qui deviennent un unique point de rupture.

En Occident, le christianisme semble connaître un tel déclin que de nombreux sociologues disent qu’il est même sur le point de s’éteindre ou, en tout cas, en condition de diaspora. Ce qui est mis en évidence par la quantité d’édifices religieux qui ferment leurs portes dans tous les pays européens.

Deux faits décisifs le montrent de manière encore plus claire.

Tout d’abord, la disparition de ce qui reste de la chrétienté entendue comme fait public, c’est-à-dire comme le lien entre les institutions religieuses et les institutions politiques qui depuis des siècles avait caractérisé toutes les sociétés européennes.

En second lieu, le fait que, désormais, il ne reste quasiment plus trace du compromis typique, jusqu’à il y a quelques décennies, de toutes les classes dirigeantes occidentales d’Europe. Un compromis en vertu duquel, tout en se laïcisant et en se modernisant, elles étaient cependant restées liées d’une certaine manière à la foi ancienne. Depuis un certain temps, au contraire, dans leurs modes de vie, dans l’éducation des enfants, dans la conscience de soi, dans leurs valeurs publiques, les élites des sociétés développées apparaissent déchristianisées et le reste de la société suit leur exemple.

Nous vivons dans une ère totalement inédite, avec un changement d’époque, face à laquelle les religions se trouvent toutes un peu embarrassées.

Cela peut sembler un lugubre cahier de doléances, et en partie ça l’est, mais non au point de nous écraser, de nous faire perdre courage et de nous trouver dans la situation décrite par le prophète Jérémie : « Prophètes et prêtres parcourent le pays sans plus rien comprendre » (Jr 14,18). Au contraire, quelques pistes d’engagement assez claires se profilent qui nous permettent d’inaugurer une saison nouvelle.

II Quelques pistes d’engagement

Le pape François a compris que l’Église, autant que la société humaine dans laquelle elle est insérée, est arrivée à un point de rupture. Non pas une rupture vis-à-vis de ses fondements bibliques, de sa doctrine et de sa tradition, mais bien une rupture vis-à-vis de sa manière d’incarner la Parole de Dieu, la doctrine et la tradition de l’Église. Rupture au plan de la gouvernance et des rapports entre les différents membres de l’Église. Dès les tout premiers moments, paroles et actions de son pontificat, lorsqu’il est apparu au balcon des Bénédictions, le pape François nous a introduits dans une claire conscience que nous étions arrivés à un point de rupture du style de vie ecclésiale, ce qu’il exprime depuis par des formules ou mots d’ordre tels qu’« Église en sortie », « conversion pastorale », « mystique de la fraternité ».

Maintenant, quel avenir le pape François imagine-t-il pour le christianisme dans ce contexte ?

Dans notre monde, la foi ne sera sauvée que si elle revient à la puissance de sa Parole originelle : celle de Jésus-Christ et, par conséquent, celle qui est transmise par les quatre évangélistes. Marc, Matthieu, Luc, Jean : ces quatre formes de l’Écriture représentent la mémoire fidèle et incorruptible de Jésus-Christ. C’est pourquoi elles sont Parole de Dieu ; et la Parole de Dieu, qui est « vivante et énergique » (Hb 4,12), « peut faire naître des enfants de Dieu à partir de pierres » (Lc 3,8). La Parole évangélique, et celle de toute la Bible, est donc celle qui est juste pour notre temps : elle édifie les croyants, est magnanime pour les non-croyants de bonne volonté, redresse les bons sentiments de tant de chemins spirituels, secoue les indifférents distraits.

Mais il y a là une difficulté : pour l’homme de notre temps la Parole biblique n’a aucune autorité culturelle. Autrement dit : dans le contexte culturel d’aujourd’hui, la Parole biblique n’a rien à dire quand il s’agit de réfléchir sur des thèmes d’intérêt vital. La dignité de la pensée revient exclusivement à la philosophie et aux sciences et, dans une certaine mesure, à la littérature et à l’art. Les Écritures bibliques sont confinées dans le registre des récits pour enfants : pensons seulement à la banalisation grossière du texte pourtant si sophistiqué de la Genèse.

