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The Christ Grace of the Mother of God

Lelde Briede
At the Annunciation, Mary receives a new name: “Full-of-Grace”. What is this grace? What becomes of her freedom? The exegesis of the words of the angel and of Mary’s response (Lk 1,28 and 38) and their reading in tradition (especially in St. Thomas) give an understanding about how grace, freedom and joy are joined in her who is the model of the Church.

Introduction

Le « Je vous salue, Marie » est la prière mariale par excellence. Elle commence par les paroles que l’ange Gabriel a adressées à la jeune fille de Nazareth pour lui annoncer qu’elle serait la Mère du Messie, la Mère du Fils de Dieu. Dans la salutation angélique, Marie reçoit, en quelque sorte, un nouveau nom : Kecharitômenê — « Comblée-de-grâce ». Mais quelle est cette grâce dont Marie est comblée ?

Pour répondre à cette question, je voudrais, tout d’abord, examiner en détail la salutation que l’ange lui adressa : « Réjouis-toi, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi » (Lc 1,28). Cette salutation fait partie du récit de l’annonciation qui a des antécédents dans l’Ancien Testament et qui est préparé par l’annonciation à Zacharie. Je commencerai par considérer ces récits, pour faire l’étude exégétique des paroles de la salutation angélique que je relirai, ensuite, dans la Tradition1, avec un sermon de S. Thomas d’Aquin.

Pour achever mon étude sur la grâce de Marie, je m’attarderai à sa réponse : « Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole » (Lc 1,38). Ce sera l’occasion de réfléchir sur la liberté de Marie. Je le ferai dans le cadre de la Tradition en distinguant « liberté d’indifférence » et « liberté de qualité ».

I Antécédents vétérotestamentaires

Les annonces d’une naissance merveilleuse

On rencontre, dans la Bible, le genre littéraire des annonces d’une naissance merveilleuse. Le schéma classique qui caractérise ce genre comporte cinq points : apparition de l’ange ; réaction de la personne à qui l’ange s’adresse (crainte, doute, etc.) ; l’annonce proprement dite (partie centrale) ; habituellement, mention d’une difficulté que fait valoir la personne interpellée ; l’ange donne un signe de la crédibilité de l’intervention divine2.

Dans l’Ancien Testament, ce schéma est plusieurs fois utilisé lorsqu’un messager céleste annonce à une femme âgée et stérile qu’elle deviendra mère par une intervention de Dieu. Les textes les plus connus sont Gn 18,9-15 et Jg 13,2-7. En Lc, comme témoin de ce genre littéraire, il y a non seulement l’annonce à Marie, mais aussi l’annonce à Zacharie que nous examinerons plus loin (Lc 1,11-22), en raison de la syncrisis entre Zacharie et Marie. Mais considérons, à présent, les deux textes de l’Ancien Testament.

Gn 18,9-15 : annonce de la naissance d’Isaac

Cette annonce fait partie du récit des trois visiteurs auxquels Abraham accorda l’hospitalité avec un immense respect : « Monseigneur, je t’en prie, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, veuille ne pas passer près de ton serviteur sans t’arrêter » (Gn 18,3)3. En lisant attentivement le récit de l’annonce dans le cadre du chap. 18, on retrouve presque tous les éléments du schéma correspondant au genre littéraire des annonces d’une naissance merveilleuse. Relevons comment les trois visiteurs (ou l’hôte) s’adressent à Abraham : « Où est Sara, ta femme ? » (18,9). Vient ensuite l’annonce proprement dite : « Je reviendrai vers toi l’an prochain ; alors, ta femme Sara aura un fils » (18,10).

Dans le cycle d’Abraham et d’Isaac, on peut encore relever d’autres passages auxquels le récit de l’annonciation à Marie fait peut-être allusion4 et qui constituent le contexte de l’annonce de la naissance d’Isaac : « Ne crains pas, Abram ! Je suis ton bouclier, ta récompense sera grande. (…) Lève les yeux au ciel et dénombre les étoiles si tu peux les dénombrer. (…) Telle sera ta postérité » (Gn 15,1.5). À cette parole du Seigneur qui fut adressée à Abram dans une vision, celui-ci répondit par la foi : « Abram crut au Seigneur qui le lui compta comme justice » (Gn 15,6). Puis vient le signe de l’Alliance et l’annonce de la naissance d’Isaac :

Le Seigneur apparut à Abram qui avait nonante-neuf ans et lui dit : « Je suis El Shaddaï, marche en ma présence et sois parfait. J’institue mon Alliance entre moi et toi, et je t’accroîtrai extrêmement. » Et Abram tomba la face contre terre et Dieu lui dit encore : « Moi, voici mon Alliance avec toi ; et tu deviendras père d’une multitude de nations. Et l’on ne t’appellera plus Abram, mais ton nom sera Abraham, car je te fais père d’une multitude de nations ». (…) Dieu dit alors à Abraham : « Ta femme Saraï (…) je la bénirai et même je te donnerai d’elle un fils ».

(Gn 17,1-5.16)
Jg 13,2-7 : annonce de la naissance de Samson

Le récit de l’annonce de la naissance de Samson correspond également au genre littéraire des annonces d’une naissance merveilleuse. Il est dit que l’ange du Seigneur apparut à la femme stérile de Manoah pour lui annoncer : « Tu es stérile et tu n’as pas eu d’enfant mais tu vas concevoir et tu enfanteras un fils. (…) C’est lui qui commencera à sauver Israël de la main des philistins » (Jg 13,3-7). C’est l’annonce proprement dite.

