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Scripture, in order to be rightly called the soul of theology, ought to be considered in all its components, in the O.T. and N.T. : Torah, Wisdom, Prophets ; Gospels, Acts, Epistles, Revelation. Assuming its canonical integrity, it correctly views human goodness and evil, woman as man’s « aid », the cross as love subduing the evil forces. The present article aims at enlivening the meaning of Holy Scripture in the act of its theological and spiritual interpretation at the service of the Christian communities.

Pour que l’homme et la femme aient la vie, pour que le croyant vive de sa foi, ce qui est à transmettre d’une génération à l’autre, c’est la Bible dans sa totalité. Elle seule fait sens. Il s’agit de transmettre tout sous peine de ne rien transmettre ou de le transmettre mal parce que de manière lacunaire. C’est la thèse de ces pages. La place de l’Écriture se trouve d’abord assurée dans le processus de transmission. L’attention se centre ensuite sur trois axes complémentaires : la place du mal et du péché ; la place de la femme ; la place de la croix. Ce qui a pu gêner la transmission devrait servir à la favoriser. C’est la raison de cette sélection.

I La place de l’Écriture Sainte

Ressaisir, dans le contexte de la culture occidentale, le rapport entre Écriture et transmission, c’est renouer avec un débat dans l’histoire de la théologie. Dès la constitution du peuple de Dieu dans l’Ancien Testament, dès la venue de Jésus lui-même sur la scène de l’histoire, dès l’aube du christianisme, se pose pour la foi la question des conditions de sa transmission. Le Deutéronome se recommande pour illustrer ce fait (Dt 6,20-22). Le dernier livre du Pentateuque et sa terminologie offrent deux avantages. L’urgence de la transmission est patente. Confesser sa foi, c’est apprendre des anciens les bienfaits dont les générations précédentes ont bénéficié pour en bénéficier après eux. Ce texte pose aussi la question critique. Dans une communauté où se trouvent des Égyptiens normalement constitués, comment transmettre sans heurter la sensibilité des « victimes » de tels « signes et prodiges » ? La réponse est simple mais demande une certaine ampleur. Les aspects complémentaires de cette geste de Dieu à l’égard d’Israël et des Nations gagnent à être respectés selon les aléas d’une longue histoire. La pédagogie de Dieu consiste en effet à se révéler juste et miséricordieux en faveur de tous. Elle demande du temps.

Le Deutéronome offre un autre avantage. La transmission dont il traite affecte autant le corps que l’esprit. La prière du Shema ‘ Israel (Dt 6,4-9) prend en compte le cœur et les « poteaux des maisons ». Le texte fonde la pratique des mezoûzôt qui contiennent le Décalogue. On les trouve appliquées aux chambranles des maisons juives aujourd’hui. L’histoire est la succession des générations. Les générations se succèdent par engendrements de corps spirituels. La transmission de la foi passera donc par les corps dans leur espace et leur temporalité sociale.

Le texte inaugural de la généalogie de Jésus (Mt 1,1-8) illustre la transmission par emprunt à tout l’Ancien Testament du côté des auteurs du Nouveau. À l’autre extrémité d’une vie de Jésus, la rencontre des disciples d’Emmaüs, puis de la communauté des disciples avec le Christ vivant selon Luc (Lc 24,13-35.36-48), renvoie massivement à l’Ancien Testament. Le Ressuscité en appelle à la loi de Moïse, à tous les prophètes, aux Psaumes et à toutes les Écritures pour faire entrer dans l’intelligence de son mystère. Paul fait à son tour acte de transmission quand il s’explique sur l’Eucharistie (1 Co 11,23-27). Ici encore, la foi se vit en assomption du corps : celui du Seigneur et du nôtre dans le sien. Transmettre, c’est incarner la Parole grâce aux sacrements, l’Eucharistie en particulier, comme à leur fruit dans le corps social de la communauté. À l’instar de la nouvelle alliance eu égard à l’ancienne, le don reçu et transmis opère un effet créateur, lié à l’éternelle nouveauté de Dieu-Amour. Il ne s’agit donc pas seulement de transmission humaine. La Bible est cette bibliothèque qui ne fait qu’un livre. Ce livre est le seul dans la Tradition chrétienne à être reconnu comme inspiré par l’Esprit de Dieu dans le respect des médiations humaines. Réalité culturelle unique dans l’histoire, la Bible transmet à l’humanité le trésor de Dieu, Dieu Lui-même comme trésor absolu, seul digne de l’humain véritable.

Jésus n’a jamais rien écrit. La transmission de ce qu’il a été dans l’histoire et demeure en son accomplissement de Ressuscité fait partie de son identité. Il a voulu dépendre de ce que l’on continue à dire et à écrire de lui, non seulement au plan de la foi de l’Église mais en tant qu’événement de l’histoire. Le rapport du Christ à l’Écriture, partant à la culture, revêt un caractère apostolique. Il faut des envoyés pour écrire et parler de lui puisqu’il n’a rien écrit. Cette transmission marque la constitution du peuple de Dieu dès l’Ancien Testament. Celui-ci participe de la même fonction apostolique. L’Écriture de l’Ancien comme du Nouveau Testament relève d’un témoignage. Ce témoignage de foi s’avère indispensable à l’Église.