Les Écritures sont parfois comprises comme des conseils spirituels, de pieuses indications pratiques. Surtout, elles sont soupçonnées de tenir un discours irrecevable dans la mesure où elles nomment continuellement « Dieu » comme la raison de nos existences.

À quel accueil la Parole de Dieu peut-elle prétendre à une époque comme la nôtre où l’expérience de la foi en Dieu non seulement est jugée comme un placebo qui console et qui n’est plus digne de notre vision du monde, mais encore qui est considérée comme une pesante limitation de l’espace créatif à la disposition de l’homme ? Il suffit de penser au livre de la psychanalyste Julia Kristeva : Au commencement était l’Amour.

En outre, la Parole biblique, puisqu’elle prétend dire la « vérité », est vue comme intrinsèquement despotique. La considération nourrie aujourd’hui pour toutes les traditions religieuses de la planète et le détachement progressif ainsi que le ressentiment de l’Occident pour ses racines chrétiennes nous ont amenés à exalter le « polythéisme des différences ». Une religion, une culture en vaut une autre. Par conséquent, Celui qui se présente comme le chemin, la vérité et la vie et qui demande une reconnaissance absolue ne peut être accueilli dans ce panthéon. Dans notre contexte culturel, sa demande ne pourra qu’être perçue comme violente, idéologique, fondamentaliste, intolérante.

Posons-nous la question : d’où vient ce mépris pour les Écritures bibliques ? Dans une large mesure cela dérive de notre histoire. Pour expliquer le sens de la vie de l’homme, depuis mille ans, depuis l’Humanisme, la culture européenne se tourne vers les sciences humaines : la littérature, la philosophie, les sciences et les arts, et non vers la Bible. La pensée développée par ces disciplines durant le second millénaire représente, de façon indiscutable, une réflexion prodigieuse sur l’homme et sur ses dimensions constitutives. C’est une pensée qui s’est développée en dehors des églises, mais non en dehors de la Vérité, parce que personne n’a l’exclusivité de Dieu. Dès lors, celui qui veut expliquer la Bible et la faire valoir du point de vue anthropologique, social et ecclésial, doit avoir l’humilité et l’intelligence de se confronter avec ces mondes.

La Parole biblique reste sans aucun doute la « Parole ultime ». Elle a donc le droit de convertir, même radicalement, beaucoup de nos théories anthropologiques. Sans cette confrontation, la parole des Écritures perdrait de sa force et les hommes de notre temps continueraient à penser que l’Évangile est une affaire de sacristie, parfaitement insignifiante pour les questions réelles de nos vies.

Une autre orientation chère au pape François est la synodalité. Mot qui, par son étymologie grecque, signifie aller ensemble sur le même chemin. Un premier parcours de la synodalité aujourd’hui se déroule précisément dans cet « aller ensemble », ou mieux dans la confrontation avec les différents mondes de la culture, de la science, de la technologie actuelle. Nous devons nous insérer dans la culture contemporaine, en réhabilitant la créativité, la capacité d’interprétation de la vie de l’homme et la force opérante de la Parole de Dieu.

La conviction fondamentale du pape François est que la relation avec Dieu dans le Christ donne à l’homme la capacité de « rester en sortie » et de se placer avec courage sur la scène du monde.

