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Immersion among the first Christians

Jean Radermakers s.j.
This fine book is the work of an American journalist who gathered in depth documentation on the language, mentality and the sociocultural and religious milieu of Jesus. In this work he takes up the story of the trial of Jesus according to the gospels and he links up with the book of the Acts of the Apostles, attributed to Luke and dealing with “the time after Jesus” and then to the foundation of the first Christian communities in the Near East and in Europe at the end of the 1st century. (...)

R.J. Hutchinson, Enquête sur le début du christianisme. Comment une poignée de pêcheurs, de soldats et de prostituées ont transformé le monde, trad. R. Kremer, Paris, Salvator, 2018, 15x22, 384 p., 22 €. ISBN 978-2-7067-1637-9

Ce beau livre est l’œuvre d’un journaliste américain qui s’est longuement documenté sur la langue, la mentalité, le milieu socio-culturel et religieux de l’époque de Jésus. Il reprend dans cet ouvrage l’histoire du procès de Jésus d’après les évangiles et il enchaîne avec le livre des Actes des apôtres, attribué à saint Luc et consacré à « l’après Jésus », puis à la fondation des premières communautés chrétiennes au Proche-Orient et en Europe à la fin du ier siècle.

Dans son introduction, l’A. précise son propos : tenter de comprendre, pour lui et pour nous, comment une petite équipe d’hommes et de femmes, réputés incultes, a pu enclencher un mouvement religieux d’une telle ampleur que nous en vivons encore deux mille ans après. Son information est excellente et les sources consultées sont parmi les meilleures. En replaçant les récits dans leur cadre historique, il suit le texte des Actes. Cependant sa lecture demeure encore fondamentaliste alors que Luc nous propose une interprétation théologique, comme il l’affirme dans la préface de son évangile. Il écrit à un certain Théophile – personnage réel ou lecteur supposé qu’il dénomme « ami de Dieu » – : « pour que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as reçus » (Lc 1,4). Ce n’est donc pas d’abord l’exactitude des détails qui l’intéresse, mais le progrès de la foi chrétienne grâce à l’action intérieure de l’Esprit Saint. Ici, nous dépassons l’enquête extérieure dans l’espace et le temps, qui est l’objet propre de sa recherche, pour atteindre l’objet de la foi.

Nous avons été nous-mêmes confrontés à cette question lorsque nous rédigions, P. Bossuyt et moi, un volumineux commentaire des Actes des apôtres1. Comment interpréter un tel livre qui ne raconte pas seulement l’histoire de l’expansion rapide du christianisme naissant, mais qui élabore une théologie de l’Esprit Saint comme moteur de cette expansion ? Car l’Esprit Saint peut être accessible à notre observation par ses effets dans le comportement des personnes et des groupes qui avaient accompagné Jésus depuis son baptême jusqu’à sa mort et sa résurrection, moment où ses disciples se découvrent investis de l’Esprit de Jésus et envoyés par le monde afin d’y poursuivre son œuvre. L’action intérieure de cet Esprit est de configurer ses disciples à Jésus lui-même à présent disparu.

Pour comprendre à la fois l’apport et les limites de l’enquête de l’A., nous devons nous rappeler quelques règles d’interprétation d’un texte biblique. Le principe général de l’historien est, selon les Anciens : Omnis scriptura debet legi eo spiritu quo scripta est, c’est-à-dire : « Tout écrit doit être lu dans l’esprit dans lequel il fut écrit ». Il s’agit donc d’abord d’évaluer son « genre littéraire » : contrat, confidence, roman, poésie, rapport précis, billet intime, etc.

Ensuite, il convient de prendre acte que le terme d’histoire n’a pas toujours la même signification. Épinglons trois modes culturels différents. La plupart de nos contemporains ont encore une conception positiviste ou objective de l’histoire : ce qui s’est exactement (ou vraiment) passé suivant l’observation des personnes concernées ; ainsi dans les langues germaniques Geschichte ou geschiedenis. Les Grecs y mêlent une note subjective : celle de l’observateur direct ou indirect de l’événement raconté par un témoin (historeîn, raconter). L’hébreu biblique suppose une communication interactive entre l’auteur et son lecteur, de l’ordre de la génération (histoire, toladôt c.-à-d. engendrements successifs), la présence de Dieu (créateur et père) est toujours sous-entendue ; de plus, le mot désignant une réalité matérielle cache souvent une réalité spirituelle qu’il fait affleurer, et ceci tient à la nature symbolique de la langue. Nous avons à nous en souvenir quand nous lisons l’Écriture.