Un récit de vocation : Gédéon

Le texte vétérotestamentaire qui se rapproche le plus du récit de l’annonce à Marie est le récit de la vocation de Gédéon : Jg 6,11-245. On peut établir un véritable parallèle entre les deux textes : 1) salutation de l’ange (Jg 6,12 et Lc 1,28) ; 2) doute de Gédéon (Jg 6,13) et bouleversement de Marie (Lc 1,29) ; 3) premier message de l’ange (Jg 6,14 et Lc 1,30-32) ; 4) difficulté de Gédéon (Jg 6,15) et difficulté de Marie (Lc 1,34) ; 5) deuxième message de l’ange (Jg et Lc 1,35) ; 6) signe (Jg 6,17-23 et Lc 1,36-37) ; 7) consentement de Gédéon (Jg 6,24) et consentement de Marie (Lc 1,38). Relevons la salutation que l’ange du Seigneur adressa à Gédéon : « Le Seigneur avec toi (…), vaillant guerrier » (Jg 6,12). Notons que le dialogue entre l’ange du Seigneur et Gédéon se fait presque d’égal à égal.

Le lien étroit entre ce récit de vocation et le récit de l’annonce à Marie souligne bien que l’annonce à Marie ne suit pas uniquement le genre littéraire des annonces d’une naissance merveilleuse, mais s’inscrit dans la tradition des récits de vocation : l’annonciation à Marie met donc bien en évidence sa mission, sa « grâce ».

Enracinement dans Daniel et Malachie

Dans le récit de l’enfance de Jean et de Jésus en Lc 1-2, on retrouve trois thèmes vétérotestamentaires présents en Daniel et en Malachie : la venue des temps messianiques, la venue du Jour du Seigneur, grand et redoutable, et l’entrée du Seigneur dans son Temple6. Ces trois thèmes sont présents en Dn 9,20-26, 10,7 et 12,16-17, mais aussi en Ml 2,6 et 3,1.23-24. En Lc 1,19, l’ange du Seigneur est identifié à Gabriel qui annonce, en Dn, la prophétie des sept semaines et la venue du prince messianique (Dn 9,25). En Ml, c’est la parole du Seigneur qui est transmise au prophète pour annoncer le « Jour du Seigneur, grand et redoutable » (Ml 3,23) que préparera Jean-Baptiste, marchant dans la puissance de l’esprit d’Élie (Lc 1,17). Mais c’est Jésus, identifié au Seigneur en Lc 2,11, qui réalisera la prophétie de Ml 3,1 sur l’entrée du Seigneur dans son temple.

En s’enracinant en Dn et Ml, l’annonce à Marie est donc bien située dans le contexte de la venue du Messie située elle-même dans le cadre eschatologique.

II Syncrisis : Zacharie et Marie

« Du point de vue de la composition littéraire, on a maintes fois noté le procédé constant de Lc : le parallélisme, dont l’origine semble devoir être cherchée dans la syncrisis grecque. »7 Quand l’Ancien Testament compare deux à deux des personnages importants, le parallèle est plutôt implicite et fait surtout ressortir les ressemblances : Moïse et Josué, Moïse et Élie, Élie et Élisée. Le parallélisme entre Marie et Zacharie s’inscrit dans le parallélisme entre Jean et Jésus. Mais ce « parallélisme voulu des annonciations et des naissances entend surtout montrer le contraste entre Jean et Jésus. (…) De Jean à Jésus, ce n’est pas seulement un seuil qui est franchi, mais le premier n’existe qu’en fonction du second. »8

Relevons que, dans le récit de l’annonce à Zacharie, il n’y a pas de salutation. Il est simplement dit qu’à la vue de l’ange, Zacharie fut troublé. L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Zacharie, car ta supplication a été exaucée… » (Lc 1,13s). Cette parole provoqua le doute de Zacharie. L’ange lui répondit alors en déclinant son identité pour indiquer son éminente dignité : « Moi je suis Gabriel qui me tiens devant Dieu… » (Lc 1,19s). Tout cela prépare le lecteur à lire ensuite le récit de l’annonce à Marie en saisissant sa spécificité.

Notons encore qu’il existe aussi un parallèle entre Élisabeth et Marie : l’annonce à Marie, la visitation et le Magnificat font partie du cycle d’Élisabeth (Lc 1,24-57) qui s’organise en fonction de trois incipit marquant les temps : 1,24 (« après ces jours… ») ; 1,26 (« le sixième mois ») et 1,57 (« le temps d’enfanter »)9. Ce cycle est formé par une inclusion : la conception de Jean est relatée au début et sa naissance, mentionnée à la fin. Marie, comme fille de Sion, est ainsi portée par l’histoire d’Israël qui aboutit à la naissance de Jean-Baptiste, le prophète qui préparera les chemins du Seigneur.

III La salutation adressée à Marie

1 Exégèse littérale de la salutation angélique

Le récit de l’annonce à Marie (Lc 1,26-38) souligne le statut particulier de Marie et du contenu de l’annonce. Les deux versets introductifs (1,26-27) permettent de suivre un mouvement qui part de Dieu (apo tou theou 10) pour aboutir à Marie, nommée en dernier lieu : « Marie », l’« Excellence »11. À la différence de l’annonce de la naissance d’Isaac où Abraham exprima son immense respect pour les trois visiteurs sans être lui-même salué par eux, à la différence de l’annonce de la naissance de Samson où Anne, sa mère, ne fut pas davantage saluée, l’ange Gabriel s’adresse à Marie avec un véritable respect, en la saluant et en lui révélant son identité profonde : « Comblée-de-grâce », comme nous le comprendrons mieux dans l’exégèse qui suivra. En référence à Dn, le nom de Gabriel12 situe déjà l’annonce à Marie dans la perspective de la naissance du Messie. Enfin, la syncrisis avec Zacharie souligne également la dignité de Marie et de l’annonce qui lui est faite.