Il est nécessaire de clarifier que rester en sortie n’a rien à voir avec l’arrogance, la recherche de l’auto-affirmation ou l’intimidation de celui qui penserait rendre un bon témoignage à l’Évangile en maniant la vérité comme une épée. Dans la perspective du pape François, l’attitude de « sortir » n’est pas l’absolutisme ou l’intransigeance, ni le relativisme, mais le dialogue :

Je vous recommande de manière particulière la capacité de dialogue et de rencontre. Dialoguer n’est pas négocier. Négocier, c’est chercher à obtenir sa propre « part » du gâteau commun. Ce n’est pas cela que j’entends. Mais c’est rechercher le bien commun pour tous. Discuter ensemble, j’oserais dire se mettre en colère ensemble, penser aux meilleures solutions pour tous (…) pour construire la société civile avec les autres (…). Rappelez-vous, en outre, que la meilleure façon pour dialoguer n’est pas celle de parler et de discuter, mais celle de faire quelque chose ensemble, de construire ensemble, de faire des projets : pas seuls, entre catholiques, mais avec tous ceux qui ont de la bonne volonté5.

Sans aucun doute, le sens du magistère du pape François peut être résumé autour d’une constante qui est le rappel récurrent à une « mystique de la fraternité6 ». Il s’agit justement de comprendre que, face à la crise qui frappe nos sociétés et que la pandémie a amplifiée de façon démesurée, la foi est proposée comme une « ressource spirituelle » qui peut faire la différence, tant au plan individuel qu’au plan collectif.

III Vers une pastorale générative

Sans doute aujourd’hui les chrétiens sont-ils en situation de diaspora. Mais ne pouvons-nous penser la diaspora comme une occasion favorable ? La transition de la chrétienté à la diaspora – accélérée de façon exponentielle par l’urgence de la pandémie – nous provoque à passer de l’attente de quelques personnes s’approchant de nos milieux ecclésiaux à l’initiative de les rencontrer là où elles vivent effectivement : non seulement dans les espaces physiques où elles sont, mais aussi online, sur les réseaux sociaux. De ce point de vue, le drame de la pandémie a été à sa façon une révélation, elle a levé le voile et mis à découvert une limite structurelle de notre réalité ecclésiale. La limite est que la communauté chrétienne continue à être plus encline à faire grandir une foi déjà existante, plutôt que davantage permettre à une foi encore en gestation de naître.

Une pastorale de conservation ne suffit plus, il y a besoin d’un chemin qui conduise à une pastorale « générative », expression d’une Église consciente de ne pas être déjà constituée entièrement mais qui reste toujours en cours de constitution, Ecclesia semper reformanda. Parcourir ce chemin vers une pastorale générative signifie justement convertir l’image de l’Église, abandonnant finalement l’« ecclesio-centrisme » pour aller vers une communauté ecclésiale qui se reconnaît décentralisée dans l’histoire ; une communauté ecclésiale consciente de se trouver immergée dans un changement continu, et par conséquent qui se sente appelée à être présente vraiment là où doit être engendrée la vie de l’Évangile.

Ce n’est rien moins qu’un style général d’Église qui est remis en question.

Ce dont il y a besoin, en premier lieu, c’est un changement de style. Il ne s’agit pas nécessairement de faire des choses nouvelles, de lancer qui sait quelles initiatives extravagantes. Il s’agit plutôt de convertir, de transformer en profondeur la façon d’agir de chaque baptisé et de l’Église dans son ensemble, pour devenir davantage capables de se mettre au service de la rencontre de chacun avec Jésus-Christ et avec sa puissance d’authentique humanisation.

Prenons, par exemple, le domaine significatif de la liturgie. Nous avons tous sous les yeux la tendance à réduire la pratique liturgique à la célébration des sacrements, en particulier celle de la messe.

Depuis longtemps, l’« Eucharistie seule » fonctionne comme une sorte d’équivalent catholique de l’« Écriture seule » protestant. La messe est devenue le sacrement utilisé pour toutes les occasions : des fêtes de village aux solennités du calendrier. À tel point que, quand l’urgence de la pandémie en a rendu de fait impossible la célébration dans sa modalité publique, tout l’édifice est tombé et il semblait que rien ne restait debout. La solution évidente immédiatement semblait être celle de continuer à proposer l’eucharistie, mais en concentrant son action sur le seul ministre ordonné, rendant la présence de l’assemblée remplaçable par la présence virtuelle. Cependant, n’importe quel rassemblement ne suffit pas pour être dans les conditions d’attester que là se trouve vraiment le Peuple de Dieu rassemblé.