1 Ancien Testament

Le débat sur la rédaction du Pentateuque le montre à l’envi. L’exil à Babylone est le creuset où se mettent par écrit les traditions d’Israël pour lui permettre de tenir en situation de crise. C’est faire acte de transmission de ses événements fondateurs pour le peuple élu. En dépend la vie ou la mort du peuple. Son existence est menacée par la destruction de Jérusalem et du Temple en 586, comme par la déportation en terre étrangère d’une majorité de ses membres et de ses responsables. Des prêtres reconstruisent le temple de Jérusalem après le retour des déportés à Babylone sur leur terre. Ils ont toute chance d’être les derniers rédacteurs de la Torah, à la naissance du judaïsme postexilique2. Pour le royaume du sud, il faut sans doute remonter jusqu’à 621, date de la réforme de Josias, qui marque la production du Deutéronome et de la littérature apparentée (Dt à 1 –2 R)3. En ce qui concerne le royaume du Nord, le moment critique entoure la chute de Samarie en 721. Cette première phase de la crise s’accompagne d’un mouvement prophétique. L’exil (586-538 av. J.-C.) marque encore l’activité des prophètes et de leurs disciples. La littérature de Sagesse porte à son tour l’empreinte de l’exil. Les textes peuvent être datés d’avant ou d’après l’exil. Un bon exemple figure dans le livre des Proverbes. On date grosso modo les chapitres 1 à 9, plus élaborés, de l’époque exilique qui suppose la mise en question de la Sagesse traditionnelle, représentée par les chapitres suivants. La Sagesse prend son essor. Elle se met aussi à parler à la première personne dans un magnifique poème (Pr 8,22-31). Elle se prépare de la sorte une assimilation à l’Esprit Saint. Dans le Livre de la Sagesse, la Sagesse possède en effet un Esprit affecté de vingt et un adjectifs, trois fois sept, le chiffre parfait (Sg 7,22-23), pour dire son excellence. Elle synthétise ainsi l’essentiel d’une conduite humaine régie par le Dieu de l’Alliance.

L’exil apparaît donc comme le prototype d’une expérience de mort et de résurrection dans l’Ancien Testament. Le livre (ho biblos), ou pour reprendre la triade : la Loi, les Prophètes et les autres écrits4, sert d’aide-mémoire, leur fonction principale. Dès ce moment, l’Écriture est Tradition et la Tradition est Écriture, pour reprendre les termes d’un lieu classique de la théologie chrétienne.

2 Nouveau Testament

Le mystère pascal de Jésus reproduit et radicalise cette problématique. L’essentiel des traditions sur Jésus, cette fois, procède de la même urgence d’écrire des aide-mémoire pour entretenir la foi en sa personne. Jésus n’a rien écrit, disions-nous. Il n’a pas attendu sa mort pour vivre à chaque instant son abandon au Père dans l’amour des autres. Plus le temps passe, plus les traditions chrétiennes remontent dans le passé, jusqu’au commencement absolu dans la tradition johannique (cf. Jn 1,1-5), pour mettre en évidence cette réalité de fond : « Au commencement était le Verbe » (Jn 1,1). La mort et la résurrection du Christ conduisent ainsi à produire à leur tour un corpus d’Écritures, le Nouveau Testament. Mais celui-ci se trouve adossé à ce que nous appelons l’Ancien Testament, de l’intérieur de la communauté chrétienne. Cette articulation à l’Ancien Testament signifie l’unité du dessein créateur et sauveur de Dieu, le Père, qui s’accomplit dans la vie, la mort et la résurrection du Fils. Celui-ci livre l’Esprit dans l’acte de mourir comme il meurt (Jn 19,30). Il offre son Esprit à ses disciples, le soir de Pâques (Jn 20,22 ; cf. Jn 20,19-23). Le kérygme paulinien dit bien le nouvel enjeu de ce rapport entre Écriture et Tradition (1 Co 15,3-4).

Le rapport entre Écriture et Tradition tire sa complexité de sa richesse même. L’expérience de foi est toujours première, sur l’initiative gratuite du Dieu de l’Alliance. En ce sens la Tradition vivante précède l’Écriture. Mais l’Écriture puise à son tour son efficacité en inspirant et en régulant l’expérience de foi. À ce titre, même si elle suppose l’expérience croyante, elle la suscite aussi pour l’élargir à des dimensions toujours menacées de réduction. Au Concile Vatican II, la constitution Dei Verbum sur la Révélation5 ne parle pas de deux sources de la Révélation, mais d’une seule, en faisant droit au sens de l’Écriture entretenu par Luther et la Réforme, comme au rapport entre Écriture et Tradition, dans l’Écriture et dans la Tradition. L’Écriture est Tradition. La Tradition, quant à elle, est au service de l’Écriture. Écriture et Tradition sont inséparables. Ils constituent la Parole de Dieu. La Tradition vivante, porteuse de l’autorité dans la communauté des croyants, délimite et garantit le Canon6 des Écritures comme référence normative pour sa foi.

Ce retour à l’Écriture, dans les termes qui viennent d’être rappelés, est encore loin d’avoir produit tous ses fruits. Sans doute faut-il faire droit aux impératifs du dialogue interreligieux et à la situation de la morale, en matière sexuelle, d’éthique biomédicale et de justice sociale. On a paré au plus pressé ou à ce qui a été jugé tel. L’exégèse universitaire n’a peut-être pas rendu non plus aux communautés chrétiennes et à la théologie les services que l’on était en droit d’en attendre. En ce sens, on ne peut que souhaiter une réception toujours plus large de la Constitution dogmatique du Concile sur la Révélation divine, selon les axes rappelés ci-dessus. Nous demeurons en reste par rapport à ce retour à l’Écriture. Ce n’est pas nier l’effort consenti par beaucoup pour y donner et y avoir accès. Mais l’Ancien Testament fait peu l’objet de la prédication et des homélies malgré le travail liturgique d’étalement des textes sur les cycles des années A, B et C7 et les instruments de qualité mis à la disposition du large public. L’expérience pastorale le prouve également. Le rapport à la Bible comme Parole nourrissante et savoureuse de Dieu dans la lectio divina demeure en souffrance8. C’est surtout l’articulation entre l’Ancien et le Nouveau Testament et en définitive le rapport traditionnel entre le sens littéral et le sens spirituel de l’Écriture, qui attestent des blocages par hyperspécialisation des domaines et le retard sans cesse différé de l’interprétation au nom de la complexité des procédures exégétiques. Dès lors la question est de savoir ce qui gêne le lecteur ou la lectrice dans sa lecture du texte biblique, pour que celui-ci exerce si peu sa puissance d’attraction, en suscitant le plaisir de lire. Les réflexions suivantes voudraient essayer de répondre à ces interrogations.