Faisons plus en détail l’exégèse de la salutation angélique (1,28) avant de la lire dans la Tradition : « Réjouis-toi, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi ».

Réjouis-toi

En grec, la forme verbale chaire peut souvent exprimer une simple salutation : « Sois saluée »13. Mais la première signification du verbe chairô est celle-ci : « être dans un état de bonheur ou de bien-être, se réjouir, être joyeux »14. I. de La Potterie écrit même que, « pour diverses raisons philologiques, (…) il semble pratiquement certain que Luc a dû penser ici à une invitation à la joie »15. Dans la Septante, la forme chaire, qui ne revient que quatre fois, signifie d’ailleurs toujours : « Réjouis-toi » (Lm 4,21 ; Jl 2,21-23 ; So 3,14 ; Za 9,9). Dans les trois dernières occurrences, c’est même une invitation à la joie messianique dans une perspective d’avenir. Voici le texte de Sophonie : « Pousse des cris de joie (chaire sphodra : « réjouis-toi fortement »), fille de Sion ! Une clameur d’allégresse, Israël ! Réjouis-toi, triomphe de tout ton cœur, fille de Jérusalem… » (So 3,14).

Dès le début, tout le dialogue entre Gabriel et Marie est ainsi situé dans la perspective de la joie messianique. La suite du récit l’explicite clairement :

Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus. Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père ; il règnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne n’aura pas de fin.

(Lc 1,31-33)

C’est la prophétie de Natan qui s’accomplira par Marie, la fille de Sion par excellence, la mère du Messie, la Mère du Fils de Dieu (cf. 2 S 7,12-16).

La joie messianique marque d’ailleurs tout l’évangile de l’enfance de Luc. Cette joie se manifeste dans le récit de la visitation (cf. Lc 1,41.44-45) qui s’achève par le magnificat où Marie dit que son « esprit tressaille de joie (êgalliasen) » (Lc 1,47) et que « désormais toutes les générations (…) [la] diront bienheureuse (makariousin) » (Lc 1,48). La joie est encore mentionnée dans les paroles de l’ange adressées aux bergers : « Soyez sans crainte, car voici que je vous annonce une grande joie, qui sera celle de tout le peuple » (Lc 2,10).

Tout cela confirme le sens de chaire, qu’il faut bien traduire par « réjouis-toi ». Alors que la tradition latine a traduit par Ave, « dans la tradition des Pères de l’Église grecs et dans la liturgie byzantine, les paroles de l’ange ont été presque universellement comprises et expliquées comme une invitation à la joie »16. Le plus illustre témoin de cette interprétation est peut-être l’Acathiste : « Un ange du premier ordre fut envoyé du ciel à la Théotokos : Réjouis-toi ! Et saisi d’admiration, en vous voyant, Seigneur, vous incarner à cette parole immatérielle, il se tenait debout devant elle en s’écriant : Réjouis-toi, toi par qui resplendira la joie !… »17. Le « réjouis-toi » y est repris encore douze fois.

Comblée-de-grâce

L’invitation à la joie du début de la salutation angélique est immédiatement explicitée par le nouveau nom de Marie : Kecharitômenê 18. Tentons de comprendre le sens de ce mot.

En Ac 6,8, Luc parle d’Étienne comme plêrês charitos (« plein de grâce »). Pour dire « plein(e) de grâce », Luc utilise ainsi une autre expression que kecharitômenê. Par ce mot, il vise donc autre chose. Le verbe utilisé par Luc (charitoô) est très rare en grec et n’apparaît que deux fois dans le Nouveau Testament : ici, en Lc 1,28 et en Ep 1,6 (« à la louange de gloire de sa grâce (charis) dont il nous a gratifiés (echaritôsen) dans le Bien-Aimé »). I. de la Potterie fait remarquer que les verbes en « oô » sont des causatifs : « ils indiquent une action qui effectue quelque chose dans l’objet. (…) Ces verbes changent donc quelque chose à la personne ou à la chose en question »19. Et il ajoute que « le radical du verbe “charitoô” étant “charis” (= grâce), l’idée qu’il exprime est celle d’un changement opéré par la grâce »20. De plus, comme la forme verbale employée par Luc est un passif, le parfait du participe, « “kecharitômenê” signifie donc que, dans la personne à qui se rapporte ce verbe, Marie, l’action de la grâce de Dieu a déjà opéré un changement. Il n’est pas dit comment cela s’est passé. Ce qui est essentiel ici, c’est qu’il est affirmé que Marie a été transformée par la grâce de Dieu »21. En Ep 1,6, le verbe est appliqué à tous les chrétiens, mais Marie est la première des croyants, elle en est l’archétype22.

Le chaire indique donc déjà que Marie est comblée de grâce, transformée par la grâce de Dieu dans le contexte de l’accomplissement des temps messianiques. La suite du récit explicite encore davantage le motif de cette transformation : Marie est comblée de grâce en vue de la tâche qui l’attendait, à savoir, devenir la Mère du Fils de Dieu, tout en restant vierge. C’est ce que précise la double annonce de l’ange : Marie mettra au monde le Messie, le Fils de Dieu (Lc 1,31-33), mais cela adviendra « virginalement » par la venue de l’Esprit sur elle, par la « puissance du Très-haut » qui la prendra sous son ombre (Lc 1,35). Marie a donc été comblée de grâce en vue de sa maternité divine et virginale : c’est une grâce totalement référée à l’incarnation et à la mission du Christ. Le terme de « grâce » (charis) revient en effet en Lc 1,31 pour être explicitement rattaché à la maternité divine de Marie. En ne s’adressant pas à elle en l’appelant « Marie », mais Kecharitômenê, « Comblée-de-grâce », l’ange manifeste, en fait, le vrai nom de Marie, le nom n’étant pas dans la Bible une désignation conventionnelle : il exprime « l’activité ou la destinée de celui qui le porte »23.