Enfin, pour ce qui concerne l’interprétation des textes, Luc a appris que les rabbins distinguent quatre sens de l’Écriture : le sens matériel ou littéral (peshat, simple) du récit et le sens spirituel qui se subdivise en trois niveaux : le sens profond ou allégorie (rèmèz, allusion) ; le sens moral ou tropologie (derash, recherche) et le sens mystique ou anagogie (sod, secret). En effet, l’interprétation de Luc dans les Actes fait aussi partie de la tradition ou de la réception du texte (vers la fin du ier siècle) et s’ajoute à l’histoire de Jésus et de ses disciples. Ainsi en va-t-il notamment de l’action de l’Esprit Saint dans les premières communautés chrétiennes, et l’on en trouve des traces dans le texte lucanien. Les Pères de l’Église au Moyen Âge reprendront en la modifiant cette « doctrine des quatre sens ».

Dans notre commentaire des Actes cité plus haut, nous avons essayé de lire le texte de Luc en tenant compte de tous ces éléments qui interviennent dans les récits des Actes qui sont à interpréter dans le même Esprit Saint que celui de Jésus et de la tradition apostolique. Le texte de Luc est déjà porteur, dans sa dimension sociopsychologique retravaillée littérairement, de la réalité de cette présence du dynamisme de l’Esprit Saint, puisqu’il signale des effusions de l’Esprit tout au long de son parcours aux moments-clés de l’expansion de la foi chrétienne pour que Théophile en prenne acte dans sa lecture.

Revenons à l’ouvrage de R.J. Hutchinson. Il a bien fait son travail de journaliste bienveillant et chrétien qui vise à expliquer la plausibilité des faits racontés par Luc. Il établit ainsi une certaine authenticité de ces faits en les insérant dans un cadre historique restitué au mieux. Peut-il aller plus loin ? Mais dans notre monde matérialiste qui ignore le divin et l’expérience religieuse alors que celle-ci est le moteur du texte de Luc, nous sommes encore loin de comprendre le texte de Luc. Il était important de le faire remarquer pour évaluer l’authenticité des premiers textes du Nouveau Testament.

Le texte des Actes est en même temps une composition littéraire de Luc parallèle à celle de son évangile. Là il nous montrait Jésus poussé par un dynamisme intérieur personnel qui motivait son action et son comportement. Il l’appelait l’Esprit Saint. Dans les Actes, nous assistons à un partage, une dissémination de cet Esprit, une fois Jésus absent de la scène du monde, et nous retrouvons le même gracieux dynamisme dans les disciples de Jésus qui redisent son enseignement et refont les mêmes gestes de guérison que lui, comme si l’Esprit de Jésus avait déménagé et habitait maintenant la vie de ses disciples, Pierre notamment, puis Paul, comme si Jésus s’était multiplié et que son Esprit façonnait en chaîne les apôtres et leurs disciples de l’intérieur. Luc montre ainsi comment l’Esprit Saint est personnellement présent dans chacun des témoins.

Telle est l’explication qu’il nous fournit, nous permettant de comprendre l’expansion rapide du christianisme naissant. Ces hommes et ces femmes sont en quelque sorte devenus des répliques de Jésus, de telle manière que son action se trouve multipliée à l’instar de la croissance et du développement des enfants dans le sein de leur mère et après. Cette force de croissance est l’œuvre interne de cet Esprit qui est manifestée au dehors.

Luc débute les Actes par le récit symbolique de l’effusion de l’Esprit sur les apôtres réunis avec la mère de Jésus et quelques femmes, celles sans doute présentes à la passion et à la résurrection de Jésus. Mais dès que l’on change de lieu, il continue de signaler l’action de l’Esprit par des expressions semblables : bruit, vent, lumière, langage extatique ; à Jérusalem au chap. 2 sur les Douze, puis au chap. 4 à leur libération de prison ; ensuite lors du passage en Samarie, puis à Césarée, à Antioche, en Europe à Philippes et à Éphèse en Asie Mineure. Par sept fois l’Esprit fait croître l’Église. Nous remercions R.J. Hutchinson d’avoir marqué et amorcé le début de cet étonnant processus.

Notes de bas de page

  • 1 P. Bossuyt, J. Radermakers, Témoins de la Parole de la Grâce. Actes des Apôtres. T. 1 : texte ; t.2 : commentaire, Bruxelles, Institut d’études théologiques, 1995.

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