La question n’est en rien académique ou marginale. Le risque sérieux est de régresser – après cinquante ans de réforme conciliaire – à une conception du sacrement comme un rite qui fonctionne dans tous les cas, car doté d’un automatisme surnaturel. Les modalités effectives avec lesquelles le rite est pratiqué ne sont pas du tout indifférentes pour que se réalise de manière authentique la médiation symbolique de la réalité célébrée.

C’est vrai que l’eucharistie fait l’Église, mais il ne faut pas oublier la vérité réciproque, à savoir que c’est également l’Église qui fait l’eucharistie.

Face aux temps forts que nous traversions, le pape François a encouragé les fidèles en proposant lui-même la messe quotidienne par télévision, mais à maintes reprises il a souligné que, selon la perspective de l’Évangile de Jésus, « la source et le sommet » n’est pas immédiatement le rite, mais c’est la vie qu’il génère. Si le rite – pour cause de force majeure – peut être suspendu, toutefois la vie doit continuer. « La juste manière de rendre un culte à Dieu », pour reprendre l’expression de Paul (Rm 12, 1), est celle qui assume la forme concrète du corps donné dans les gestes des soins, de la tendresse, de la solidarité, de la miséricorde, de la réconciliation. Il n’y a pas de pandémie qui ait la capacité d’interdire ce type de culte : au contraire, elle en souligne avec encore plus de vigueur l’aspect essentiel.

IV Évangélisation ou promotion humaine ?

En continuant notre réflexion sur la conversion pastorale en condition de diaspora, posons-nous la question : la mission de l’Église est-elle plutôt évangélisation ou plutôt promotion humaine ? Les positions sur le terrain sont divergentes. Il y a ceux qui pensent que le devoir de la communauté chrétienne est d’annoncer l’Évangile en restant à une dimension strictement religieuse, et par conséquent que l’engagement social est secondaire qui veut, dans toute la mesure du possible, compenser les retards ou les défaillances des autres institutions. Au contraire, il y a ceux qui pensent que l’évangélisation doit être préparée et accompagnée par la promotion humaine, car l’Évangile peut être compris et accueilli seulement là où sont auparavant garanties la vie, la dignité, la justice, en somme les exigences fondamentales de l’existence. Le problème ainsi posé, il est vraiment difficile d’établir qui a raison et qui a tort : au contraire, on pourrait penser que les deux positions sont parfaitement légitimes. En effet, aussi bien l’une que l’autre sont basées sur de bonnes motivations, mais en regardant bien elles partagent une forte limite, qui à la fin les rend toutes les deux peu convaincantes.

La limite est de supposer que l’évangélisation et la promotion humaine constituent en soi deux réalités destinées à naître et à rester distinctes. Comme si l’engagement religieux et l’engagement social marchaient nécessairement sur des voies différentes et parallèles, qui se rencontreraient seulement sur des points précis et à des moments déterminés, pour ensuite continuer à avancer l’un à côté de l’autre.

Nous retrouvons cette problématique dans le quatrième chapitre d’Evangelii gaudium, où le pape François prend position dans le débat sur l’évangélisation et la promotion, en cherchant précisément à dépasser la limite que je viens d’aborder. En fait, dès le début du chapitre il est clairement dit que « Le kérygme possède un contenu inévitablement social : au cœur même de l’Évangile, il y a la vie communautaire et l’engagement avec les autres » (EG 177). Donc, pour le pape François la mission évangélisatrice non seulement laisse de l’espace à la dimension sociale, mais encore l’implique de manière constitutive : de ce point de vue, on pourrait affirmer que l’évangélisation intégrale est promotion humaine, dans le sens le plus large de cette expression.