En lisant ce nom « Comblée-de-grâce » dans le contexte de tout le Nouveau Testament et, plus particulièrement, en écho avec Ep 1,6, on peut comprendre que la grâce de Marie n’est pas seulement ordonnée au Christ, mais qu’elle lui vient « dans le Bien-aimé », « dans le Christ ». Ep 1,7-8 explique même que les croyants sont « gratifiés » en trouvant dans le Christ « la rédemption, par son sang, la rémission des fautes, selon la richesse de sa grâce (charis) qu’il [Dieu le Père] nous a prodiguée ». La grâce de Marie est donc proprement christique, ordonnée au Christ et reçue dans le Christ. Pour Luc, les temps messianiques qui s’accomplissent dans le Christ sont d’ailleurs le « temps de la grâce », comme Jésus l’annoncera dans le texte prophétique programmatique : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction pour porter la bonne nouvelle aux pauvres (…), proclamer une année de grâce du Seigneur (kêruxai eniauton kuriou dekton) » (Lc 4,18-19).

Le Seigneur est avec toi

La fin de la salutation angélique « le Seigneur est avec toi » est une expression que l’on trouve assez fréquemment dans l’AT où elle « n’est pratiquement utilisée que lors de l’annonce d’un mandat difficile à accomplir, qui dépasse les forces de l’homme, s’il reste livré à lui-même »24. On peut le voir, par exemple, en Ex 3,12 pour Moïse, en Jos 1,9 pour Josué, en Jg 6,12 pour Gédéon. On peut penser, avec I. de la Potterie, que la fin de la salutation angélique se rapporte précisément à la deuxième annonce de l’ange portant sur la conception virginale de Marie qui dépasse les forces humaines25.

Lecture dans la Tradition

La comparaison avec les autres récits d’annonciation nous a déjà permis de percevoir comment l’attitude de l’ange Gabriel est remplie d’admiration et de révérence à l’égard de la Vierge de Nazareth. Les croyants qui reliront le récit de l’annonciation dans l’histoire de l’Église percevront également cette attitude. L’Acathiste soulignera explicitement cette admiration, comme nous l’avons vu. Le Bienheureux Fra Angelico l’exprimera également : dans l’Annonciation de San Marco, l’ange s’incline respectueusement devant Marie qui reste assise, mais tous deux sont en adoration devant le mystère de l’incarnation qui se réalise.

Dans son Sermon sur la salutation angélique 26, S. Thomas d’Aquin a aussi médité sur l’attitude révérencielle de Gabriel à l’égard de Marie. Arrêtons-nous à ce sermon qui éclaire tout particulièrement trois aspects de la plénitude de la grâce de Marie.

Dans la Somme théologique, Thomas a déjà réfléchi sur le mystère de l’annonciation à Marie. En réponse à l’objection selon laquelle Marie aurait dû recevoir l’annonce du mystère de l’incarnation directement de Dieu et non par le ministère d’un ange, S. Thomas répond que

la mère de Dieu était supérieure aux anges quant à la dignité pour laquelle elle avait été divinement élue, mais elle leur était inférieure quant à sa condition dans la vie présente. En raison de cette vie passible, le Christ lui-même “a été abaissé un moment au-dessous des anges”, ainsi qu’il est dit dans l’Épître aux Hébreux (2,9)27.

Dans le Sermon sur la salutation angélique, prononcé sans doute à Paris en 1269, Thomas va expliciter en quoi « la mère de Dieu était supérieure aux anges quant à la dignité pour laquelle elle avait été divinement élue ». En lisant le récit évangélique de l’annonciation, il met en évidence l’attitude révérencielle de l’ange Gabriel exprimée dans la salutation : « Salut, Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi »28. Mais, à la lumière de l’Ancien Testament, cette attitude semble surprenante :

Il faut se souvenir que, dans l’Antiquité, on considérait les apparitions des anges à des hommes comme quelque chose d’extraordinaire et l’on tenait pour un grand honneur la révérence qu’il était permis de leur exprimer. (…) Par contre, il aurait été tout à fait inouï qu’un ange rende hommage à une créature humaine avant que l’un d’eux n’ait salué respectueusement la bienheureuse Vierge en lui disant : « Salut »29.

Thomas explique ce respect de Gabriel à l’égard de Marie par le fait qu’elle est supérieure aux anges sous trois points. Nous nous arrêterons d’abord au premier : la plénitude de la grâce de Marie. Thomas voit trois aspects selon lesquels Marie est pleine de grâce :

  1. Marie est pleine de grâce quant à son âme. « La grâce de Dieu est en effet donnée pour ces deux choses : faire le bien et éviter le mal. Or, sur ces deux points, la bienheureuse Vierge obtint la grâce la plus parfaite. Car elle évita tout péché plus que n’importe quel saint à l’exception du Christ. (…) En outre, elle a pratiqué les œuvres de toutes les vertus, alors que les autres saints n’en ont pratiqué que certaines »30.

  2. Marie est encore pleine de grâce quant à son rejaillissement sur la chair. L’âme de la bienheureuse Vierge fut si pleine de la grâce que « cette grâce en rejaillit sur sa chair de sorte qu’elle en pût concevoir le Fils de Dieu »31.

  3. Marie eut enfin cette plénitude de grâce quant à son épanchement sur les autres hommes. Marie fut remplie de grâce non seulement pour son propre salut, mais pour contribuer au salut de tous les hommes rachetés par le Christ.