II La place du mal et du péché

Un des freins majeurs à ce plaisir de lire ne résulterait-il pas de ce que l’on a trop souligné, du point de vue chrétien, la dimension du mal et du péché dans l’existence de la personne et dans l’histoire du monde ? Deux considérations semblent symptomatiques, par exemple dans les entretiens de Marc Leboucher avec René Rémond : Le nouvel antichristianisme9. La première concerne la manière dont est présenté le péché originel.

Cette notion est aujourd’hui difficilement recevable par la raison. Dans une culture attachée à l’idée de responsabilité personnelle, comment admettre que nous payions aujourd’hui pour la faute d’un couple qui aurait été commise à l’aube de notre histoire ? L’affirmation de l’existence historique de ce couple unique est battue en brèche par la science et on pressent que le récit de la Genèse relève davantage du mythe. Raison de plus pour en discuter10.

La deuxième renvoie au siècle des Lumières dont elle retient le rejet de cette vision de l’homme pécheur. Là encore, citons R. Rémond :

Alors que le christianisme professe que le mal est au cœur de l’homme, se référant au message biblique, l’auteur (Rousseau) du Contrat social insiste, lui, sur la bonté originelle de chacun d’entre nous, malheureusement corrompue par des organisations sociales défectueuses … Selon cette famille de pensée, l’homme est capable de faire le bien et de construire sa personnalité sans être soumis à une instance spirituelle supérieure. C’est à lui de décider de son propre destin11.

De fâcheux amalgames compliquent la discussion. Le premier pourrait se résumer de la manière suivante : la doctrine du péché originel mettrait en péril la bonté intrinsèque de la créature. Le second qui en découle se formulerait ainsi : il revient au siècle des Lumières de réhabiliter la bonté de l’homme, contredite par la conception chrétienne de l’homme pécheur. Le recours à l’Écriture s’impose pour la voir clarifier ce qu’on lui impute à tort. Les récits de la création en Gn 1,1 –2,4a et 2,4b-25 spécifient l’enseignement biblique sur l’homme et la femme, et marquent un véritable tournant dans l’histoire des religions et des cultures.

1 La bonté de l’homme et de la femme selon le Dieu créateur

Le texte le plus épuré de Gn 1 culmine dans la création, le sixième jour, de l’homme et de la femme, du masculin et du féminin, à l’image comme la ressemblance de Dieu (Gn 1,26-27). Ce jour est ponctué d’une bénédiction plus excellente encore que celle des jours précédents : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon » (Gn 1,31a). L’accent sur l’excellence vient souligner cette œuvre d’un singulier-pluriel humain par le « nous » divin (Gn 1,26-27).

Les Orientaux plus que les Occidentaux, dans la tradition chrétienne, insisteront sur le fait que si la « ressemblance » peut bien être ternie par le péché, l’« image » ne sera jamais compromise12. En d’autres termes, fait partie de la nouveauté biblique, jamais remise en cause par le Fils en personne, que Dieu, le Père créateur, est bon et crée par un surcroît de bonté. Cette bonté de Dieu créateur dans sa créature ne sera jamais pervertie par le péché, si grave, si « mortel » soit-il. Ce fut, au concile de Trente (1545-1563), un point d’âpres discussions entre catholiques et protestants13. Jamais la tradition catholique ne se résoudra à admettre que le péché rend la créature intrinsèquement perverse. Il n’y aurait plus aucune conversion possible. Si le péché aveuglait à ce point le cœur et la conscience qu’il n’y aurait plus aucune étincelle de bonté en eux, le pécheur ne pourrait jamais revenir à Dieu. Il ne serait plus en état de renoncer à sa conduite mauvaise en pouvant nommer son mal pour en prendre distance et retrouver la communion avec Dieu.

Le même enseignement est dispensé une seconde fois par Gn 2. La distinction entre homme et femme, ‘îsh et ‘îshah, survient plus tard. L’auteur nous fait d’abord assister à la mise en situation de l’homme (‘adam) dans le jardin d’Éden. Ce contexte fait comprendre la première parole de Dieu comme une loi qui est un don, assorti d’une condition (Gn 2,16).

Si l’arbre de la connaissance du bon et du mauvais symbolise la Sagesse, l’interdit entreprend surtout de différer le don pour qu’il soit reçu comme tel, pour que l’homme ne se l’arroge pas comme un dû. L’interdit ménage un espace de gratuité. Se trouve ainsi assurée la reconnaissance de l’autre, en particulier du partenaire féminin de la relation, donc l’amour authentique dans l’Alliance. Différer l’acte de manger de l’arbre, c’est aussi rendre possible l’assomption de l’autre en nourriture véritable, substantielle. C’est ce qui se passe dans l’Eucharistie14. Il y a une manière de « manger l’autre » qui ne le « dévore » pas. Elle le respecte jusqu’au bout de son altérité pour se l’assimiler dans ce qu’il possède de plus précieux, mieux : pour se laisser identifier à lui, l’unique nourriture qui demeure en vie éternelle.

Ensuite seulement Dieu « opère », au sens médical du terme, la « construction »15 de la femme pour l’homme. C’est pour nous faire assister à la naissance du langage et nous faire accéder nous-mêmes à la parole. L’homme seul parle, dans un cri de jubilation (Gn 2,23). Si la femme se tait, c’est que tout en elle est langage. Elle ne parle pas qu’avec des mots. Plus que celle de l’homme, la chair féminine est chant puisqu’elle suscite la jubilation masculine. Sa « faille »16 en appelle à la parole, au dialogue. Sinon elle « sidère » d’une sorte de fascination aveugle qui explique bien des perversions et des malheurs.

