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Note sur Les nouveaux courants charismatiques

À propos d’un ouvrage récent1

François-Régis Wilhélem

Ce livre est le fruit d’un travail de discernement effectué pendant plus de deux ans dans le cadre d’un atelier de recherche, puis d’un séminaire, suscités par le « Groupe d’Accompagnement du Renouveau charismatique » dépendant de la Conférence épiscopale française et présidé par Mgr J. Boishu. Sa mission est de veiller sur le Renouveau en sa double composante : les groupes de prière et les communautés, afin de les conforter et de faire en sorte que la grâce d’une « nouvelle Pentecôte » (cf. Jean XXIII) soit accueillie de plus en plus profondément par l’ensemble de l’Église.

Une critique à la fois lucide et bienveillante

L’ouvrage propose une approche pluridisciplinaire de certains courants charismatiques appelés parfois « Troisième vague » ou encore « Mouvement de la Gloire ». Ceux-ci se manifestent particulièrement lors de grands rassemblements (ou « conventions ») qui se déroulent « dans une ambiance émotionnelle forte et avec des phénomènes comme des guérisons, des “repos dans l’Esprit”, des spasmes, des rires... La Parole y est annoncée par divers orateurs, catholiques, réformés, évangéliques... » (Mgr Boishu, « Ouverture », p. 7). Ces phénomènes, parfois troublants, ainsi que le vaste brassage interconfessionnel (voire interreligieux) dans lequel ils se déroulent, provoquent des réactions très contrastées : enthousiasme pour les grâces reçues, ou à l’inverse : scepticisme, inquiétude, rejet...

L’enjeu du discernement est important, car il s’agit d’accueillir les fruits réels et durables reçus dans ce contexte (cf. p. ex. p. 12), comme d’en dénoncer les faux semblants, ainsi que certaines dérives (notamment certaines manifestations extérieures plus ou moins incontrôlées). L’intention de ce livre n’est pas « d’éteindre l’Esprit », mais d’opérer une critique à la fois lucide et bienveillante (p. 8).

Au début, un « État de la question » (P. F-R. Wilhélem) énumère les principaux points abordés, à savoir : les précédents historiques de ces rassemblements ; leur fonctionnement concret ; le rôle de l’animation, de la musique, des prédicateurs ; la place de la Parole de Dieu, le rapport entre l’annonce kérygmatique et les « signes » pouvant l’accompagner ; la signification de « l’expérience spirituelle » ; l’intervention éventuelle de l’occulte et des esprits mauvais ; l’articulation foi et raison ; les « guérisons » ; la dimension œcuménique ; le rapport Institution et charismes…

Divers auteurs s’efforcent ensuite d’approfondir tel ou tel aspect de ces points : un recteur de sanctuaire témoigne de sa manière de discerner et d’accompagner la grande variété des demandes des groupes, notamment ceux de la mouvance charismatique (P. B. Gournay). Suivent deux études historiques : la première, très précise, éclaire les racines historiques de ces rassemblements (P. B. Peyrous) ; la seconde souligne particulièrement l’interdépendance complexe entre les divers courants interconfessionnels qui, dans ce cadre, ne cessent de s’entrecroiser et de s’influencer mutuellement (Mr P. Chieux). Pour sa part, le P. J-M. Verlinde établit un parallèle suggestif entre la manière de vivre les charismes chez les Corinthiens et celle des participants à ces assemblées. Suit une recherche sur « les critères de discernement » d’une authentique vie dans l’Esprit à la lumière de la tradition mystique (P. F-R. Wilhélem). Enfin, une réflexion à la fois théorique et pratique de Mr P. Benoît sur le rapport entre les « émotions musicales et l’expérience spirituelle » clôt la partie expertise de cet ouvrage qui débouche sur une « Note pastorale » des évêques (J. Boishu, F-X. Loizeau, G. Gaucher). Celle-ci propose des repères concernant la préparation et l’animation de ces rassemblements et ce, « en vue d’une pleine maturité » ecclésiale. À la fin du livre, une annexe reprend un article de synthèse, paru dans cette revue, sur les quarante ans du Renouveau2.

Sans pouvoir ici les développer davantage, contentons-nous de relever seulement quatre points importants qui émergent de ces courants et interpellent l’Église catholique (mais aussi les « Églises historiques ») : la conversion, l’expérience spirituelle, le témoignage, la guérison.

Quatre points-clés : conversion, expérience spirituelle, témoignage, guérison

En résonance avec la culture évangélico-pentecôtiste, les courants charismatiques prônent un « christianisme de conversion ». Or, il apparaît clairement qu’un des défis de la nouvelle évangélisation est précisément celui de la conversion. Ce fait interroge donc l’Église sur sa capacité pastorale à accompagner les baptisés — comme aussi tous les « chercheurs de sens » — sur les voies de l’expérience spirituelle3.

À ce propos, H.U. von Balthasar faisait remarquer que, dans un contexte de sécularisation, « un moment d’expérience de foi semble être indispensable pour acquérir et conserver la foi chrétienne… “L’expérience”… s’inscrit partout de nos jours en lettres capitales »4. Il paraît donc urgent de repenser, tant d’un point de vue théologique que pastoral, le concept d’expérience, notamment sous l’angle de « l’expérience de l’Esprit », de ses dons et charismes, en associant à cette recherche les règles du discernement des esprits5.

C’est cette expérience qui pousse les membres de ces assemblées à un témoignage de type kérygmatique. Et du fait de l’interconfessionnalité, jaillit le désir que cette annonce soit faite dans l’unité. Or, cela coïncide avec la perspective catholique qui voit dans une telle collaboration une « Épiphanie du Christ »6.

Un dernier point mérite une attention spéciale : celui de la guérison. Dans ces assemblées, comme à chaque époque, la proclamation du salut s’accompagne de grâces de compassion, de guérison. Visant toujours ultimement le salut, les guérisons ne sont pas des fins en soi, mais elles peuvent contribuer à restaurer la relation à Dieu vers lequel elles orientent puissamment. Aussi, « la prière qui implore le rétablissement de la santé »7 est-elle à redécouvrir dans le cadre de la pastorale ordinaire.

Notes de bas de page

  • 1 Conférence des Évêques de France, Les nouveaux courants charismatiques. Approches, discernement, perspectives, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, Paris, 2010.

  • 2 P. F-R. Wilhélem, « Quarante ans après, où en est le Renouveau charismatique catholique ? », dans NRT 130 (2008), p. 238-255.

  • 3 Cf. P. E. Grieu, L’Église catholique et le « christianisme de conversion », Documents Épiscopat n. 8/2010.

  • 4 H-U. von Balthasar, La théologique, tome III : L’Esprit de vérité, Culture et Vérité, Bruxelles, 1996, p. 371.

  • 5 Cf. en ce sens les réflexions du cardinal W. Kasper, Les nouveaux courants, p. 120.

  • 6 Jean-Paul II, Ut unum sint n. 40 ; Les nouveaux courants, p. 9.

  • 7 Congrégation pour la doctrine de la foi, Instruction sur les prières pour obtenir de Dieu la guérison (septembre 2000) ; Conférence des Évêques de France, Les nouveaux courants… (cité supra n. 1), p. 112.

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