S. Pinckaers fait remarquer que :

cette démarche en trois étapes est calquée sur l’exposé de la grâce du Christ qui se communique à nous par le moyen de son corps, auquel nous sommes unis par les sacrements, au point de devenir les membres vivants de son corps mystique qu’est l’Église. C’est en regardant la grâce du Christ que saint Thomas déduit quelle est la grâce de Marie. Et c’est bien ainsi qu’a toujours fait l’Église32.

Remarquons que, d’après Thomas, il s’agit bien, pour Marie, d’une grâce, d’une plénitude de grâce. Cela correspond au nom « Comblée-de-grâce » donné par l’ange. C. Journet fait ainsi remarquer que Comblée-de-grâce « veut signifier une plénitude »33, car il ne s’agit pas d’une certaine quantité de grâces dont Marie serait comblée, mais « d’une grâce d’une plénitude telle qu’elle contient en elle virtuellement tous les privilèges qui seront accordés à Marie »34.

Dans son Sermon, S. Thomas met encore en évidence deux autres points sous lesquels Marie est supérieure aux anges. D’une part, elle dépasse les anges dans l’intimité divine. « Le Seigneur est avec toi » signifie, selon Thomas, que toute la Trinité est avec Marie : le Seigneur comme Père du Fils dont Marie est la Mère ; le Seigneur comme Fils dans son sein ; le Seigneur comme Esprit-Saint dans son temple. Aucun ange n’a eu ce privilège. D’autre part, Marie dépasse les anges quant à la pureté : « La Vierge fut non seulement pure en elle-même, mais elle procure aussi la pureté aux autres »35.

Ces développements de S. Thomas d’Aquin nous permettent d’entrer plus profondément dans le sens spirituel de l’Écriture pour dégager encore davantage les caractéristiques de la grâce de Marie :

  • La grâce de Marie est une véritable plénitude.

  • Cette plénitude de grâce a sanctifié Marie dans son âme et dans son corps en vue d’une double maternité : elle a mis au monde le Fils de Dieu et contribue à la naissance des frères de Jésus en les purifiant.

  • Cette grâce place Marie dans une intimité exceptionnelle avec les trois Personnes de la Trinité.

IV L’obéissance de Marie

Exégèse littérale de Lc 1,38

Une obéissance libre et joyeuse

Considérons enfin la réponse de Marie : « Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole » (Lc 1,38). Comblée-de-grâce, Marie reste dans une attitude d’humble obéissance. Luc utilise le terme de doulê par lequel Marie veut ressembler à Anne, la mère de Samuel, qui s’est présentée devant le Seigneur comme « servante » : « Ô Seigneur Sabaoth ! Si tu voulais considérer la misère de ta servante (tês tapeinôsis tês doulês), te souvenir de moi, ne pas oublier ta servante (tê doulê)… » (1 S 1,11). Dans son Magnificat, Marie citera explicitement ce verset : « Il a jeté les yeux sur l’abaissement de sa servante (epi tên tapeinôsin tês doulês) » (Lc 1,48).

Mais comment comprendre son obéissance exprimée par « qu’il m’advienne selon ta parole » (kata to rêma sou) ? Luc utilise l’optatif genoito, qui « exprime “un joyeux désir de…”, jamais une résignation, une soumission par contrainte devant quelque chose de grave ou de pénible »36. Le fiat de Marie ne résonne donc pas directement avec le fiat douloureux de Jésus à Gethsémani (Lc 22,42). Le fiat de Marie exprime non une adhésion douloureuse, mais une obéissance joyeuse. L’optatif souligne aussi la liberté de cet acte.

Une obéissance croyante

Élisabeth louera la réponse de Marie en mettant en valeur sa dimension de foi : « Oui, bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur ! » (Lc 1,45). Cette béatitude trouvera un écho dans les paroles du Magnificat : « Désormais toutes les générations me diront bienheureuse » (1,48), mais aussi dans les béatitudes proclamées par Jésus en Lc 6,20-22 : « Heureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous… ». Ces béatitudes sont adressées aux disciples parmi lesquels il faut ranger Marie, l’humble servante. L’obéissance de Marie à la parole de l’ange s’inscrit dans l’écoute de la parole de Dieu qui doit caractériser tous les disciples de Jésus (cf. Lc 5,1 ; 6,47 ; 8,15). C’est donc une obéissance croyante.

Soulignons l’importance de la foi de Marie. Dans son encyclique Redemptoris Mater, Jean-Paul II a admirablement explicité la destinée de Marie comme un pèlerinage de foi37. Dans la perspective limitée de mon étude, je ne peux développer cet aspect. Pour en faire pressentir l’importance, je voudrais cependant rappeler comment les Pères de l’Église ont affirmé que Marie a conçu le Fils de Dieu « en son esprit avant de le concevoir en son sein, précisément par la foi »38. Une compréhension profonde de la maternité comme relation permet de saisir le sens de cette affirmation :

D’une façon générale, la maternité (et la paternité) est une relation. Relation fondée sur la communication de l’existence (…). Ainsi la maternité divine consiste fondamentalement en cette relation ontologique singulière de la personne de Marie à la Personne du Verbe (en sa distinction puisque seul le Verbe s’est incarné). Tout l’ensemble des relations de grâce (qui sont des relations interpersonnelles) entre Marie et le Verbe d’abord, mais aussi entre elle et les deux autres Personnes, se sont développées à partir de là39.

On comprend alors pourquoi la relation de maternité entre Marie et le Verbe est d’abord une relation « spirituelle » dans la foi, avant d’être une relation « charnelle ». Cela manifeste bien l’importance de la foi de Marie.

Mais revenons à notre réflexion sur sa liberté.