Jamais les ravages du péché ne viendront entamer cette bonté du couple humain. La suite de Gn 3 précise que le dessein créateur de Dieu risque, certes, d’être compromis par la désobéissance à la loi bonne, expression de son don, du don qu’Il est. La Bible analyse plus que toute autre tradition religieuse les méandres du péché à l’aide d’une sémantique complexe, nuancée, très diversifiée dont dictionnaires et vocabulaires se font l’écho. Mais c’est pour mettre toujours plus en évidence la sollicitude du Père à l’égard de ses enfants. Le péché n’est pas moins objet de révélation que l’Amour créateur. Il est destiné à manifester l’ingéniosité de l’Amour miséricordieux de Dieu dont nous n’aurions aucune idée s’il n’y avait précisément pas le péché. Cet Amour consent à être mis en échec. Mais il fera aussi tout pour transformer cette disgrâce en grâce surabondante17.

2 L’écho du Nouveau Testament

Dans le Nouveau Testament, il revient sans doute à la tradition johannique plus qu’à aucune autre d’insister sur ce point, dès le Prologue du quatrième évangile. Ses cinq premiers versets offrent un condensé de l’évangile et de la Bible entière. Il n’y est question du mal et du péché qu’en terme de « ténèbre » définie sur fond de « lumière ». Dans le prolongement de la Genèse, de la Torah tout entière, de la Sagesse et des Prophètes, la lumière demeure première et le restera à jamais. La ténèbre est seconde. Elle arrive toujours trop tard. C’est encore pour favoriser le rayonnement de la lumière. Le bien reste nécessaire à toute perception du mal. Le dualisme ontologique, moral ou religieux s’en trouve exclu. Mais les enjeux de l’interprétation sont clairs. Le texte ne sera jamais transmis en dehors d’un acte interprétatif. Marie Balmary trouve les mots justes.

De deux personnes qui se réfèrent à l’évangile de Jean, il se peut que le premier soit un inquisiteur cruel et le second François d’Assise. Allez expliquer cela. Ce qui rend les religions mortifères, ce n’est pas tant leur texte que leur mode de transmission, me semble-t-il18.

Le texte est indissociable de sa transmission. Il s’agit de trouver la meilleure transmission possible, conforme aux données comme dans le respect de leur complexité. Si le christianisme définit l’homme comme pécheur, ce n’est donc pas pour en nier la bonté. La bonté foncière de l’homme permet d’en évaluer les déficiences et les déficits. Le mal reste inexpliqué parce qu’inexplicable19. Vouloir le comprendre et le justifier expose à la tentation gnostique qui veut rationaliser le réel humain en cherchant à rendre transparents à la raison et Dieu et le péché. En ce sens, le péché n’est pas « originel » au sens strict du terme. Il n’y a que l’Amour créateur, la grâce, à occuper l’origine. Mais le péché est aussi proche que possible de l’origine. Il surgit dès l’éclosion de la liberté. La représentation qui en fait une faute héritée est archaïque et mérite la critique. Le péché reste actuel parce que la liberté éclôt dans un monde et une histoire marqués par le mal.

L’expression « péché originel », écrit P. Beauchamp, a pu donner à penser que le péché occupait la place de l’origine, alors qu’en réalité l’homme est créé bon et juste. Mais elle sert à exprimer que c’est exactement sur la relation de l’homme à son origine qu’elle prend place, d’où son caractère transmissible20.

La transmission du péché originel ne relève pas d’un passé qui ne nous appartiendrait pas. Elle serait aliénante. Il ne s’agit pas d’expier pour la faute d’un autre ! La liberté choisit son bien. Elle peut se tromper de bien. L’hypothèse n’est pas irréelle. Il en a toujours été ainsi. Placé devant mon bien, je ne le choisis pas sans hésitation, de manière infaillible. Mais je ne choisirais pas le mal si je ne le prenais pas pour mon bien. Il m’arrive aussi de prendre pour un mal ce qui est en fait un bien dans la texture de mon histoire sainte. Le critère sapientiel des fruits s’avère décisif : « Un bon arbre ne peut produire de mauvais fruits » (Mt 7,18). Cette vérité d’expérience témoigne de la bonté foncière de l’être créé, même quand il se trompe. La doctrine de l’homme pécheur enseigne d’abord la bonté de l’homme et de la femme, créés à l’image comme la ressemblance de Dieu. Cette anthropologie n’a pas attendu les Lumières. Il faut pourtant les Lumières pour s’illusionner sur la bonté de la créature au point de ne plus la voir tempérée de sa capacité du pire. Penser que le mal n’atteint l’homme que par les conditionnements sociaux en tout genre, ne tient pas compte de l’histoire. La modernité charrie violence et massacres, de la Révolution française aux totalitarismes nazis ou communistes. Une anthropologie close sur elle-même n’honore pas plus les données bibliques que la dure réalité des faits.

Le Psautier à cet égard revêt une valeur pédagogique sans pareille. Il fait alterner louange, lamentation, puis de nouveau louange. Louange au début, louange à la fin. Tout est ordonné par et à la louange. Plainte et cri constituent un passage : ni un départ, ni un aboutissement. Mais le cri du nouveau-né ? Il est déjà louange à la vie ! Et le cri de Jésus en croix ? Il dit, surtout selon Luc (Lc 23,46), l’abandon de l’Esprit du Fils entre les mains du Père.

III La place de la femme

Autre lieu sensible du point de vue de la transmission de l’Écriture Sainte : la place de la femme dans le dessein de Dieu. Le rôle de tentatrice joué par Ève dans le récit de la faute en Gn 3 a opéré des ravages. Il occulte, dans l’imaginaire et la mémoire, tant d’autres textes de l’Ancien comme du Nouveau Testament, destinés à tempérer cette vision négative comme à réhabiliter la femme. Tout simplisme gagne à être écarté en ces domaines. Il faut faire droit à des réalités complémentaires que l’esprit a tôt fait d’opposer.