Je pense que ce n’est pas du tout une simple coïncidence si la préoccupation de rendre à la présence de la foi chrétienne son caractère concret et sa force d’humanisation est ce qui caractérise de manière évidente le style et le message du pape François. En effet dans Evangelii gaudium, il est souligné avec insistance que la profession de foi possède un lien indissoluble avec l’engagement dans la vie personnelle et dans la société : « La proposition est le Royaume de Dieu (Lc 4, 43) ; il s’agit d’aimer Dieu qui règne dans le monde » (EG 180).

V Synodalité intra-ecclésiale

Enfin, un mot encore sur la synodalité intra-ecclésiale.

Dans le document final du Synode des évêques sur les jeunes on lit :

Nous invitons les Conférences Épiscopales et les Églises particulières à poursuivre ce parcours, en s’engageant dans des processus communautaires de discernement qui incluent aussi ceux qui ne sont pas évêques dans les délibérations, comme l’a fait ce Synode. (…) Nous souhaitons que les familles, les instituts religieux, les associations, les mouvements et les jeunes eux-mêmes participent à ces parcours, de sorte que la « flamme » de ce dont nous avons fait l’expérience ces jours-ci se diffuse.

(no 120)

L’actualisation de la synodalité dans le milieu de l’Église exige que certains paradigmes, encore souvent présents dans la culture ecclésiastique, soient dépassés, comme la concentration de la responsabilité de la mission dans le ministère des pasteurs et l’appréciation insuffisante de la vie consacrée et des dons charismatiques.

En ce qui concerne les consacrés, la révision du document Mutuae Relationes, sur les rapports institutionnels entre les évêques et les religieux et vice versa, est en cours, mais tarde à voir la lumière. Pourquoi une telle révision peine-t-elle à être finalisée ? Parce qu’il s’agit de définir, ou au moins de délimiter avec une certaine clarté, la co-essentialité des dimensions hiérarchique et charismatique de l’Église pour se traduire dans une pratique synodale effective.

L’actualisation de la synodalité requiert un apport précis des laïcs. Il convient de noter que le fidèle laïc peut arrêter les décisions à prendre dans une association de fidèles ou dans un institut de vie consacrée ou dans une société de vie apostolique, s’il en est membre, alors que dans le diocèse ou dans la paroisse, où se déroule sa vie ecclésiale, il ne dispose d’aucun lieu où, par son vote, il puisse effectivement arrêter, même dans les matières qui ne relèvent pas directement du charisme du ministère ordonné, les décisions concernant la vie ordinaire de la communauté. Cette modalité de participation synodale n’est pas encore prévue par le Code de droit canonique et je crois que ce sera un point important du prochain Synode des évêques : la réforme des normes du Code de droit canonique sur les organes synodaux prévus. En fait, si le discernement communautaire doit conduire à des décisions qui reflètent des positions unitaires, les normes canoniques doivent établir les procédures pour ce processus.

Il ne s’agit pas, en première instance, d’une question d’architecture institutionnelle, même si les organismes, les processus, les événements synodaux au sens technique sont absolument nécessaires pour réaliser dans le concret la nature et le chemin de l’Église. Comme le souligne souvent le pape François, la synodalité se réalise seulement dans le contexte d’une conversion pastorale.

Notes de bas de page

  • 1 Ce texte reprend la première partie d’une rencontre avec le clergé de l’archidiocèse de Rennes, le 28 jan. 2021, à l’initiative de Mgr Pierre d’Ornellas. Titre, sous-titres et notes de la rédaction.

  • 2 Voir p. ex. son intervention au Congrès de Florence en 2015 ou son Discours aux diplomates en 2019.

  • 3 Mgr d’Ornellas est responsable du groupe de travail bioéthique de la Conférence des évêques de France.

  • 4 La cinquième Conférence générale de l’épiscopat latino-américain et des Caraïbes s’est tenue au Brésil à Aparecida, en 2007.

  • 5 Discours aux participants du ve Congrès de l’Église italienne, Florence, 10 nov. 2015.

  • 6 Cf. Evangelii gaudium 87.

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