Lecture dans la Tradition

L’exégèse littérale de la réponse de Marie permet déjà de mettre en évidence sa liberté. Mais, selon la conception la plus répandue de la liberté dans nos sociétés modernes, Marie, soumise à Dieu et comblée de la grâce du Tout-Autre, semblerait avoir perdu sa liberté et être devenue « aliénée », étrangère à elle-même. Il s’avère donc nécessaire d’essayer de mieux comprendre, comment la « Comblée-de-grâce » est vraiment libre en adhérant à la parole de l’ange, comment l’obéissance joyeuse et croyante de Marie est un acte qui permet à sa liberté de s’épanouir.

Pour éclairer cette question, il faut d’abord montrer comment la conception « moderne » de la liberté est réductrice. S. Pinckaers enracine cette conception de la liberté dans ce qu’il appelle la « liberté d’indifférence » qu’Ockham a élaborée :

Historiquement, le moment crucial et décisif se situe au début du xiv e siècle, lorsque Guillaume d’Ockham, faisant la critique de saint Thomas, élabore sa conception nouvelle de la liberté. (…) Ockham est bien l’initiateur d’une certaine idée de la liberté et de la morale que vont reprendre beaucoup de théologiens et de philosophes après lui, même quand ils s’opposent au nominalisme ou tout simplement l’ignorent40.

Dans la perspective de cette liberté d’indifférence,

la liberté réside tout entière dans le pouvoir que possède notre volonté de se déterminer entre les contraires et ce à partir d’elle seule, comme entre le oui et le non, entre ce que dicte la raison et son contraire, entre vouloir et ne pas vouloir, agir et ne pas agir, entre ce qu’ordonne la loi et son contraire, etc. (…) Ainsi comprise, la liberté s’identifie pratiquement à la volonté, comme source des vouloirs et des actes, comme pouvoir d’autodétermination. Elle en vient à constituer, en quelque façon, par elle seule, l’être de l’homme, à l’origine de ses actes. C’est dans le même sens que J.-P. Sartre a pu écrire : « Ma liberté n’est pas une qualité surajoutée ou une propriété de ma nature ; elle est très exactement l’étoffe de mon être »41.

La conception de la volonté est ainsi transformée : elle n’est plus définie par l’attrait vers le bien, mais devient « comme une indifférence radicale d’où procède un pur vouloir »42.

La séparation qu’a faite Ockham entre la liberté et l’attrait vers le bien est en rupture avec la conception patristique de la liberté. Les Pères ont repris certains principes de la pensée antique, mais ils les ont éclairés et transformés par la Révélation. Si le bonheur est la première aspiration de la nature humaine, l’Évangile permet d’accomplir cette aspiration de manière plus personnelle et plus objective : « Le bonheur ne consiste plus, pour les Pères, ni pour saint Thomas, dans la seule vertu humaine, comme qualité subjective, mais principalement dans l’ouverture au Bien divin, à sa Réalité propre, par un amour qui vient de Dieu même, grâce au Christ »43.

Cette conception assume la pensée antique et l’accomplit dans le Christ, dans la liberté de l’Esprit. Pour Pinckaers, cette conception se trouve à la racine de la « liberté de qualité » qui s’épanouit peu à peu sous la motion de l’Esprit. Dans la Somme contre les Gentils, S. Thomas explique :

Ajoutons que les fils de Dieu reçoivent la motion de l’Esprit Saint non comme des esclaves, mais comme des hommes libres. Est libre, selon Aristote, celui qui est sa propre cause quand il agit. Aussi agissons-nous librement quand nous agissons par nous-mêmes, c’est-à-dire selon notre volonté intime, tandis que notre conduite est servile et non libre, quand nous agissons à l’encontre de notre volonté intime. (…) En nous faisant aimer Dieu, l’Esprit Saint nous incline à agir selon notre volonté spontanée. Aussi les fils de Dieu sont-ils mus par l’Esprit Saint à agir librement par amour et non servilement, par crainte44.

C’est bien dans cette perspective que le fiat de Marie non seulement fut un acte libre, mais il a fait grandir Marie encore plus dans sa liberté. Si la vraie liberté (« la liberté de qualité ») ne réside pas dans le pouvoir que possède notre volonté de se déterminer entre les contraires et ce à partir d’elle seule, mais bien dans l’attrait intime et spontané vers le Bien qu’est Dieu et sa volonté, alors, Marie, « Comblée-de-grâce », était vraiment une femme libre et de plus en plus libre. C’est en écoutant sa volonté intime mue par la grâce de l’Esprit que, dans la foi, Marie a joyeusement obéi à la parole de l’ange. Le texte de Lc 1,38 avec l’optatif genoito le manifeste bien. La réponse libre et joyeuse de Marie s’inscrit d’ailleurs bien dans toute l’atmosphère de liberté et de joie dont rayonne l’Évangile de l’enfance de Luc : il n’y a aucune opposition entre liberté et grâce, ou entre l’homme libre et Dieu. Alors que la « liberté d’indifférence » aboutit à la conception moderne selon laquelle on ne peut exalter l’homme sans écarter Dieu, ni exalter Dieu sans diminuer l’homme, la vraie liberté, la « liberté de qualité », se réalise pleinement dans la grâce de l’Esprit qui épanouit notre liberté.

Conclusion

Concluons notre étude, en reprenant l’essentiel de notre parcours qui nous a permis d’entrer davantage, je l’espère, dans le mystère de la grâce christique de Marie.

Nous avons vu comment l’attitude de l’ange Gabriel, pleine de révérence et d’admiration, manifeste déjà l’éminente dignité de Marie qui s’inscrit dans la valeur « extraordinaire » des temps messianiques. La grandeur de la grâce de Marie doit être située dans la longue histoire du salut qui s’accomplit par la venue du Messie, du Fils de Dieu : Marie est ainsi la fille de Sion par excellence dont la vocation contribue à porter l’espérance d’Israël à son accomplissement.