1 De l’un à l’autre Testament

La Bible cherche à concilier des inconciliables : le pouvoir de séduction de la femme sur l’homme, mais aussi sa médiation en faveur de la maturation de l’homme. La femme peut s’ériger en obstacle à la croissance de l’homme. Personne pourtant ne peut mieux servir de médiation à cette croissance. À la lumière de Marie, la mère de Jésus, dans le Nouveau Testament, il s’agit de faire droit, du côté féminin, à une triple fonction : vierge, épouse et mère ; du côté masculin, par analogie : chasteté, mariage, paternité. La Sagesse, dès l’Ancien Testament, est cette instance de conciliation. La Sagesse divine se joue des obstacles en apparence insurmontables dans la réalisation de ses desseins. C’est déjà le cas dès Gn 3 avec le protévangile — l’évangile avant la lettre — de Gn 3,15. Le Seigneur châtie l’auteur du péché, symbolisé par le serpent, pour faire à la femme une promesse de vie.

La victoire est assurée. Ce sera au prix d’un combat acharné, sans merci. Il n’est pas dit que le mal ne continuera pas à opérer des ravages. Le texte se trouve accompli en Ap 12, dans le combat entre la femme — Ève, Jérusalem-Israël, Marie-l’Église — et « l’énorme dragon, l’antique serpent, le diable ou le satan, comme on l’appelle, le séducteur du monde entier » (Ap 12,9). Le paradoxe de l’Apocalypse veut que le Christ, mort et ressuscité, atteste et confirme sans cesse sa victoire sur le péché et sur la mort. Il n’est pas question d’épargner aux siens son propre combat en eux contre les forces du mal toujours vivaces21. Lieu de friction et même de dissension fondamentale au niveau de la confession de foi entre Juifs et chrétiens ! Si le Messie est venu, pourquoi encore la guerre ? Mais le Messie est un Messie souffrant et même crucifié. Il n’a jamais été dit aux croyants en Son Nom qu’ils ne souffriraient ni l’injustice ni la persécution. Le contraire est vrai. La vérification se fait de plusieurs manières, plus ou moins dramatiques ou tragiques.

Un principe de réalité s’en trouve mis en valeur dans l’Écriture, plus que nulle part ailleurs. Il est dû à une économie d’incarnation. Ressaisie dans sa totalité où elle s’éclaire et se complète par elle-même, l’Écriture canonique ne confine pas la femme au rôle de tentatrice. Même dans un chapitre qui risque de prêter à la misogynie, Paul est formel :

Dans le Seigneur, ni la femme ne va sans l’homme, ni l’homme sans la femme, car de même que la femme a été tirée de l’homme, ainsi l’homme naît par la femme, et tout vient de Dieu.

(1 Co 11,11)

Le remède à maintes déviations consiste à reprendre contact avec le sol nourricier de l’Écriture, Ancien et Nouveau Testament reliés au point de n’en faire qu’un : « L’un et l’autre Testament ». La littérature apocryphe, d’inspiration gnostique, n’est pas une solution.

2 Du côté des Apocryphes

Dans ce genre de sources littéraires, non retenues dans le Canon des Écritures, tel « l’évangile selon Marie »22, nous aurions de belles traditions favorables à Marie-Madeleine, maîtresse ou épouse de Jésus, occultées par la grande Église pour ne pas porter ombrage à l’autorité institutionnelle de Pierre. À y regarder de près, la thèse se retourne contre ses défenseurs. L’univers gnostique de cet « évangile selon Marie » développe dès les premières lignes conservées un mépris de la matière et du corps, contraire à la tendresse idyllique que l’on voudrait nous prouver entre Jésus et Marie de Magdala. Négateur de la résurrection des corps, favorable à un dualisme entre « le péché du monde » qui pervertit radicalement l’homme comme la nature et le Bien qu’est Jésus, ce texte laisse sans réponse la question d’une réconciliation dans l’humanité. Cette conception de l’humain conduit à un rapport faussé entre loi et grâce. Elle prépare les antithèses les plus ruineuses entre ces réalités bibliques fondamentales au sein d’une théologie du rapport entre l’Ancien et le Nouveau Testament, sans parler des simplifications qu’elle ménage, déjà par anticipation, de la théologie paulinienne.

Certes, d’autres propos tenus par Marie, tel « Il nous a faits Homme » (9,20), comme l’explique très bien dans une note Françoise Morard, favorisent une compréhension de « l’être humain réunissant les deux sexes » :

D’après le Corpus hermeticum, I,9 et I,12, le Dieu Noûs, qui est mâle et femelle, Père de tous les êtres, vie et lumière, a enfanté un Homme semblable à lui ; cette unité primordiale va être compromise par la chute de l’homme dans la matière23.

La transmission de l’Écriture dans son unité canonique devrait favoriser la collaboration de l’homme et de la femme en matière d’existence humaine individuelle et collective, d’expérience de foi dans la vie spirituelle, les activités pastorales, et — c’est le point délicat — dans les prises de responsabilité au plan de l’autorité. L’Écriture, en ce domaine comme dans tant d’autres, ne suffit pas. Elle doit être accompagnée et suivie par la Tradition vivante, représentée par le magistère24. Que la Tradition en acte se nourrisse plus continûment de l’Écriture, et plus de liberté pourrait présider à l’innovation en matière d’animation pastorale des communautés chrétiennes.

IV La place de la croix

Un nouveau paradoxe veut que la femme et les femmes trouvent leur juste place, dans l’évangile selon Jean, mais aussi, à leur manière, chez les Synoptiques, au moment de la mort de Jésus. Avant d’y revenir, il ne sera pas inutile de lire un texte synthétique de tout l’Ancien Testament : 2 M 7, surtout les paroles de la mère des sept frères martyrs à l’instant de leur mort.

1 Un message d’espérance

Sans entrer dans une lecture détaillée de ce chapitre, relevons-en le caractère représentatif de la révélation biblique. Une femme, une mère, encourage ses fils au témoignage suprême de leur foi dans la mort martyre. Quelques versets parmi les plus révélateurs et les plus discutés suffiront à évoquer un monde.

Par dessus tout admirable et digne d’une illustre mémoire, la mère qui vit périr ensemble ses sept fils en un jour par moment favorable, et le supporta courageusement en vertu des espérances qu’elle plaçait dans le Seigneur. Elle consolait chacun d’eux, dans la langue de ses pères, et remplie de nobles sentiments, elle animait d’un mâle courage son raisonnement de femme. Elle leur disait : « Je ne sais comment vous êtes apparus dans mon ventre ; ce n’est pas moi qui vous ai gratifiés de l’esprit et de la vie ; et la disposition des éléments de chacun de vous, ce n’est pas moi qui l’ai organisée. Aussi bien le Créateur du monde, Celui qui modèle la genèse de l’homme et qui est l’Auteur de la genèse de toute chose vous redonnera-t-il l’esprit et la vie de nouveau avec miséricorde comme maintenant vous vous surveillez vous-mêmes pour l’amour de ses lois » … Elle se pencha vers son dernier fils et ayant dédaigné le cruel tyran, elle dit dans la langue de ses pères : « Mon fils, aie miséricorde de moi qui t’ai porté dans mon ventre neuf mois, qui t’ai allaité trois ans, qui t’ai conduit jusqu’à cet âge et qui ai pourvu à ton entretien. Je t’en conjure, mon enfant, lève les yeux, vois le ciel et la terre et tout ce qui est en eux ; sache que, non des choses qui étaient, Dieu les a faits25, et que la lignée des hommes advient de la même manière. Ne crains pas ce bourreau, mais digne de (tes) frères, accepte la mort afin que, dans la miséricorde, avec tes frères, je te retrouve ».

(2 M 7,20-23.27-29 ; traduction BJ 1998 remaniée)

Cohérence du dessein sapientiel de Dieu ! Une femme, incarnation de la Sagesse féminine, est chargée de l’exprimer. Après tant d’autres, en passant de Saraï, femme d’Abram (Gn 12), à la Bien-Aimée du Cantique, à travers la Sagesse de Pr 8,22-31 et Si 24, quelle réhabilitation d’Ève ! Sa parole de consolation — paraclèse — dit que, si Dieu crée, c’est pour la vie et la vie éternelle. La résurrection exprime le dernier mot de la création. Tel est l’objet de la confession de foi (l’homologèse : 2 M 7,37) du dernier des fils de la mère, de ce dernier des sept frères. S’il n’y a qu’un Dieu, le même est celui qui crée et celui qui ressuscite pour la vie. Cette mère le signifie concrètement, dans sa personne. Elle est déjà cette Ève qui terrasse le serpent et sa descendance, selon le protévangile de Gn 3,15. À cette innommée, certaines traductions ont donné le nom de la mère de Samuel : Hannah, la Grâce26. C’est aussi le nom de la mère de Marie, bien que le Nouveau Testament n’en dise rien27. Dès l’époque patristique et dans le prolongement de l’Apocalypse, Antiochus fut identifié comme figure de l’Antéchrist. 2 M 7 servit de modèle aux martyrologes chrétiens. Ce sommet surgit en instance de mort martyre. S’en trouve dédramatisée la mort comme entrée dans la vie. Pareille dédramatisation relève de la femme, gardienne de la vie.

2 La mort de la croix

La mort du Christ selon Jean ne vient pas d’abord illustrer le paradoxe de la gloire et la croix. Jésus, selon Jn 13,31-32, est glorifié en un premier temps au moment de la sortie de Judas de nuit, lors du dernier repas. Il l’est, en un second temps, dans la prière qu’il adresse au Père en Jn 17,1.5. Le terme de la glorification n’apparaîtra plus par la suite sinon pour évoquer la mort martyre de Pierre en Jn 21,19, au cours du dialogue entre Jésus ressuscité et Pierre au bord du lac de Tibériade. Sa mort est surtout le lieu où s’accomplit (Jn 19,24.36-37) et même se parachève l’Écriture (Jn 19,28). Nous retrouvons l’Écriture par laquelle s’était ouverte cette réflexion. Transmettre la foi, transmettre le Christ, c’est transmettre l’Écriture. Nous l’avions vue tissée de la Sagesse, de la Torah et des Prophètes. Dans les citations évoquées, se retrouvent les écrits de Sagesse dont les Psaumes forment le fleuron dans la prière d’Israël. La Torah affleure dans les réglementations au sujet de la Pâque. Les prophètes sont synthétisés par la brève citation de Za 12,10, remaniée par l’auteur pour les besoins de sa confession de foi. Le « Ils verront » de saint Jean transforme le « Ils regarderont » du texte original, en recourant au verbe (horaô) de la vision du croire selon le vocabulaire johannique. « Voir dans » signifie que les yeux du croyant s’ouvrent à la fois sur lui-même, capable de transpercer le Verbe fait chair, et sur l’objet contemplé : un Amour qui ne répond que par l’Amour aux intentions homicides des siens. Cet Amour va jusqu’au bout (cf. Jn 13,1), jusqu’à cet « achèvement » (telos), raconté comme « achèvement de tout », sur les lèvres de Jésus mourant, et « parachèvement » de l’Écriture. L’Amour n’accable rien ni personne. Il n’est pas vengeur ; il est eucharistique. « Sang et eau » (Jn 19,34) dit, au singulier, le surgissement de l’Épouse-Église grâce à la plèvre ouverte de l’Époux-Adam-Jésus endormi dans la mort (cf. Gn 2,22, évoqué ci-dessus), sous les « espèces » du sang eucharistique et de l’eau du baptême.