À la lumière du récit de l’annonciation, nous avons pu mieux comprendre l’éminente dignité de Marie, sans tomber toutefois dans une exaltation excessive : « Ce n’est pas en accumulant les hyperboles au sujet de Marie que l’on sert sa cause ou celle de la foi », écrit J.-P. Torrell45. C’est en référence au Christ et à sa mission que se manifeste la véritable grandeur de la grâce de Marie : elle est la « Comblée-de-grâce » en vue de la maternité divine et virginale, en vue de la collaboration à l’œuvre du salut. Marie est ce qu’elle est uniquement pour le Christ et par le Christ : sa grâce est totalement christique. Mais elle est aussi trinitaire : Marie a tout reçu du Père, par le Christ et dans l’Esprit Saint, en vue du salut.

Par sa plénitude de grâce, la « Comblée-de-grâce » est et demeure donc totalement relative à la grâce de Dieu qui l’a transformée et comblée : Marie se situe entièrement dans le registre de la gratuité de l’amour de Dieu. Mais cela ne signifie pas qu’elle ne soit plus pleinement humaine. Au contraire, la « Comblée-de-grâce » est la femme la plus libre au sens de la vraie liberté qui s’épanouit en se tournant sans réserve vers le Bien absolu qu’est Dieu et sa volonté, en s’établissant ainsi dans l’intimité de Dieu. Par conséquent, en Marie, le projet de Dieu sur l’humanité s’est réalisé en plénitude.

La « Comblée-de-grâce » fut la première à entrer dans la joie pour laquelle l’humanité a été recréée dans le Christ, dans la joie messianique annoncée par les prophètes et accomplie par la naissance du Sauveur. En Marie se conjuguent ainsi pleinement grâce, liberté et joie, ce qui veut dire, en d’autres termes, qu’en Marie l’amour gratuit de Dieu a pleinement transformé l’être humain qui, de cette manière, est devenu pleinement lui-même, en vivant pour le Tout-Autre et pour les autres, dans la vraie liberté et dans le vrai bonheur. Marie est ainsi pleinement « modèle de l’Église » et « modèle pour l’Église »46.

Notes de bas de page

  • 1 J’utilise ce terme dans la perspective de Dei Verbum 8 : « Cette Tradition qui vient des apôtres se poursuit dans l’Église, sous l’assistance du Saint-Esprit : en effet, la perception des choses aussi bien que des paroles transmises s’accroît, soit par la contemplation et l’étude des croyants qui les méditent en leur cœur, soit par l’intelligence intérieure qu’ils éprouvent des choses spirituelles, soit par la prédication de ceux qui, avec la succession épiscopale, reçurent un charisme certain de vérité. » S. Thomas d’Aquin est un merveilleux exemple de l’accroissement de la « perception des choses » et des « paroles transmises » par son étude, sa contemplation et son intelligence intérieure.

  • 2 Cf. J.A. Fitzmyer, The Gospel according to Luke. I-IX, coll. The Anchor Bible 28, New York, Doubleday, 1981, p. 335 ; I. de la Potterie, Marie dans le mystère de la Nouvelle Alliance, coll. Jésus et Jésus-Christ 34, Paris, Desclée, 1988, p. 42 ; P. Bossuyt, J. Radermakers, Jésus, Parole de la Grâce selon saint Luc. 2. Lecture continue, Bruxelles, éd. de l’I.É.T., 1984, p. 98.

  • 3 Dans ce récit, on remarquera le jeu entre le singulier et le pluriel : il est dit que le Seigneur apparut (18,1), puis qu’Abraham vit trois hommes (18,2) auxquels il s’adresse cependant au singulier (18,3), mais qui répondent au pluriel (18,5). Il y a ensuite une question adressée par les trois visiteurs (18,9), puis on repasse au singulier avec l’hôte (18,10), pour revenir au pluriel (18,16). Le récit commençait d’ailleurs par la mention de l’apparition du Seigneur, comme si les trois visiteurs en manifestaient la présence.

  • 4 Cf. P. Bossuyt, J. Radermakers, Jésus, Parole de la Grâce (cité n. 2), p. 98s.

  • 5 Cf. I. de la Potterie, Marie (cité n. 2), p. 43.

  • 6 Cf. J.A. Fitzmyer, The Gospel according to Luke I-IX (cité n. 2), p. 315.

  • 7 P. Bossuyt, J. Radermakers, Jésus, Parole de la Grâce (cité n. 2), p. 87.

  • 8 Ibid., p. 89s.

  • 9 Ibid., p. 91s.

  • 10 Apo tou theou indique à la fois le lieu d’où l’ange est envoyé et l’agent qui l’envoie (cf. J.A. Fitzmyer, The Gospel according to Luke I-IX, cité n. 2, p. 343).

  • 11 « Myri?m, from which Maria(m) developed, is a Semitic name, of Canaanite origin, and most likely was related to the noun mrym, found in both Ugaritic an Hebrew, meaning “height, summit”. As the name of a woman, it probably connoted something like “Excellence”, and is to be related to other abstract feminine names, such as ?ann?h, “Grace”, or ‘Edn?h, “Pleasure” » (ibid., p. 344).

  • 12 « Gabriel » est l’un des trois anges nommés dans l’Ancien Testament, en particulier chez Dn. Dans la littérature intertestamentaire, il est situé parmi les sept anges qui se tiennent devant Dieu. « Gabriel » est un nom composé à partir du nom de Dieu : « Gabri-el » signifie « Dieu est mon héros ou mon guerrier » (ibid., p. 328). La racine de « Gabri » est gabar : « Être fort, puissant ».