L’Écriture transfigure en apaisement, en réconciliation suprême, l’horreur de la crucifixion. Sans l’éluder. La Sagesse de Dieu tire parti du mal qui s’abat sur l’Innocent, injustement persécuté et condamné à mort. L’Écriture dit ainsi le comble de la miséricorde sur le comble de la dévastation meurtrière du mal. Elle exorcise la mort de tout pouvoir maléfique. La violence est dénoncée pour être assumée. Elle se trouve conjurée28. Le récit johannique souhaite qu’elle le soit pour toujours. Il suscite, comme en chacune de ses pages, l’urgence d’une appropriation de la personne du Christ par le croyant. Croire en ces termes, le Prologue le transmet dès le début de l’évangile, l’ensemble du récit le confirme grâce au témoignage transmis de l’Écriture Sainte, c’est d’ores et déjà « être engendré de Dieu » (Jn 1,13).

Une lecture superficielle des chapitres les plus forts que Paul consacre à la croix du Christ et à son sens pour le croyant, 1 Co 1 –4, laisserait penser que son point de vue diverge de la vision johannique. Comme Jean, Paul souligne à sa manière « le Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens » (1 Co 1,23). Il le fait à son tour pour montrer la cohérence par rapport à l’Écriture, considérée sous l’angle de la Sagesse de Dieu. Son argumentation est aussi scripturaire que celle du quatrième évangile :

Car il est écrit : « Je détruirai la sagesse des sages, et l’intelligence des intelligents je la rejetterai. Où est-il le sage ? Où est-il l’homme cultivé ? ».

(1 Co 1,19-20a)29

Cette citation condense Is 29,14 ; Ps 33,10 ; Is 33,18 et Is 19,12. Elle est un prodige de pénétration d’Isaïe en particulier, mais aussi de la Sagesse des Psaumes. La défaillance de la sagesse humaine se trouve critiquée en faveur de la Sagesse indéfectible de Dieu. La réflexion de Paul, comme celle de tous les auteurs du Nouveau Testament, se veut à l’unisson de l’Écriture, même si cette intelligence du mystère de la croix procède de l’absolue gratuité qui s’y révèle. Cette Sagesse paradoxale, conciliation des contraires, s’avère celle des livres de Sagesse de l’Ancien Testament jusqu’à leur articulation avec le courant apocalyptique, comme l’a laissé deviner 2 M 7. Souligner la nouveauté de la croix, c’est la dire conforme à ce que les Prophètes et les Sages en laissent déjà transparaître dans leur accoutumance au Dieu d’Amour.

Selon qu’il est écrit : nous annonçons « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment ».

(1 Co 2,9)

Par une condensation d’Is 64,3 et de Jr 3,16, l’Écriture est à nouveau conviée pour rendre compte de ce qui l’excède. Le procédé est constant chez Paul : « Sans la Loi, la justice de Dieu s’est manifestée, attestée par la Loi et les Prophètes » (Rm 3,21).

Transmettre l’Écriture Sainte, c’est transmettre le dessein de Dieu dans le monde et dans l’histoire. L’Écriture en délimite les contours sans l’enclore dans un savoir préétabli. Elle s’offre à découvrir comme une nouveauté inépuisable. Humble, comme ce qui est humain et divin, son rôle se révèle irremplaçable dans l’accès de toute femme et de tout homme à la réalité de Dieu comme à la sienne propre.

Notes de bas de page

  • 1 Texte modifié, pour les besoins de la présentation écrite, d’une conférence au Centre Sèvres, en conclusion d’un cycle consacré par le département d’éthique publique, sous la direction de J.-Y. Calvez, à l’argument : « Transmission, difficile transmission », le 11 mai 2006.

  • 2 Pour plus de détails critiques : Artus O Le Pentateuque, coll. Cahiers Évangile 106, Paris, Cerf, 1998 ; La naissance du judaïsme, coll. La Bible tout simplement, Paris, l’Atelier, 1999.

  • 3 Cette époque sert de butée du point de vue des données archéologiques ; voir à ce sujet : Finkelstein I.et Silberman N.A., La Bible dévoilée. Les nouvelles révélations de l’archéologie, tr. P. Ghirardi, Paris, Bayard, 2002 (cf. NRT 126 [2004] 446s.).

  • 4 Selon l’expression répétée du traducteur de l’Ecclésiastique ou Siracide (1,1.8-9.23).

  • 5 Le chapitre II porte le titre : « La transmission de la révélation divine ».

  • 6 Le terme translittère le grec kanôn qui signifie d’abord une règle de mesure. Les dernières décisions prises par la Tradition catholique au sujet du Canon remontent au concile de Trente (1545-1563), dans le contexte de la Réforme.

  • 7 Deux textes importants de la commission biblique pontificale, stimulants par leur ouverture, ont pourtant jalonné le parcours : Commission Biblique Pontificale, L’interprétation de la Bible dans l’Église, Allocution de Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II et document de la Commission, Paris, Cerf, 1994 ; Id., Le peuple juif et ses Saintes Écritures dans la Bible chrétienne, préf. J. card. Ratzinger, Vatican / Paris, Libr. Ed. / Cerf, 2001.

  • 8 Des témoins ne manquent pas pour stimuler ; cf. Bianchi E., Écouter la Parole. Les enjeux de la lectio divina, coll. Le livre et le rouleau 28, Bruxelles, Lessius, 2006 ; Stinissen W., La prière contemplative, coll. Vives Flammes, Toulouse, Carmel, 2002.

  • 9 Paris, DDB, 2005.

  • 10 Ibid. 51.

  • 11 Ibid. 16-17.

  • 12 Un texte parmi d’autres : « Après la chute, nous avons rejeté la ressemblance, mais nous n’avons pas perdu l’être à l’image » (Grégoire Palamas, PG,, Tome 150, col. 1148B, cité par P. Evdokimov, La femme et le salut du monde, préf. O. Clément, coll. Théophanie, Paris, DDB, 1978, p. 65).

  • 13 Bon état de la question dans Sentis L., « Péché originel », dans Dictionnaire critique de théologie, éd. J.-Y. Lacoste, Paris, PUF, 1998, p. 875-877, spécialement pour le point concerné : p. 876, avec l’évocation des discussions au sujet du Surnaturel de H. de Lubac.

  • 14 « Le récit biblique sur le fruit défendu indique la valeur eucharistique des fruits des deux arbres, car il s’agit de la consommation » (Evdokimov P., La femme … [cité supra n. 12], p. 71).

  • 15 Le verbe employé : banâh-« construire », fait comprendre que la femme est un « temple » pour l’homme, comme la création est déjà un temple où le Créateur puisse résider comme chez lui. Cette conception prépare la compréhension johannique de l’incarnation du Fils comme le moment où Dieu dresse sa tente, non seulement parmi, mais en nous (Jn 1,14 ; cf. Si 24,8), en faisant aussi du corps du Verbe un sanctuaire véritable (Jn 2,21).

  • 16 « Féminin »-neqébâh, vient de la racine nâqab-« percer, pénétrer ».

  • 17 « Là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé » (Rm 5,20).

  • 18 Le propos est prêté à Ruth, la psychanalyste, dans Le moine et la psychanalyste, Paris, Albin Michel, 2005, p. 48.

  • 19 Paul ne dit pas autre chose dans un des textes les plus tourmentés de son œuvre : Rm 7,13-25. Bonne interprétation de S. Légasse, L’épître de Paul aux Romains, coll. Lectio divina – Commentaires 10, Paris, Cerf, 2002 : « En réalité, le grand coupable est ici le péché dont le moi est la victime. La volonté du moi est intègre et sauvegardée dans une personnalité presque entièrement livrée aux forces du mal. Quoique l’homme ici décrit soit “chair”, il est encore capable de vouloir le bien. Ce dont il est incapable, c’est de le “faire”. La ruine n’est donc pas totale et l’ego apparaît plutôt comme la victime impuissante d’une force maléfique qu’il ne peut dominer alors que son vouloir reste sain » (p. 467).

  • 20 Beauchamp P., L’un et l’autre Testament, t. II, Accomplir les Écritures, coll. Parole de Dieu, Paris, Seuil, 1990, p. 144.

  • 21 Les propos sévères sur : « Lâches, renégats, dépravés » et autres « assassins, prostitués et idolâtres », dans la dernière vision de la Jérusalem d’en haut en Ap 21,1 –22,5 (v. cité : 21,8), ne sont pas à comprendre comme une exclusion qui concerne les autres mais comme l’enjeu d’un combat toujours actuel en chacun, qui en appelle au respect de la loi bonne jusqu’en contexte eschatologique en prise sur une histoire encore inachevée.

  • 22 Excellente présentation dans Écrits apocryphes chrétiens II, éd. P. Geoltrain et J.-D. Kaestli, coll. NRF La Pléiade, Paris, Gallimard, 2005, p. 3-23. Il n’y a rien à attendre de la publication pour un large public de L’évangile de Judas, traduction intégrale et commentaires de R. Kasser, M. Meyer et G. Wurst, avec la collaboration de F. Gaudard, tr. D. Bismuth, Paris, Flammarion, 2006, sinon une confirmation de la conception négative du corps et de la matière, typique du dualisme gnostique.

  • 23 L’évangile selon Marie, éd. Fr. Morard, dans Écrits apocryphes chrétiens II (cité supra n. 22), p. 18.

  • 24 La première encyclique de Benoît XVI ouvre une porte à l’espérance !

  • 25 Voir Gilbert P., « 2 M 7,28 dans le “mythos” biblique de la création », dans La création dans l’Orient ancien, coll. Lectio divina 127, Paris, Cerf, 1987, p. 463-476.

  • 26 Chouraqui A., L’univers de la Bible, VII, Paris, Lidis, 1984, p. 211. Anne n’est-elle pas en effet « la stérile qui enfante sept fois » (1 S 2,5) ?

  • 27 Voir le Livre de la Nativité de Marie, dans Écrits apocryphes chrétiens I, éd. F. Bovon et P. Geoltrain, coll. NRF La Pléiade, Paris, Gallimard, 1997, p. 141-161. Le nom des parents de Marie survient très vite, après le Prologue, en I, 2, p. 151.

  • 28 « Si Satan est principe d’ordre autant que de désordre, c’est parce que la violence mimétique dont il est le maître se résout dans le mécanisme du bouc émissaire. C’est d’ailleurs pourquoi il est dupé par la Croix, privé par elle de sa principale ressource. Il comprend trop tard que le misérable secret de sa puissance est dévoilé et neutralisé par les récits véridiques de la Passion, c’est-à-dire l’Esprit de Dieu qui insuffle aux disciples de proclamer cette vérité. Cet Esprit, je le rappelle, a pour nom le Paraclet, mot qui signifie le défenseur des victimes. (…) En révélant, par la publicité de sa mort, l’emprise des sacrifices, (Jésus) desserre leur étreinte, il neutralise à la longue un mécanisme dont l’efficacité exige le secret » (Girard R., Celui par qui le scandale arrive, Paris, DDB, 2001, p. 74-76).

  • 29 Le même recours à l’Écriture revient en 1 Co 1,31 ; 2,9 (voir ci-dessous) ; 3,19-20 ; sans la formule d’introduction en gegraptai-« il est écrit » : 2,16.

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