  • 13 Ibid., p. 344.

  • 14 W. Bauer, A Greek-English Lexicon of the New Testament and other Early Christian Literature (revised and edited by F.W. Danker), Chicago - London, The University of Chicago Press, 20003, p. 1074.

  • 15 I. de la Potterie, Marie (cité n. 2), p. 49. S. Lyonnet fait d’ailleurs remarquer que, dans le Nouveau Testament, la salutation habituelle est eirênê traduisant l’hébreu shalôm ou l’araméen shelam (Cf. J.A. Fitzmyer, The Gospel according to Luke I-IX, cité n. 2, p. 344).

  • 16 I. de la Potterie, Marie (cité n. 2), p. 49.

  • 17 Traduction de S. Salaville retouchée par I. de la Potterie, Marie (cité n. 2), p. 50.

  • 18 À la suite de plusieurs exégètes, J. Ratzinger-Benoît XVI fait d’ailleurs remarquer : « En grec, les deux mots, joie et grâce (chara et charis), sont formés à partir de la même racine. Joie et grâce vont de pair » (L’enfance de Jésus, Paris, Flammarion, 2012, p. 49).

  • 19 I. de la Potterie, Marie (cité n. 2), p. 52.

  • 20 Ibid.

  • 21 Ibid.

  • 22 Cf. ibid., p. 53.

  • 23 H. Cazelles, art. « Nom. AT. », Vocabulaire de théologie biblique, Paris, Cerf, 1981, c. 827.

  • 24 I. de la Potterie, Marie (cité n. 2), p. 55.

  • 25 Ibid., p. 45-48.

  • 26 Thomas d’Aquin, Sermon sur la salutation angélique, dans J.-P. Torrell, Encyclopédie « Jésus le Christ chez Saint Thomas d’Aquin », Paris, Cerf, 2008, p. 1273-1278.

  • 27 Thomas d’Aquin, S. T. IIIa, qu. 30, art. 2, ad 1.

  • 28 Selon la version latine qu’utilisait Thomas.

  • 29 Thomas d’Aquin, Sermon sur la salutation angélique (cité n. 26), p. 1274.

  • 30 Ibid., p. 1275.

  • 31 Ibid., p. 1276.

  • 32 S. Pinckaers, La grâce de Marie. Commentaire de l’Ave Maria, Paris - Montréal, Médiaspaul - Paulines, 1989, p. 47.

  • 33 C. Journet, Entretiens sur Marie, Les Plans-sur-Bex (Ch), Parole et silence, 2001, p. 17.

  • 34 Ibid.

  • 35 Thomas d’Aquin, Sermon sur la salutation angélique (cité n. 26), p. 1277. « Elle-même fut très pure quant à la faute, car elle n’a encouru ni péché originel, ni péché mortel, ni péché véniel » (ibid.). J.-P. Torrell relève que ce passage est invoqué par « les théologiens qui essaient de montrer que Thomas admettait l’Immaculée Conception de Marie. Si cette phrase appartient bien au texte authentique, elle s’inscrit en faux contre tous les autres endroits où Thomas dit le contraire », y compris dans ce sermon (J.-P. Torrell, ibid.). Torrell estime que S. Thomas s’est peut-être laissé entraîner dans une approximation ou qu’un scribe a été maladroit. Rappelons pourquoi, pour des raisons théologiques, S. Thomas d’Aquin et la majorité des théologiens de son époque n’acceptaient pas l’Immaculée Conception de Marie. Pour eux, il y avait une objection, qui semblait insurmontable, à la doctrine selon laquelle la très Sainte Vierge Marie fut préservée du péché originel dès le premier instant de sa conception : en effet, l’universalité de la Rédemption opérée par le Christ, à première vue, pouvait apparaître compromise par une telle affirmation, comme si Marie n’avait pas eu besoin du Christ et de sa rédemption. C’est le franciscain Jean Duns Scot qui donna l’argument théologique pour le comprendre : cet argument est celui de la « Rédemption préventive », selon laquelle l’Immaculée Conception représente le chef-d’œuvre de la Rédemption opérée par le Christ, parce que précisément la puissance de son amour et de sa médiation a fait que sa Mère soit préservée du péché originel. Marie est donc totalement rachetée par le Christ, mais avant même sa conception (cf., notamment, J.-H. Nicolas, Synthèse dogmatique. De la Trinité à la Trinité, Fribourg - Paris, éd. univ. Fribourg - Beauchesne, 1985, p. 487-493).

  • 36 I. de la Potterie, Marie (cité n. 2), p. 68.

  • 37 Cf. Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris Mater 12-19.

  • 38 Ibid., 13. Voir, par exemple, Augustin, De sancta virginitate 3, 3, BA 3, p. 201 ; Léon le Grand, Tr. 21, De natale Domini, CCL 138, p. 86.

  • 39 J.-H. Nicolas, Synthèse dogmatique (cité n. 35), p. 470.

  • 40 S. Pinckaers, Les sources de la morale chrétienne. Sa méthode, son contenu, son histoire, coll. Études d’éthique chrétienne 14, Paris - Fribourg, Cerf - éd. Univ. Fribourg, 1985, p. 337.

  • 41 Ibid., p. 339-340.

  • 42 Ibid., p. 340.

  • 43 Ibid., p. 342.

  • 44 Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils IV, 22 (repris par S. Pinckaers, Les sources…, cité n. 40, p. 376).

  • 45 J.-P. Torrell, La Vierge Marie dans la foi catholique, Cerf, Paris, 2010, p. 11.

  • 46 Lumen Gentium 63 et 64.

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